En 2007, le tribunal correctionnel de Paris les avait condamnés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Arrêtés en 2001 en Afghanistan, quelques mois avant les attentats du 11 septembre, il étaient soupçonnés d'avoir rejoint des camps d'entraînement d'Al-Qaida. Emprisonnés dans le camp de Guantanamo, ils ont été interrogés par des enquêteurs de la DST (Direction de surveillance du territoire) en dehors de tout cadre légal. Un télégramme diplomatique daté du 1er avril 2002 viendra d'ailleurs prouver que ces interrogatoires ont bien eu lieu.
La cour d'appel de Paris a estimé que cette procédure était " irrégulière " puisque les services secrets ont agi dans le cadre d'une mission de renseignements et non de police judiciaire. Les agents de la DST s'étaient fait passer pour de simples fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et des diplomates soucieux d'apporter toute l'aide possible aux détenus français. C'est précisément ce que dénonçaient depuis le début les avocats des cinq anciens détenus, Me Bourdon et Me Jacques Debray qui estime que " ces interrogatoires ont été réalisés au mépris total des droits de la défense. Cette décision est exemplaire pour la démocratie puisqu'on reconnaît, qu'en justice, la fin ne justifie pas les moyens ".
L'arrêt de la cour d'appel indique qu'il ne reste plus rien à charge contre les anciens détenus de Guantanamo puisque les procès-verbaux des interrogatoires ont été annulés. Dès lors, sans plus aucun élément d'accusation, la relaxe s'imposait pour les juges.
Mourad Benchellali est heureux de la décision même si " elle est à relativiser puisqu'elle se base sur un vice de procédure. Mais j'avais besoin de ça pour me reconstruire. On nous rend enfin notre statut de victime ".
La décision de la cour d'appel de Paris intervient dans le contexte de fermeture de la base américaine de Guantanamo et de la demande faite par les Etats-Unis aux Européens d'accueillir d'anciens prisonniers de la base de Cuba. La France est sollicitée d'ailleurs pour accueillir Nabil Hadjarab, un lyonnais, dont la détention à Guantanamo avait été révélée par Lyon Capitale (lire ici). L'accueil de ce détenu risquait de créer une distorsion. Innocenté par les Américains, il n'aurait été ni jugé ni condamné par la justice française, quand Mourad Benchellali, Nizar Sassi, Brahim Yadel, Khaled Ben Mustapha et Redouane Khalid ont été condamnés le 19 décembre 2007 à un an d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Paris. Le délibéré de la décision d'appel avait d'ailleurs été repoussé de quatre semaines, démontrant ainsi l'embarras de la justice.
Le parquet général vient de faire appel de la relaxe prononcée par la cour d'appel de Paris en se pourvoyant en cassation. Si, grâce à Barack Obama, les Américains ont décidé de tirer un trait sur Guantanamo, la justice française semble vouloir s'entêter à se pencher dessus.
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