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"Les courses de l'UTMB sont aussi une manière de faire vivre et d'entretenir le territoire"

S'il a laissé la main à sa fille à la tête de l'organisation de l'UTMB, Michel Poletti a dessiné les parcours de l'UTMB (dont il (re)prendra le départ cette année, à 68 ans.

L'UTMB reprend les sentiers du tour du mont Blanc qu'empruntent chaque année entre 20 000 et 25 000 randonneurs. De Chamonix à Chamonix, la boucle intégrale leur prend entre 7 et 10 jours. Les 2 300 coureurs triés sur le volet qui courront l'UTMB 2023 auront 46h30 pour boucler les 172,9 kilomètres et 10 000 mètres de dénivelé positif.

Lyon Capitale : Comment sont définis les tracés de l'UTMB ?

Michel Polleti : J'ai toujours été très impliqué personnellement dans le tracé des parcours, compte tenu du rôle que j'ai eu, depuis le début de l'aventure, à la direction des parcours. Mais en réalité, ça a toujours été un travail collaboratif avec les autres, notamment les gens de l'association Les Trailers du Mont-Blanc – devenue Les Amis du Mont-Blanc – qui collaborent à l'organisation de l'UTMB Mont-Blanc. Dans le cadre de cette association, qui a toujours regroupé Savoyards, Valaisans, Valdôtains, on s'est intéressé aux parcours. Et c'est toujours là, dans ce groupe d'amis, que les parcours ont été dessinés.

Michel Poletti, co-fondateur de l'UTMB

La course reine, l'UTMB, reprend les chemins du tour du mont Blanc (TMB). Après, il y a eu d'autres courses. Les parcours ont-ils été pensés avec les autres acteurs du territoire ?

Si on prend vraiment l'origine, oui, effectivement, on a créé, il y a vingt ans, la course sur le parcours d'une course des années 90 qui se faisait en relais de 7 coureurs autour du Mont-Blanc et qui, elle-même, empruntait grandement sur les sentiers du tour du mont Blanc. Elle passait beaucoup par la route, en particulier dans le Val Ferret italien, le val Ferret Suisse et la vallée de Chamonix. Quand on a imaginé l'Ultra Trail du Mont-Blanc, on a voulu le parcours sur les sentiers du tour du Mont-Blanc, à quelques exceptions près. L'exception notable en 2003, c'était le passage par Vallorcine, parce que le tour du Mont-Blanc, lui, va directement de Trient (en Suisse) au col de Balme, puis dans la vallée de Chamonix, sans passer par Vallorcine. On avait opté pour une variante par Vallorcine pour associer la commune à la course. Un peu plus tard,  en 2007, on a aussi changé le parcours pour passer au cœur de Saint-Gervais. Auparavant on traversait la commune par le haut. Il y a toujours eu cette notion de créer des parcours qui sont aussi intéressants pour les territoires. Soit pour passer dans les villages, soit pour mettre en valeur telle ou telle partie du territoire. Dernier exemple en date, le petit détour par les Pyramides Calcaires, dans la descente du col de La Seigne en direction du lac Combal. Ça a permis de créer un petit sentier supplémentaire et de mettre en valeur ce coin là.

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L'UTMB chemine par des sentiers existants, mais permet aussi de créer des sentiers où, à tout le moins, d'entretenir des sentiers. C'est l'idée ?

L'UTMB permet de créer des sentiers quand la volonté locale existe de créer ou de réhabiliter un sentier existant. Sur les Pyramides Calcaires, par exemple, un petit bout de sentier de 500 mètres a ainsi été créé, pour permettre de faire une boucle autour des Pyramides. Pour la TDS, sur presque la moitié du parcours de la TDS, on est sur des sentiers qui, il y a dix douze ans avaient quasiment disparu, et qui ont été réhabilités par la course. Donc on est bien dans cet esprit de réhabilitation des sentiers du massif du mont Blanc. Les courses de l'UTMB ne sont pas seulement, j'allais dire de simples courses, elles sont aussi une manière de faire vivre et d'entretenir le territoire.

Le massif du Mont-Blanc est un écrin naturel fragile nécessitant notre plus grande attention.

Il existe aussi certaines zones fragiles qui sont traversées par les courses de l'UTMB. Comment procédez-vous pour les préserver ?

Le massif du Mont-Blanc est un écrin naturel fragile nécessitant notre plus grande attention. Nous devons minimiser notre impact en toutes circonstances, pas uniquement quand on traverse des zones sensibles. Il y a la réserve naturelle des Contamines-Montjoie, des Aiguilles Rouges, de Sixt-Passy et du Vallon de Bérard, le site Natura 2000 des Environs glaciaires du Mont-Blanc, le district franc Val ferret/ Combe de l'A. Au total, cinq épreuves de l’UTMB traversent des zones identifiées pour leur rareté et la fragilité des espèces qui y évoluent. On y recense des écosystèmes de faune et de flore bien identifiés. Nous avons toute une démarche vis-à-vis de ces zones sensibles. J'ai deux exemples toujours sur la TDS : il y en a un qui est juste en-dessous du Col du Petit Saint-Bernard, sur le versant italien, où en fait on passait le long du lac Vernet qui était une zone sensible et où on a créé un sentier légèrement au-dessus du lac pour éviter le bord du lac qui était trop sensible. Et on a l'alpage de la Sauce,  entre le Cormet de Roselend et le hameau de La Gittaz, où  il y avait une zone humide que le sentier randonneur traversait. Cette zone humide était régulièrement piétinée avec les randonneurs et les coureurs. Et du coup, en concertation avec la communauté de communes d'Arlysère, à laquelle appartient Beaufort, tout un cheminement en passerelle bois a été créé pour que les gens puissent cheminer sans abîmer la zone humide.

Comment est gérée la veille sur les parcours des courses de l'UTMB ?

On est en veille permanente. Déjà, on a beaucoup de nos coureurs qui font du repérage et peuvent nous faire remonter de l'information. On a aussi les gens locaux, les habitants, dans chaque commune qui peuvent faire remonter des informations. On a aussi une commission parcours au sein de l’association des Amis de l’UTMB Mont-Blanc qui veille aux parcours et qui conçoit chaque année le parcours de la PTL, à chaque fois nouveau. Et puis, la veille de la course, on a des équipes qui mettent en place le balisage de la course, au dernier moment pour déranger le moins possible, et pour garantir que les balises ne soient pas enlevées par inadvertance ou malveillance. Le balisage est posé de deux façons. Il y a des équipes, dans chaque commune, qui posent le balisage normal. Et on a une équipe d'ambassadeurs de l'environnement qui, eux, vont veiller, sur-baliser, mettre les panneaux dans les zones sensibles. Ils vont donc passer une deuxième fois pour perfectionner le balisage et veiller à ce que dans les zones sensibles justement, plus encore qu'ailleurs, les coureurs restent bien sur les sentiers.

Globalement, le principe même du balisage n'est pas seulement d'indiquer le chemin, c'est d'indiquer là où il faut passer exactement. Les ambassadeurs de l'environnement, au nombre de 25, sont chargés de circuler au sein des réserves naturelles traversées par les courses afin de nous permettre de mesurer et minimiser l'impact de l'événement sur l'environnement et sensibiliser les promeneurs et les accompagnants au respect des règles de bonne conduite. Ils participent au nettoyage des sentiers avant et après la course. Ces ambassadeurs couvrent au total deux fois la totalité des parcours en six jours soit 1 100 kilomètres et 40 000 mètres de dénivelé positif. Quant aux référents environnements, ils effectuent 400 kilomètres pour reconnaître tous les parcours en seize jours. Toutes les 15 000 balises sont conçues à la main grâce à 30 bénévoles pendant sept demi-journées. Elles permettent de baliser les 400 kilomètres de parcours de l’ensemble de nos courses.

On nettoie deux fois les sentiers : une fois avant et on les re-nettoie après. Ils sont donc plus propres après la course qu'avant.

Quelles sont les relations avec les agriculteurs, les alpagistes ?

C'est vrai que c'est une montagne qu'on partage. Et je dirais presque que les ayants-droits naturels, ce sont effectivement les bergers, les agriculteurs. On a aussi dans notre équipe environnement un référent environnement qui manage les ambassadeurs de l'environnement. C'est un salarié du groupe, aidé en général par un stagiaire de l'université de Chambéry avec laquelle on a un partenariat, et sa mission est de prendre contact avec les communes, pour assurer une bonne coordination et une bonne information des alpagistes, pour qu'on les informe du passage de la course, généralement pour qu'ils évitent de mettre leurs bêtes sur les sentiers qu'on emprunte mais aussi pour prendre les mesures d'évitement nécessaires, si besoin.

Ya-t-il un droit de regard du groupe UTMB sur les parcours des autres courses « by UTMB », en France et à l'étranger ?

D'une part, le parcours, on le valide d'un point de vue sportif, avec l'organisateur local. Ensuite, tout ce que je vous ai expliqué sur la bonne façon de s'y prendre sur les sentiers, fait l'objet d'un cahier des charges et l'organisateur local doit veiller aux sentiers, à la relation avec les alpagistes, à la protection des zones naturelles, veiller au bon balisage, au débalisage, au nettoyage des sentiers, tout ça exactement de la même façon que ce qu' on fait sur l’UTMB Mont-Blanc.

Sur le nettoyage, ramassez-vous moins de déchets aujourd'hui qu'en 2003 ?

On n'en ramasse pas beaucoup. C'est de l'ordre de 1 à 2 grammes par coureur après la course. En fait, on nettoie deux fois les sentiers : une fois avant et on les re-nettoie après. Ils sont donc plus propres après la course qu'avant. On a un vrai rôle d'éducation, de pédagogie vis-à-vis de certains coureurs, venant d'autres nations où la culture n'est pas forcément encore bien installée de ne rien laisser traîner sur les sentiers.

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