Dimanche ou lundi, les commerçants du marché du ramadan de la place Bahadourian plieront leurs étals jusqu’à l’année prochaine. Cet événement populaire, lieu de “rencontre entre l’Europe, l’Orient et l’Asie”, accueille chaque jour entre 1 500 et 3 000 visiteurs qui déambulent, discutent, échangent au milieu des odeurs d’épices et de menthe. Lyon Capitale s’est plongé au cœur de cette ambiance.
Depuis le 29 juin, le marché du ramadan a pris ses quartiers dans le 3e arrondissement de la ville pour un mois. Dans les allées, les spécialités algériennes, tunisiennes ou marocaines côtoient les maraîchers de la région en passant par les plats typiques du Bangladesh. Parmi la foule, Farid lance de grands bonjours, serre des mains… et les vis. Figure emblématique, il est l’un des organisateurs du marché depuis 1995, à travers l’association OQP. “Au départ, ce marché était sauvage. Durant la période du jeûne, quelques familles avaient pris l’habitude de venir vendre de la nourriture maison depuis les années 1975, se souvient Farid. Il a fallu structurer et professionnaliser le marché avec l’aide de la mairie du 3e et de Raymond Barre, ancien maire de Lyon.”
Une histoire de famille
À quelques mètres de là, Yamina est une visiteuse assidue du marché depuis qu’il existe. Ancienne habitante du quartier, elle ne manquerait pour rien au monde cet événement : “C’est l’occasion de faire la place à des non-commerçants, pas chers et fait maison.” Le fait maison, Lamia, 25 ans, y baigne depuis très jeune. Souriante et dynamique, elle prend le relais de sa mère au stand de pâtisseries. Intransigeante sur la qualité et l’hygiène de ses gâteaux, elle fait partie des meubles. Malgré “la bonne ambiance, cette année c’est un peu mort, regrette-t-elle. Avant il y avait plus de vie et plus de cris”. Le mauvais temps et la concurrence des marchés de Vénissieux et Vaulx-en-Velin n’y sont pas étrangers. “Il ne reste plus que trois ou quatre anciens commerçants sur les cinquante du début”, lance-t-elle nostalgique.
Au stand d’à côté, Khan et Rohan s’agitent. Ces deux jeunes hommes originaires du Bangladesh viennent depuis une dizaine d’années vendre beignets de légumes, galettes de fromage et samoussas cuisinés par leur beau-père.
Tout ce petit monde se démène sous le regard avisé de Salah, l’“ancien”, qui depuis cinquante-trois ans passe ses après-midi sur le marché. Assis sur un banc, il observe “les commerçants changer chaque année. Tranquille”. Le doyen montre deux jeunes enfants qui courent dans les allées : “C’est eux qui s’occuperont du marché l’an prochain”, plaisante-t-il.
Un marché “historique”
Déambulant dans les allées, des touristes viennent goûter à ces mets exotiques. Cette année, Farid a parlé “avec des Suédois et des Belges venus spécialement voir le marché”. À 4 euros le mètre linéaire journalier, Alledille est présent au rendez-vous depuis sept ans. C’est une “occupation” et un “gagne-pain” pour cet agent d’exploitation : “On voit beaucoup de monde sur le marché, il est très connu.” La mairie du 3e arrondissement doit, elle, chaque année “s’ajuster” à la nouvelle période et aux nouveaux horaires. L’événement survenu le 6 juillet entre certains commerçants, des passants et la police n’a en rien émaillé le bon déroulement de cette version 2014. Il est même qualifié d’“anecdotique” par les habitués du marché.
Après quelques réunions, la préfecture, les organisateurs et la Ville, qui ont maintenant l’habitude de traiter ensemble, permettent à ce “marché historique” de retrouver sa place dans le paysage de l’arrondissement. Un paysage en constante mutation. “Le quartier est peu politisé et peu religieux, contrairement aux idées reçues. C’est un quartier de commerçants”, reconnaît Farid. Il évolue “avec l’arrivée d’une majorité de “Gaulois” et cela crée un lieu de réelle mixité, à son image”. Aujourd’hui, il est plus adapté aux “jeunes femmes micro-ondes” et aux anciens.