Présidée par Richard Schittly, l'une des meilleures plumes du quotidien, l'association entend peser sur la ligne éditoriale. Objectif : privilégier la qualité aux "unes" sensationnalistes et remédier aux mal-être de beaucoup de journalistes de la maison
Lyon Capitale : Qu'est ce qui justifie la création de cette association ?
Richard Schittly : Fin décembre, on s'est retrouvé à quelques uns et on s'est dit : est-ce qu'on regarde encore les trains passer, ou est-ce qu'on fait quelque chose ? On a consulté tous nos confrères et on a senti une envie collective de peser sur l'avenir du journal.
Qu'est-ce qui inquiète les journalistes ?
Il y a une inquiétude sur l'avenir de la presse en général. On ne sait pas si dans dix ans il y aura encore des journaux ! A Lyon, la presse est en grande difficulté, la pluralité menacée... Cela fait qu'on s'interroge sur le rôle des journalistes. La deuxième raison est propre au Progrès. La nouvelle direction propose des recettes pour sortir de la crise... Disons qu'on se pose des questions sur ce qu'ils veulent réellement faire du journal.
Il n'y a pas de discussions avec eux sur la ligne éditoriale ?
Elle sont très limitées. Ce n'est pas propre au Progrès, car c'est un métier où l'on travaille toujours dans l'urgence. La nouvelle direction a présenté une charte éditoriale assez généraliste. On veut aller plus loin. Et certaines façons de traiter l'info nous ont choqués. Par exemple quand il y a eu cette affaire de principal de lycée accusé d'exhibitionnisme. On a mis sa photo en "une"... Pour nous, c'est une façon d'exploiter les faits divers qui passe les bornes. Le PDG l'a d'ailleurs reconnu. Faire des "unes" à ce point racoleuses, ça ne correspond pas à l'histoire et aux valeurs du Progrès.
Il y a aussi beaucoup de fantasmes sur les pressions politiques sur la rédaction...
Il y a quelquechose qui tient à coeur à la rédaction, c'est de ne pas devenir partisan. C'est la vocation du Progrès, seul quotidien dans la région. On veut préserver ça. On avait d'ailleurs déjà réagi quand, pour inaugurer nos nouveaux locaux, la direction avait choisi comme "parrain" le secrétaire d'Etat Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement. Le lendemain, il y avait quatre fois sa photo dans le journal ! Il y a mieux pour un journal qui se veut libre et indépendant...
Les lecteurs semblent avoir surtout du mal à comprendre la ligne éditoriale du Progrès...
La rédaction du Progrès est très hétéroclite, il y a des gens de droite, de gauche, pas engagés... On n'est pas un journal d'opinion, mais on partage des valeurs : la qualité de l'information et une forme de liberté. Malgré l'image "institutionnelle", il y a une rédaction pleine de richesses, avec des journalistes de grande qualité. C'est ça qu'il faut préserver. Or on ne se retrouve pas dans les recettes toutes faites "pour sauver les journaux" qu'on nous propose : la sur-exploitation des faits-divers, le journalisme à la petite semaine, les micro-trottoirs, l'immédiateté, l'absence de recul... Le grand truc, c'est "d'incarner l'information". C'est très bien ! Mais il ne faut pas tomber dans le journalisme qui serait un simple relais des réactions épidermiques des gens. C'est la base du boulot ! Pour nous, un journal ras-des-pâquerettes, ce n'est pas l'avenir.
La SDJ est-elle reconnue par la direction ?
Pour l'instant, le retour est plutôt distant. Mais notre poids dépendra de notre capacité à représenter la rédaction. L'objectif est de faire adhérer au moins la moitié des 270 journalistes. Le principe est de dire qu'un journal n'appartient pas qu'à ses actionnaires, mais aussi à ses journalistes. Qu'il y a une forme de propriété morale et intellectuelle. Si la direction ouvre le dialogue, ça peut bien se passer. Sinon, on est prêt à tout envisager.
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