Mais en s'habillant de nouveaux costumes : Sous prétexte de bien-être des enfants, de " libération sexuelle ", ou de considérer l'égalité des droits humains comme une conception occidentale, donc colonialiste, on voit resurgir la vision archaïque, inégalitaire de la hiérarchie hommes /femmes. Comme les stéréotypes inégalitaires persistent, la propagande machiste trouve immédiatement un écho favorable dans l'imaginaire collectif.
Les idées reçues sont entretenues par une instrumentalisation du vocabulaire. Une confusion volontaire est créée autour des mots qui désignent les droits universels de la personne afin de les déconsidérer.
De tout temps les machocrates ont utilisé 2 types de discours pour obtenir l'adhésion à la soumission : soit l'intimidation, avec menace de punition sur terre ou au ciel (éternelle) si les femmes n'obéissent pas aux traditions, soit une hypocrite protection.
Parmi tant d'exemples, trois illustrations actuelles de cette stratégie.
1-Autonomie financière des femmes
Tous les rapports des experts dans le monde confirment que le développement et la richesse d'un pays sont liés à l'émancipation des femmes de ce pays. L'inégalité des sexes est la cause principale de la pauvreté et de l'exclusion.
Aujourd'hui les phallocrates ne vont pas directement dénoncer le travail des femmes, ce serait ringard. Par contre l'idéologie machiste évoque mieux-être, bonheur, valeurs éducatives.
Ainsi, on ne parle plus de congés de maternité mais de congé parental. Or 98% des congés parentaux sont pris par les femmes et les hommes qui y ont recours ont généralement un salaire inférieur à celui de leur conjointe ou un travail plus précaire.
L'utilisation des congés quasi-exclusivement par les mères présente le risque de renforcer les pratiques discriminatoires sur le marché du travail ainsi que le retour à la spécialisation traditionnelle des activités entre parents, au nom de " l'efficacité économique ", des dispositions " naturelles " des femmes et des hommes et/ou de leurs préférences supposées.
L'articulation activités professionnelles/ activités domestiques reste l'affaire des femmes. Ce sont elles qui cumulent les obligations, puisque ce sont elles qui sont les cibles des actions publiques. Ceci entérine l'assignation des mères aux activités parentales et a un impact négatif sur l'orientation des jeunes filles.
Sous couvert d'une loi favorisant l'égalité entre les hommes et les femmes, on aboutit à la reproduction des schémas traditionnels.
Le contexte favorable au travail des femmes se traduit par des congés parentaux pris à temps partiel ou alternativement par chacun des parents, par le soutien de l'Etat ou des collectivités territoriales à des modes de garde avec horaires adaptés, par l'organisation du système scolaire et surtout la non-culpabilisation par la société.
2- Le système prostitutionnel
C'est une des piliers de l'inégalité sexuelle et des violences envers les femmes. Deux visions antagonistes : pour les uns le sexe des femmes serait un produit marchand à intégrer dans l'économie mondiale ; pour les autres l'achat de " services sexuels " est considéré comme un frein à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le droit a une pleine égalité sexuelle des hommes et des femmes, au plaisir sexuel des femmes comme des hommes, de n'être soumise à aucune exploitation sexuelle est détourné en " Droit à être prostituée ". Le rapport de domination serait inversé, mais il n'est nullement question d'égalité. C'est l'idée perverse du choix personnel de quelques personnes pour soumettre l'immense majorité des prostitués-e-s à subir violences sexuelles et exploitation.
La légalisation du proxénétisme en " industriel du sexe " a pour corollaire la légitimation des clients comme consommateurs de sexe et non la liberté pour les prostituées. Aubaine pour les proxénètes et les trafiquants d'êtres humains. La prostitution devient " travail " du sexe. Des associations d'aide aux prostituées sont financées par les proxénètes. Des syndicats de prostituées se forment qui protestent non pas vis-à-vis des proxénètes ou des gouvernements qui ont légalisé les " industriels du sexe ", mais vis-à-vis des associations qui dénoncent le système prostitutionnel.
On revient aux schémas archaïques : les prétendus besoins irrépressibles des hommes et l'objetisation du corps des femmes.
Le clan règlementariste, en particulier dans les conventions internationales, utilise les énormes moyens financiers du proxénétisme et de la traite. On a pu observer des liens " stupéfiants " afin de ne pas remettre en cause les législations nationales. Pays Bas et Iran même combat, le premier afin de protéger les proxénètes légaux, le second pour poursuivre et exécuter les prostituées. L'OIT préconise une " approche pragmatique de la prostitution afin de l'intégrer légalement dans le PNB des pays d'Asie du sud-est et de contourner la question du blanchiment d'argent " Où s'arrêter ?
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3-La prégnance des idéologies théocratiques
L'avancée des droits des femmes s'est faite dans tous les pays du monde, à partir des années 1960.
Les communautarismes religieux, ou prétendu tels, considèrent l'émancipation de la femme comme la cause de tous les fléaux de la société, maux qui disparaîtraient si l'on revenait aux conceptions théocratiques de domination des hommes et à l'acceptation par les femmes de leur soumission.
Tous les intégrismes religieux mènent le même combat pour maintenir les femmes dans " leurs " obligations : reproduction de la famille et gratification sexuelle du mari. Les tenants de l'islam politique vont, en plus de la peur de l'autonomie des femmes, utiliser la haine de l'Occident pour obtenir l'assujettissement volontaire des femmes. L'émancipation des femmes serait un phénomène occidental et à ce titre, contraire à l'islam !
Les rapports sociaux de sexe traditionnels, le partage des rôles seraient librement consentis. Imposer le droit universel serait du néo-colonialisme, voire du néo-esclavagisme. Les violences conjugales ne concerneraient que les " blancs " !
L'accusation d'ethnocentrisme proférée par ceux qui veulent enfermer les femmes dans les traditions patriarcales a un impact sur les benêts compassionnels qui acceptent séparation et inégalité hommes/femmes pour celles considérés définitivement comme " non-occidentales ". Le relativisme culturel est du racisme puisqu'il interdit à des personnes de jouir des droits fondamentaux universels.
La légitimation de la phallocratie procède au travail de sape de la République française, tablant sur l'ignorance, l'indifférence ou la lâcheté. Au nom d'une prétendue modernité, on caricature le modèle républicain, l'Etat de droit, le rendant responsable de tous les maux passés et présents. Par contre les traditions théocratiques et ségrégationnistes seraient indépassables.
L'archaïsme d'une société se mesure au fossé qui sépare les droits des femmes de ceux des hommes. Le vieux mur de la phallocratie érige de nouvelles frontières entre les hommes et les femmes. C'est à la vigilance citoyenne des femmes et des hommes d'abattre ces vieux murs et leurs fondations pour vivre ensemble par delà les différences.
Michèle Vianès, président de Regards de Femmes