Les pieds-noirs demandent au maire de Lyon le retrait du nom de l'esplanade "du 19 mars 1962".

Les terrasses en gradins de la Guillotière viennent d'être baptisées "Esplanade du 19 mars 1962". Un choix qui choque les représentants des Français d'Algérie de Lyon.

Lors de sa dernière séance du 19 janvier dernier, le conseil municipal de Lyon a voté une délibération dénommant une esplanade des berges du Rhône avec la date du cessez-le feu de la guerre d'Algérie.

Il s'agit des terrasses en gradins de la Guillotière, en face du Grand Hôtel-Dieu, situées en surplomb du bassin aquatique aménagé sur les berges du Rhône.

Le lieu, rendez-vous privilégié des rassemblements populaires estivaux, a été baptisé "Esplanade du 19 mars 1962". Une décision qui acte "la volonté d'honorer les différentes mémoires d'Algérie" a tweeté le maire de Lyon Grégory Doucet.

La date a été retenue par la majorité écologiste en écho à la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie instituée par une loi de 2012.

"Rouvrir les plaies encore ouvertes" et "insulter les harkis"

Sur les 73 conseillers municipaux présents en séance du conseil municipal le 19 janvier, seuls les dix membres du groupe "Droite, centre et indépendants" ont voté contre. Si "l'idée de marquer le lien fort qui existe entre Lyon et sa population venue d'Algérie ou issue de l'immigration algérienne (...) est à notre avis une bonne idée" comme "d'inscrire ce concept dans l'espace public du quartier qui depuis près d'un siècle accueille les Lyonnais venus de nombreux pays et notamment d'outre Méditerranée", celle du choix de la date est, en revanche selon ces élus, une "très mauvaise idée".

Denis Broliquier, ancien maire du 2e arrondissement de Lyon (2001-2020), qui a pris la parole au nom du groupe d'opposition, explique qu'il s'agit d'une "date polémique" : "certes, la date a été officiellement retenue pour la signature d'un accord de paix mais tous les historiens, sans exception, reconnaissent qu'elle n'a pas été le début de la paix", rappelant "qu'il y a eu plus de morts violentes dans les six mois qui ont suivi la signature de ces accords que dans les huit années précédentes du conflit".

"L'appellation "Esplanade de l'amitié franco-algérienne" aurait été plus pacifique, plus positive pour la construction de la concorde nationale. »

Denis Broliquier, élu du groupe Droite, centre et indépendants au conseil municipal de lyon

Pour la droite lyonnaise, choisir la date du 19 mars pour baptiser un espace public c'est "faire un choix idéologique, rouvrir les plaies encore ouvertes, bafouer la mémoire de tous ces milliers de morts de 1962 et 1963 " et "insulter les harkis qui ont payé lourdement à cette période leur fidélité à la France".

Et de dire vouloir préférer un nom comme "Esplanade de l'amitié franco-algérienne", "plus pacifique, plus positive, plus tournée vers l'avenir, pour la constriction de la concorde nationale"

Quelques jours plus tard, après le vote de la délibération, un courrier a été adressé à Lyon Capitale par le Cercle algérianiste de Lyon, courrier qui fait état deux lettres envoyées, l'une au maire de Lyon, l'autre à la maire du 3e arrondissement. "Il existe, certes, en France de nombreux lieux publics portant le nom du 19 mars 1962 date de la prétendue entrée en vigueur des accords d'Evian, écrit Philibert Perret, président du cercle algérianiste de Lyon. Mais est intervenu depuis, le discours du président de la République Emmanuel Macron prononcé le 26 janvier 2022 (…)."

Dans son discours prononcé le 26 janvier 2022 à l'Elysée devant les familles des rapatriés de la guerre d'Algérie, le président de la République reconnaît que si "les accords d'Evian actaient la cessation des hostilités, l'interdiction des violences individuelles et collectives, la garantie de la sécurité des personnes et des biens des Français d'Algérie (...)", il admet dans le même temps qu' "il n'en fut pas ainsi et nous savons l'ambivalence de cette date : victoire et soulagement pour certains, défaite et calvaire pour d'autres.»

Pour le représentant des pieds-noirs de Lyon, ces derniers ressentiraient "comme un outrage une telle mesure et en seraient légitimement choqués". De son aveu, nommer un espace public après les propos d'Emmanuel Macron, est devenu "aussi incongru qu’inacceptable".

"Comment une telle décision ne pourrait ne pas être interprétée comme une marque d'indifférence et même de mépris à l'égard des souffrances", évoquant une "marque d'indifférence" et du "mépris" pour ces violences à l'égard des Français d'Algérie et des harkis.

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