Parfait Simo Mabou est pompiste sous l’autoroute, à l’entrée sud de Lyon. Il s’est fait connaître pour ses actes de bravoure qui lui ont valu la médaille de la sécurité intérieure et sa naturalisation française.
Sa bonne humeur légendaire et sa “gaieté à l’africaine” sont un antidote à la morosité ambiante occidentale qu’il n’a “jamais bien comprise”. Pour lui, “il faut que l’Afrique cesse de dire que c’est toujours de la faute des autres. Son salut viendra du travail”.
Lyon Capitale : Vous considérez-vous comme une grande gueule ?
Parfait Simo Mabou : Je suis plutôt quelqu’un qui a le langage universel de vie. J’aime dire que la vie est la définition de ce que nous sommes et qu’il faut valoriser les êtres humains. Et pour ça, on doit rester humble et modeste. Je pense que nous avons une mission, celle d’être venu pour les autres. Chez nous, quand quelqu’un est en situation piteuse, il n’y a pas à réfléchir, il faut lui prêter assistance.
Vous n’avez jamais réfléchi quand, en 2023, vous avez aidé une femme à mettre son enfant au monde dans la station-service où vous travaillez ou en 2014, lorsque vous avez sauvé un garçon de 6 ans manquant de se faire écraser par un camion et arraché des flammes un homme de 82 ans bloqué dans sa voiture ?
Je n’ai jamais paniqué, j’ai gardé mon sang-froid, j’ai eu ces réflexes naturellement, il fallait que j’intervienne, c’est tout. Je suis chrétien,Dieu est avec moi, il m’a donné la force. En dialecte bandjounais, une ethnie de l’ouest du Cameroun, “simo” signifie “le dieu de quelqu’un”. Quand j’ai raconté l’histoire de l’accouchement à ma mère, elle m’a dit : “Voilà pourquoi je t’ai appelé Parfait.” À l’Élysée, pour la garden party où j’étais invité, Bernadette Chirac m’avait dit : “Tu portes bien ton prénom, Parfait.” Dans son discours, elle a dit que j’étais un noble, quelqu’un qui touche l’être humain dans son âme, dans sa chair, son corps et son cœur. C’est exactement mon ADN, ma ligne de chemin de tous les jours.
Quelle est la culture camerounaise ?
Le Cameroun, l’Afrique noire subsaharienne en général, c’est un autre contexte, beaucoup plus centré autour du familialisme, des valeurs culturelles et traditionnelles de l’entraide, de la solidarité, de la bonté et de la générosité. Là-bas, le “vivre-ensemble” est plus fluide parce que les gens s’acceptent, sans beaucoup tenir compte de considérations religieuses ou raciales. En France, ça bat beaucoup de l’aile je trouve, il y a une peur de l’autre plus forte qu’avant. Les gens sont aigris, plus tendus, ils s’excitent et s’énervent pour un rien. C’est quelque chose que je n’ai jamais bien compris et qui m’a beaucoup marqué quand je suis arrivé en France, en 1998 : comment un pays développé, une telle puissance économique mondiale, le pays du général de Gaulle, avec toutes ses richesses, peut-il être aussi morose ? En Afrique, malgré la pauvreté, il y a une gaieté, je dirais, à l’africaine. Je suis convaincu que tant que les Occidentaux ne feront pas un retour aux fondamentaux, à savoir les valeurs humaines, morales et civiques, on aura une société en perdition, pour ne pas dire en déperdition.
La Ve République du général de Gaulle a poursuivi une politique de répression après l’indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960…
Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il a fait en Afrique, c’est vrai, mais on ne fait pas les omelettes sans casser les œufs : ça a fait du tort mais ça va aussi faire du bien parce que ça va permettre à l’Afrique de se réveiller. Pour moi, le général de Gaulle est l’homme politique qui m’a le plus marqué. Je lui tire mon chapeau, il a beaucoup fait pour son pays. Il a donné sa vie pour son pays, il l’a propulsé dans le top 5 des grandes puissances militaires, nucléaires et économiques mondiales. Je suis allé fouiller un peu dans les explications des anciens, ils m’ont dit qu’à l’époque, la France était prospère. Je suis arrivé en 1998, c’était la dernière vague de cette France, sous la cohabitation de Chirac. Le passage à l’euro a été une connerie, je rejoins de Gaulle sur ce point. On n’aurait jamais fait l’euro sans avoir fait l’Europe sociale, fiscale, économique, l’Europe des frontières, l’Europe de la défense. Des gens comme de Gaulle, il y en a un par siècle. Des hommes politiques qui m’ont marqué aussi, c’est Chirac, pour son côté humain, Dominique de Villepin, Jean-Louis Borloo, Gérard Collomb, un grand bâtisseur, un grand humaniste qui m’a marqué.
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