La crypte de la basilique de Fourvière © Antoine Merlet

Les secrets de l’architecture religieuse à Lyon au XIXe siècle

Trônant superbement au-dessus de la ville, la basilique Notre-Dame de Fourvière est l’emblème des constructions religieuses au XIXe siècle. Mais d’autres édifices plus méconnus ou insolites – tels l’ancien couvent de la Visitation Sainte-Marie, l’église du Bon-Pasteur ou la crypte des Brotteaux – témoignent de l’histoire religieuse lyonnaise.

Violemment attaquée pendant la Révolution, l’Église va retrouver à la Restauration et sous le Second Empire une influence sociale importante. À Lyon, douze nouvelles paroisses sont ainsi créées entre 1839 et 1870. Avec l’avènement de la IIIe République en 1870, et l’émergence de l’anticléricalisme, l’Église connaît alors à nouveau une période de reflux. Un repli perceptible jusqu’au travers des noms de rues débaptisées de leurs noms de saints (telles les rues Saint-Joseph ou Saint-Dominique qui deviennent en 1902 rues Auguste-Comte ou Émile-Zola).

© Antoine Merlet

Lieu emblématique de Lyon, la basilique de Fourvière, consacrée en 1896, voit défiler chaque année près de 2,5 millions de visiteurs. Mais saviez-vous que Pierre-Marie Bossan, son architecte, avait à l’origine prévu son entrée côté ville de Lyon, par la porte des Lions au terme d’un escalier monumental ? L’idée était d’abord d’accéder à la crypte, afin de se purifier, avant d’emprunter l’escalier de la Sagesse, pour rejoindre l’église haute. En 1884, l’archevêque en décida autrement en imposant l’entrée dans la crypte du côté de l’entrée principale actuelle.


© Hôtel Fourvière

Lyon 5e
L’ancienne chapelle du couvent de la Visitation Sainte-Marie

Àquelques pas de la basilique de Fourvière, l’ancienne chapelle du couvent de la Visitation Sainte-Marie, également conçue par Bossan, conserve son faste caché. Il s’agit d’une des premières œuvres lyonnaises de Bossan (1814-1888), l’une de ses sœurs appartenait par ailleurs au couvent. Un voyage en Italie entre 1845 et 1850 lui fit découvrir l’art roman et surtout byzantin, dont l’influence fut déterminante dans ses créations ultérieures et dont le couvent de la Visitation de Fourvière porte la marque.

Aujourd’hui hall de réception de l’hôtel de Fourvière, le visiteur est somptueusement accueilli par le maître-autel surmonté d’un monumental ciborium, dressé sur des colonnes de stuc imitant le marbre rose. Au plafond domine un décor polychrome, mêlant l’azur, l’or et le rouge, parsemé d’une répétition de symboles végétaux et animaux liés à la Vierge et au Christ. À gauche de l’autel, le seul tableau Saint Joseph et l’Enfant entre deux anges (1864) de Claude-Baptiste Tailleur, qui ornait l’église, est toujours en place. Cette opulence répondait au souhait des Visitandines d’honorer la Vierge dans son sanctuaire et tranche avec la sobriété des façades extérieures, en briques et pierres jaunes de Couzon. Les décors intérieurs furent réalisés entre 1864 et 1865, dix ans après le commencement des travaux, faute de financements suffisants.

© Nadège Druzkowski

Le couvent était bâti autour d’un cloître de plan carré, qui accueille aujourd’hui le bar de l’hôtel, où il est possible de boire un verre. Au cœur de la galerie ouest, insérée dans le mur, une plaque de granite, gravée en latin, commémorant la pose de la première pierre du couvent le 6 juin 1854, est toujours visible.


© Nadège Druzkowski

Lyon 6e
L’ossuaire de la chapelle Sainte-Croix dite “crypte des Brotteaux”

Avec sa coupole en ardoise violette rehaussée d’une croix verte, la chapelle Sainte-Croix a un petit air byzantin. L’inscription sur la façade “A la mémoire des victimes du siège de Lyon en 1793” témoigne du caractère particulier de l’édifice. La chapelle, construite entre 1898 et 1901 par l’architecte Paul Pascalon, recèle en effet une crypte, témoin des pages les plus glaçantes de l’histoire lyonnaise. Formant un autel autour du tombeau du général de Précy, à la tête de l’insurrection lyonnaise de 1793, on découvre, au sein d’une atmosphère sépulcrale, les ossements des victimes fusillées dans la plaine des Brotteaux en représailles à l’insurrection de Lyon. Les dépouilles des disparus, jetées dans ce qui est alors une zone marécageuse, seront récupérées par les familles. Entre octobre 1793 et janvier 1794, quelque 2 000 victimes ont ainsi été exécutées à la guillotine ou au canon à mitraille. Dans la chapelle, une liste présentant leurs noms, âges et professions est très émouvante. Elle rend compte de nombreux métiers aujourd’hui disparus ou sur le déclin, tels que passementier, ferblantier, perruquier, etc.

© Nadège Druzkowski

La chapelle actuelle est le troisième monument commémoratif. Un premier cénotaphe érigé aux Brotteaux dès 1795 a été détruit par des émules des Jacobins tandis qu’un second édifice en forme de pyramide, réalisé en 1819 par l’architecte Cochet, a été démoli dans le cadre d’aménagements urbains. Une réplique de cette pyramide est visible au cimetière de Loyasse (ancienne tombe de la famille Ricard).


L’insurrection de Lyon
En 1793, bien que la municipalité lyonnaise rappelle son attachement à la République, le pouvoir parisien, radicalisé par la prise de pouvoir des proches de Robespierre, voit en Lyon, dont la majorité modérée vient de se débarrasser de l’extrémiste jacobin Chalier, un danger d’insurrection royaliste. Craignant une nouvelle Vendée, la Convention envoie le général Kellermann, vainqueur de Valmy, pour mater la rébellion. La défense lyonnaise, menée par le général royaliste de Précy (10 000 hommes), ne fait pas le poids face aux troupes de la Convention (65 000 hommes). La ville est assiégée pendant deux mois, jusqu’au 9 octobre, avant de capituler. La répression est intense : 2 000 victimes sont guillotinées place des Terreaux ou sommairement exécutées dans la plaine des Brotteaux.


Lyon 1er
L’église du Bon-Pasteur : des portes de garage en guise de parvis

Coincée dans l’étroite rue Neyret, au-dessus du jardin des Plantes et de l’amphithéâtre romain des Trois-Gaules, l’église du Bon-Pasteur présente une particularité singulière : une double porte de garage, en métal gris, fait office de devanture. Cette élégante église, construite dans le style néo-roman, mais dotée d’un clocher élancé, n’a, en effet, pas de parvis !

Tout a pourtant commencé sous les meilleurs auspices pour cet édifice croix-roussien : la première pierre est posée en 1869 en présence de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, et de leur fils, le prince impérial. Le curé, bien inspiré, avait en effet écrit au couple impérial en leur rappelant que la fondation de la paroisse, le 16 mars 1856, correspondait à la date de naissance de leur unique fils, et leur proposa d’en devenir les parrains, comme ils avaient consenti à être parrain et marraine d’honneur de tous les enfants français nés ce jour-là. Ils acceptèrent.

Édifiée par l’architecte lyonnais Clair Tisseur, l’église est achevée en 1883. Seul lui manque son parvis, pour lequel il est nécessaire de démolir la caserne située en face (aujourd’hui remplacée par un bâtiment des années 1950, l’ancienne école des beaux-arts). Un imposant escalier aurait dû précéder l’édifice, au sommet de la percée du Jardin des plantes, mais la IIIe République, laïque, proclamée entre-temps en 1870, n’a jamais donné son aval à la nécessaire démolition de la caserne. Le portail de la façade, à plus de quatre mètres du sol, au-dessus de ce qui aurait dû être une vaste crypte, demeure ainsi totalement inaccessible.

Le portique principal ne fut franchi que le jour de la consécration de l’église, grâce à un escalier provisoire. Les fidèles accédaient à l’église par le croisillon sud. En 1984, un incendie dans l’abside nécessita la fermeture de l’édifice pour réparation. De 1992 à 2007, le lieu de culte fut utilisé comme salle d’exposition par l’école des beaux-arts. Il est depuis désaffecté.


© Nadège Druzkowski

Lyon 8e
L’hôpital Saint-Jean-de-Dieu

Sur la route de Vienne, l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu cache en son sein un superbe cloître méconnu dont la verdure et la fraîcheur contrastent fortement avec le rythme incessant des voitures sur ce grand axe de circulation. Situé juste derrière la chapelle, qui accueille le visiteur au bout de l’allée d’entrée, il rappelle la présence des frères de Saint-Jean-de-Dieu qui, jusqu’en 1980, gérèrent cet établissement.

Créé au XVIe siècle au Portugal par Jean de Dieu, l’ordre installa en 1824 sous l’impulsion de Paul de Magallon, un des chefs de file de l’ordre, un centre pour les personnes souffrant de troubles mentaux dans le château de Champagneux, sur un domaine de 23 hectares de la commune de la Guillotière (alors indépendante de Lyon). L’hôpital fut construit tout au long du XIXe siècle autour du château. Il fut modernisé selon les plans de l’architecte lyonnais Pierre Bernard en 1838, puis élargi avec plusieurs unités de soins en 1899.

Située au centre des bâtiments, la chapelle (construite en 1838 mais remaniée et agrandie en 1899), aujourd’hui désacralisée, est très bien préservée. On peut y voir plusieurs grenades peintes, surmontées d’une croix. Ce fruit est en effet le symbole des frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, le saint ayant eu sa révélation dans la ville de Grenade.

La chapelle témoigne avec le cloître principal et un autre petit cloître voisin du fonctionnement de la maison, où se croisaient dans une vie quasi monastique frères et malades. Aujourd’hui, cet établissement privé spécialisé en psychiatrie est toujours doté d’un superbe parc d’environ quatre hectares, qui accueille un jardin, des volières, des daims et des chevaux.


© Nadège Druzkowski

Le saviez-vous ?

C’est en écoutant les prédications du célèbre Jean d’Avila en 1539 que Jean de Dieu, de son vrai nom Joao Ciudad (1495-1550), connut un tel bouleversement qu’on le crut fou et l’enferma à l’hôpital royal de Grenade. Il y découvrit le sort des malades mentaux de l’époque et voua alors sa vie à Dieu et à améliorer leur condition. Il fonda à sa sortie cette même année une première “maison de Dieu” et fut rapidement rejoint par d’autres compagnons. Canonisé en 1690, il fut déclaré patron des malades et des hôpitaux en 1886 et protecteur des infirmiers et infirmières en 1930.

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