Les souterrains de la Croix-Rousse bientôt visitables

Une partie des mystérieuses galeries souterraines de la Croix-Rousse pourraient ouvrir au public d’ici 2013.

“A terme, de manière limitée et sécurisée, on pourra organiser des visites”. Autrement dit, l’accès à une partie des souterrains de “la colline qui travaille” pourrait être prochainement autorisé. La phrase a d’autant plus de force qu’elle est signée Gilles Buna, adjoint à l’aménagement et à la qualité de la ville de Lyon.

Car cette ouverture de la face cachée d’un patrimoine historique et insolite, interdit d’accès et de circulation au public depuis 1989, les associations cataphiles la demandent depuis quinze ans.

En 1994, pour le compte de l'association Patrimoine Rhônalpin, alors présidé par Régis Neyret, le conteur de rues - et pour qui Lyon n’a plus quasiment plus de secrets - Jean-Luc Chavent, réalise une étude d'aménagement du réseau souterrain de la Croix-Rousse*. Confortées par des "voiles" en béton armé, les galeries ne risquent rien et l'équilibre hydrologique de la colline est assuré. Pour 77 000 euros d'investissement et 43 000 euros de frais fonctionnement annuels, l'affaire serait dans le sac, détaillait l’étude. "Sous prétexte de faire vibrer l'imaginaire, il serait difficile de vanter à Lyon les plages du bord de mer, les pyramides ou les volcans. En revanche, pourquoi ne pas dévoiler le patrimoine caché que nous ont légué les anciens et qui dort dans le noir depuis la nuit des temps ?".

Un patrimoine “unique au monde”

Lors d’une visite de presse, organisée en toute hâte lundi 12 octobre, Gilles Buna a donc entendu les cataphiles, en faisant pénétrer une vingtaine de journalistes à cinquante mètres sous terre, à l’intérieur du réseau des “arêtes de poissons” formées d’un corridor central et de trente quatre galeries latérales qui serpentent du Gros Caillou jusqu'à la place Louis Chazette (au nord du tunnel de la Croix-Rousse, côté Rhône). Un patrimoine “unique au monde” selon le service archéologie de la Ville de Lyon, que Lyon Capitale avait déjà eu l’occasion de visiter il y a six ans. Notre descente (illégale, les souterrains étant interdits d'accès depuis 1989) dans les sous-sols de la Croix-Rousse nous avait alors permis de nous rendre compte de la richesse de ce patrimoine caché. Sept niveaux de galeries de deux mètres de haut et 1,2 de large enchevêtrées qui descendent par une multitude de puits et de marches d'escaliers gigantesques jusqu'au niveau du Rhône. Un voyage magique dans le ventre de Lyon.

Un ouvrage militaire édifié sous Charles IX, contre les lyonnais

En 1981, l'historien Jean-Christian Barbier, auteur d’un livre sur le sujet, expliquait que le réseau "pourrait bien avoir été un ouvrage militaire construit au XVIe ou XVIIe siècle pour servir au stockage de matériel, vivres, munitions ou encore de refuge pour les soldats" (Voyage au ventre de Lyon, éditions JML). Fait officiellement confirmé, lundi 12 octobre, par Cyril Ducourthial, du service archéologie de la Ville de Lyon : " l’origine de ces galeries est militaire. Elles servaient d’accès à la citadelle royale édifiée à l’initiative de Charles IX, en 1564, à l’extrémité sud de la Croix-Rousse, car le pouvoir royal se méfiait de l’agitation de la population lyonnaise”.

Ces galeries, en double niveau, permettaient ainsi aux hommes du roi de rejoindre la citadelle depuis le Rhône, à l’insu des habitants.
Elles avaient pour fonction le stockage de vivres et d’armes, Lyon ayant alors un “rôle d’arsenal de toute la région”. Mais seulement “21 ans après sa construction, en 1585, la citadelle fut détruite par les échevins lyonnais (sous Henri III), qui voyaient dans cette construction une atteinte à leurs privilèges”.

Les galeries souterraines, quant à elles, demeurèrent.

Mobilisation citoyenne

Le grand public entendit véritablement parler des “arêtes de poissons” en juillet 2007, quand la mairie de Lyon annonça le percement d’un deuxième tunnel sous la Croix-Rousse, réservé aux piétons et aux transports en commun. Une forte mobilisation de passionnés et d’associations, forts de nombreux soutiens politiques et citoyens, s’amorça, estimant que le projet allait détruire une partie de ce patrimoine. Un dossier fut même déposé au siège de l’Unesco, pour obtenir un hypothétique classement.

Aujourd’hui, Gilles Buna explique que les “arêtes de poissons” ne seront que "très peu impactées" par les travaux. "Seuls 50 mètres sur les 2 km de galeries seront touchés. Soit une partie de quatre arêtes, sur 34, relativement inintéressantes car bétonnées”.
Le tunnel devrait être fonctionnel à l’horizon 2013. La mairie a 3 ans pour réfléchir à une ouverture du site souterrain.

* Etude pour un aménagement du réseau souterrain des Fantasques à Lyon. Patrimoine Rhônalpin. 1994.

LIRE AUSSI :

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Article paru dans Lyon Capitale de novembre 2003

Exclusif. Accompagné de deux spécialistes, Lyon Capitale est descendu à 50 mètres sous terre dans les souterrains de la Croix-Rousse. Voyage en images sur la face cachée d'un insolite patrimoine historique, interdit d'accès et de circulation depuis quinze ans.

Descente dans les entrailles de Lyon

Elles se déroulent sous les rues, les immeubles, les jardins et les places de la Croix-Rousse. Serpentent jusqu’au Rhône, avant d’être quasiment inondées. Réduites à de minuscules boyaux en pierre ou formant de larges allées à taille humaine, les galeries souterraines traversées, dénommées Les Fantasques, d’une longueur estimée à cinq kilomètres et présumées datées du XVIe siècle, s’imbriquent sur plusieurs niveaux jusqu’à 50 mètres sous terre.

Si les galeries sont interdites au public, il n’en reste pas moins que, depuis des années, certains passionnés et curieux s’y enfoncent régulièrement. Deux de ces “cataphiles” – comme ils se nomment –, surnommés Le Rat et La Taupe, nous ont ouvert la voie. Selon eux, la raison de ce dédale de galeries en “arêtes de poissons” est inconnue. Il ne s’agit ni d’un réseau de drainage ni de captage des eaux. Encore moins de stockage, en raison de l’extrême humidité des lieux.

S’agit-il d’une construction à des fins militaires ? On pourrait le penser au vu de l’ampleur des travaux que ces sous-sols ont dû nécessiter. Mais personne ne sait vraiment. Ou du moins, les rares qui savent ont la langue bien cousue. Bref, les Fantasques s’entêtent dans leur mystère. Ce qui est sûr, c’est l’existence de ces inextricables enchevêtrements de couloirs sombres et tièdes. Ici bas, le silence est envahissant. Les seuls bruits sont ceux des gouttes d’eau qui tombent sur le sol gluant. L’eau perle et suinte de toutes parts. Des stalactites de calcaire pendent des voûtes. Parfois, d’étranges échos parviennent à nous faire douter qu’on est seuls. Pourtant, les seuls habitants du ventre de Lyon, termitière géante sous la Croix-Rousse, Fourvière et Saint-Jean, sont de jolis vers et mille-pattes qui grouillent sur les murs griffés d’inquiétantes inscriptions. Dans l’obscurité totale, la marche se fait parfois difficile. On descend, on remonte, on tourne à droite, puis à gauche. Les odeurs se font plus acides, plus chargées.

À l’approche d’un long couloir escarpé et étroit, on sent même un léger étouffement. D’autant plus percutant quand on pénètre dans la “salle de skins” ou le “puits de l’enfer”. On avance encore, à tâtons, un mince rayon de lumière à nos pieds, pour s’enfoncer un peu plus loin. En ayant à l’esprit la seule règle d’or ici-bas : ne pas se perdre.

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