Malgré l'interdiction, Lyon Capitale s'est rendu sur place pour évaluer la qualité de ce patrimoine.
"Sauvons les arêtes de poissons". La pétition circule sur Internet* depuis le 28 septembre, et à ce jour, déjà plus de 200 internautes ont signé l'appel. Les "arêtes de poissons", un nom énigmatique donné à une partie de l'immense réseau souterrain croix-roussien. Composé d'un corridor central et de trente quatre galeries latérales qui serpentent du Gros Caillou jusqu'à la place Louis Chazette (au nord du tunnel, côté Rhône), les souterrains sont menacés par la construction programmée du second tunnel de la Croix-Rousse.
Le 9 juillet dernier, le conseil municipal de Lyon a en effet approuvé la réalisation d'un tube parallèle au tunnel existant, et réservé aux transports en commun et aux vélos. Fonctionnel courant 2013, les forages de reconnaissance devraient débuter d'ici quelques jours.
"A priori, le tunnel doit amputer les "arêtes de poissons" dans la partie basse de deux arêtes, explique Emmanuel Burry, de l'Ocra Lyon**. Nous ne sommes pas contre son percement, nous voulons juste que le projet soit concerté".
Les archives aux oubliettes
Pour l'heure, ce patrimoine caché est très peu connu des Lyonnais, et le Grand Lyon, maître d'oeuvre du projet du tunnel, s'est bien gardé de changer cela. Depuis sa découverte en 1963, tout a été fait pour camoufler son existence. D'ailleurs, aucune archive n'existe sur ces "arêtes de poissons". Pour l'historien Jean-Christian Barbier, le réseau "pourrait bien avoir été un ouvrage militaire construit au XVIe ou XVIIe siècle pour servir au stockage de matériel, vivres, munitions ou encore de refuge pour les soldats".
Notre descente (illégale, les souterrains étant interdits d'accès depuis 1989) dans les sous-sols de la Croix-Rousse nous a permis de nous rendre compte de la richesse de ce patrimoine caché. Sept niveaux de galeries de deux mètres de haut et 1,2 de large enchevêtrées qui descendent par une multitude de puits et de marches d'escaliers gigantesques jusqu'au niveau du Rhône. Un voyage magique dans le ventre de Lyon.
Une ouverture au public ?
Depuis de nombreuses années, Jean-Luc Chavent, conteur de rues et l'un des meilleurs connaisseurs de Lyon, demande à ce que les "arêtes de poissons" soient visitables. En 1994, pour le compte de l'association Patrimoine Rhônalpin, alors présidé par Régis Neyret, l'autre grand connaisseur de la ville, Jean-Luc Chavent réalise une étude d'aménagement du réseau souterrain de la Croix-Rousse. "Sous prétexte de faire vibrer l'imaginaire, il serait difficile de vanter à Lyon les plages du bord de mer, les pyramides ou les volcans. En revanche, pourquoi ne pas dévoiler le patrimoine caché que nous ont légué les anciens et qui dort dans le noir depuis la nuit des temps ?". Confortées par des "voiles" en béton armé, les galeries ne risquent rien et l'équilibre hydrologique de la colline est assuré. Pour 77 000 euros d'investissement et 43 000 euros de frais fonctionnement annuels, l'affaire serait dans le sac. Soucieuse de son rayonnement international, pourquoi Lyon n'imiterait pas Paris, Provins (Seine et Marne), Grand (Vosges), Rome, Saint Leonard (Suisse) ou encore Pérouse en ouvrant ses souterrains au public ?
L'Ocra et Jean-Luc Chavent, forts de nombreux soutiens politiques, associatifs et citoyens (voir la pétition), entendent bien aller jusqu' au bout en présentant très prochainement un dossier auprès de l'Unesco.
La construction, fort séduisante, du deuxième tunnel de la Croix-Rousse, mériterait quand même de se concerter sur ces "arêtes de poissons" au risque de bétonner pour l'éternité une partie d'un patrimoine unique.
* https://aretesdepoisson.free.fr/
** Organisation pour la connaissance et la restauration d'au-dessous-terre, créée en 1992 à Paris et en 2001 à Lyon.
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