Un nouveau documentaire sur les scandales de pédophilie dans l'Eglise catholique sera diffusé mercredi prochain sur France 3. Réalisé par CAPA, le film insiste sur le caractère systématique de l'omerta, de Lyon au Vatican.
LeLanceur.fr, Mediapart et Cash Investigation l'avaient prouvé, France 3 vient l'illustrer par des tranches de vie. L'Eglise catholique a mis en place un système généralisé, systématique et mondial d'étouffement des faits de pédophilie commis par ses hommes. Intimidation des victimes et des familles, exfiltrations puis "recasage" des fautifs et non dénonciation à la justice forment le triptyque d'une stratégie éculée. Dans un documentaire intitulé "Prêtres pédophiles et maintenant que fait l'Eglise ?", réalisé par la société de production CAPA, et diffusé mercredi prochain (le 21 mars à 20h55), France 3 donne la parole aux victimes de ces abus.
Un film qui laisse une grande part aux témoignages, poignants, de ceux qui ont dû se reconstruire pour continuer à vivre. "Cash Investigation avait pris un angle international et d'enquête, nous voulions faire un film différent", explique France 3. "Je voulais des témoignages avec une prise de parole forte, face caméra", explique le réalisateur. Et François Devaux de souligner "l'aspect thérapeutique" de la démarche pour ceux qui ont accepté de parler. Le film est diffusé en avant-première à Lyon, au cinéma de la Cité Internationale, ce jeudi soir.
"Des victimes dans tous les diocèses"
Et des victimes de prêtres pédophiles, il y en a dans toute la France. "Nous voulions retranscrire ce sentiment de masse", explique Patrice Lorton, le producteur. Pour cela l'équipe du film s'est d'ailleurs "inspirée du travail du site LeLanceur.fr", qui publiait au printemps 2016 une carte des principales affaires de pédophilie. On croise ainsi Patrick, 62 ans, abusé à Toulouse, Audrey, 38 ans, agressée sexuellement près de Lorient et bien sûr François, Bertrand, Alexandre ou Pierre-Emmanuel, victimes du père Preynat à Lyon. Certains d'entre eux ont d'ailleurs attaqué le cardinal Barbarin pour ne pas avoir dénoncé les abus du prélat lyonnais. La plainte a été classé mais le cardinal a été cité à comparaître. Son procès a récemment été reporté au mois d'octobre.
"Mais des victimes il n'y en a pas qu'à Lyon, on peut en trouver dans tous les diocèses de France, du monde", martèle François Devaux. Malgré les engagement pris, il déplore le manque de rigueur, de volonté, de l'Eglise en matière de lutte contre la pédophilie. "Nous avons fait des propositions au Vatican, elles sont restées sans réponse, raconte-t-il. Il y a une malveillance à tous les échelons". Christian Terras, du magazine catholique progressiste Golias dénonce des "diversions" de l'Eglise. "La spiritualité c'est une quête de sens, avec ce que cela implique de vulnérabilité, analyse François Devaux. Dans une telle situation, il est facile pour une personnes perverses de prendre la main, de prendre l'ascendant".
Les victimes d'abus sexuels par des hommes d'Eglise devraient au moins remporter une bataille, celle de l'allongement du délai de prescription à 30 ans après la majorité. "Au début un allongement du délai de prescription était inenvisageable, aujourd'hui c'est inenvisageable qu'il ne soit pas allongé", est persuadé François Devaux. A ce jour, l'association La Parole Libérée a permis de retrouver plus de 80 victimes du père Preynat. Dont seules six, pour qui les faits ne sont pas prescrits, ont pu porter plainte contre l'ancien chef scout de Sainte-Foy-les-Lyon. Bernard Preynat est resté en poste, et au contact d'enfants, jusqu'en septembre 2015. Malgré une connaissance avérée de ses abus pédophiles par l'archevêché depuis 1991.