30 ans après sa création, Le Petit Bulletin Grenoble met la clé sous la porte, mais l’aventure se poursuit à Lyon, où le journal est repris en conservant son nom, et à Saint-Étienne sous une nouvelle forme.
C’est "un miracle", "que le Petit Bulletin, toujours gratuit, toujours indépendant et toujours culturel (bien que de plus en plus ouvert) soit encore là 30 ans après, avec les mêmes histrions à la tête (plus ou moins), et des éditions à Lyon et Saint-Étienne", écrivait fin septembre la rédactrice en chef du Petit Bulletin Grenoble, Valentine Autruffe, au moment de célébrer l’anniversaire du premier des trois Petit Bulletin. Le miracle a finalement pris fin de manière brutale.
Une dette de plus de 800 000 euros
"Quand on est rentré en redressement judiciaire début mai, tout le monde était relativement optimiste. Il s‘agissait de 6 mois pour apurer les dettes et se refaire une santé, mais assez vite ils se sont rendus compte que ça ne le ferait pas", souffle un membre de l’équipe lyonnaise. Ce que confirme Magali Paliard, la co-fondatrice du Petit Bulletin et l’une de ses actionnaires jusqu’ici. "Très vite, on s’est rendu compte que sans restructuration on aurait un problème de trésorerie majeur et il a été décidé, avant l’été, d’ouvrir un plan de cession", explique celle qui gérait Le Petit Bulletin Grenoble.
"On a fini le premier confinement avec 450 000 euros de pertes, que l’on a dû financer en PGE. Quand il a fallu commencer à rembourser ce prêt, les résultats économiques n’étaient pas au rendez-vous"
Magali Paliard, gérante du Petit Bulletin Grenoble et co-fondatrice
Un peu plus tôt, en mai 2023, c’est elle, avec son associé du Petit Bulletin Lyon Marc Renaud, qui avait demandé le placement en redressement judiciaire d’Unagi et de ses quatre filiales, dont les trois Petit Bulletin, alors que la dette du groupe était comprise entre 800 000 et 1 million d’euros. Des pertes qui, à l'entendre, seraient notamment liées à la crise du Covid-19, à l’inflation, la crise du journalisme papier, mais aussi à la baisse des budgets des annonceurs dans le milieu de la culture. Au moment où le groupe a dû commencer à rembourser un PGE de 450 000 euros, le passage en quinzomadaire du Petit Bulletin et l’évolution de son contenu éditorial n’auront finalement pas suffi pour redresser la barre.
La reprise du Petit Bulletin Grenoble abandonnée
Six mois après le placement en redressement judiciaire du groupe Unagi, qui éditait les trois éditions, le tribunal de commerce de Grenoble a donc acté mardi 31 octobre la liquidation du Petit Bulletin Grenoble. Ce qui a conduit au licenciement d’une dizaine d’équivalents temps-plein, dont la rédactrice en chef, deux rédacteurs et trois pigistes réguliers.
Dans la foulée, la reprise en Scop, par ses journalistes, du Petit Bulletin Saint-Étienne a été validée par la justice. 12 ans après sa création, le titre va donc changer de nom avec un nouveau projet porté par la rédaction, qui sera dévoilé le 29 novembre. Pendant ce temps, l’histoire du Petit Bulletin se poursuivra à Lyon, le tribunal ayant accepté mardi l’offre de reprise faite par le groupe de presse grenoblois Compra. Celui-ci doit également reprendre l’agence de communication du groupe Unagi, Tintamarre, et le pôle événementiel qui organise Lyon Bière festival, Lyon Whisky festival et qui co-organisait Peinture Fraîche festival. D'après nos informations, il s’en est fallu de peu pour que Le Petit Bulletin Grenoble soit lui aussi repris. Toutefois, en raison de problèmes personnels, Magali Paliard, qui devait diriger pour le repreneur l’activité grenobloise, s’est finalement retirée du projet de reprise, ce qui l'a fait tomber à l'eau.
Créé en 1997, Le Petit Bulletin Lyon est donc le seul des trois journaux à avoir survécu aux difficultés, mais l’avenir du titre devrait être différent. D'après les éléments que nous avons pu recueillir, Dominique Verdiel, le directeur du Groupe Compra, qui possède notamment l'hebdomadaire Les Affiches de Grenoble et le bimestriel Montagne Leaders, s’appuiera sur un projet éditorial porté par Marc Renaud, le directeur du groupe Unagi et du Petit Bulletin depuis leur création. Ce dernier ne sera ainsi plus actionnaire du groupe et sera intégré au sein de la nouvelle structure lyonnaise qu’il dirigera.
La rédaction de Lyon quitte le nouveau projet
Selon une source interne, celui-ci n’a toutefois pas réussi à convaincre la rédaction du journal d’embarquer avec lui dans ce projet, qui consisterait, entre autres, à développer fortement les réseaux sociaux et à booster le site internet. "On nous a présenté un projet éditorial qui implique des transformations pour la ligne éditoriale du Petit Bulletin qui ne nous vont pas. Pour nous ce n’est pas compatible avec la qualité du travail que l’on proposait. Je ne me vois pas faire des vidéos Tik-Tok dans les conférences de presse", confie un membre de l’équipe présent depuis plus d’une dizaine d’années au sein du Petit Bulletin. "La suite du projet est floue. Je ne pense pas que la ligne éditoriale change brutalement, mais les choses qui sont dites ne sont pas les mêmes d’une semaine sur l’autre", ajoute un autre membre de la rédaction.
"On nous a présenté un projet éditorial qui implique des transformations pour la ligne éditoriale du Petit Bulletin qui ne nous vont pas"
Un membre du Petit Bulletin Lyon depuis plus d'une dizaine d'années
Sur le fond, ce nouveau projet viserait également à acquérir l’habilitation nécessaire à la publication d’annonces légales. Contacté, Marc Renaud n’a pour le moment pas souhaité répondre à nos questions et préciser son projet éditorial, se contentant de nous expliquer qu’à "Lyon ça va continuer à s’appeler Le Petit Bulletin". Un communiqué de presse détaillant les évolutions à venir devrait être publié prochainement.
Cinq journalistes licenciés économiques
L’avenir du Petit Bulletin continuera donc de s’écrire à Lyon, mais avec quelle équipe ? Cela reste flou. Le projet de reprise prévoyait initialement de conserver trois journalistes, mais les six journalistes de la rédaction ayant manifesté leur envie de départ, il a finalement été décidé de ne conserver qu’un membre. Les cinq autres, dont le rédacteur en chef Sébastien Broquet, qui a vu son poste supprimé, pourront donc partir via une procédure de licenciement économique. Une annonce loin d’être anodine alors que, comme le précise Sébastien Broquet, "certains ont presque 20 ans d’ancienneté, moi je suis presque le plus jeune de la bande avec mes 8 ans".
"On est tous très attachés au Petit Bulletin et triste de quitter ce titre, auquel on a vraiment donné sans compter et que je trouve très important pour la ville"
Sébastien Broquet, ex-rédacteur en chef du Petit Bulletin Lyon
En revanche, la journaliste avec le moins d’ancienneté au sein de l’équipe devrait être contrainte de rester, "contre son gré", nous dit-on. Une proposition de rupture conventionnelle lui aurait été faite, à défaut d’un licenciement économique, ce qui est loin d’impliquer les mêmes indemnités. "On ne laissera pas quelqu’un derrière nous", assure toutefois le désormais ex-rédacteur en chef du journal, témoignant de la cohésion née au sein de l’équipe au cours des derniers mois d’incertitudes.
En attendant la transformation éditoriale et la création d’une équipe, des anciens de la maison auraient notamment été rappelés "pour faire le travail que l’on faisait jusqu’à hier au soir et sortir un numéro dans 15 jours", explique perplexe un ancien membre de la rédaction. Arrivé au Petit Bulletin en 2016, Sébastien Broquet espère de son côté que le journal "va continuer à vivre, le mieux possible". Non sans émotion, au moment de conclure ce chapitre, il confie "on est tous très attachés au Petit Bulletin et triste de quitter ce titre, auquel on a vraiment donné sans compter et que je trouve très important pour la ville".
un élément essentiel de la vie culturelle régionale en voie de disparition...mais que fait le président de région dont pourtant la culture fait partie des prérogatives??