Pascal Le Merrer, professeur à l'ENS Lyon, fondateur et directeur général des Journées de l'économie est l'invité de "6 minutes chrono".
Après une édition 2022 axée sur le thème des "bifurcations de l'économie", qui offraient plusieurs chemins pour penser autrement et produire différemment, la ligne directrice des Journées de l'économie millésime 2023 porte sur nos fragilités et la manière dont nous pouvons, nous devons, les surmonter.
"Je crois, avance Pascal Le Merrer, professeur à l'Ecole normale supérieure de Lyon, section économie, et fondateur dirigeant des Journées de l'économie, qu'on a tous conscience, actuellement, d'être à la fois confronté à des fragilités personnelles - la pandémie est passée par là - , on a découvert que la guerre était au cœur de l'Europe, on sait qu'il y a une transition environnementale qui est quand même très compliquée à réaliser. On voit qu'à l'échelle mondiale les tensions géostratégiques font que l'ère de la mondialisation va prendre un nouveau cap mais que ça va changer."
"C'est toujours un moment très difficile quand il n'y a pas de perspectives claires pour les gens de savoir vers quoi on va."
Mais alors en quoi est-ce si compliqué de faire face à ces fragilités et de les dépasser ? "C'est toujours un des moments très, très difficiles quand il n'y a pas de perspectives claires pour les gens de savoir vers quoi on va. Et là, on se sent fragile." "Et, ajoute-t-il, quand on se sent fragile, il y a une tendance au repli."
En séance d'ouverture, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, pour débattre sur "comment enfin réussir les politiques publiques", sujet qui devraient séduire les élus locaux. "On sait qu'il y a une double défaillance sur les politiques publiques, explique Pascal Le Merrer. Il y a "le premier et le dernier kilomètre". Le premier kilomètre, la manière de concevoir une politique publique d'en haut, est souvent finalement une stratégie entre experts qui réfléchissent à un monde qui est relativement abstrait. Et c'est là où les citoyens devraient être davantage présents parce que je pense qu'il faut d'abord que tout le monde comprenne pourquoi il faut faire cette politique. Et ensuite, le dernier kilomètre c'est que souvent ceux qui sont le plus concernés ont du mal à être touchés."
Les Journées de l’Économie (Jéco) proposent aux citoyens de tous horizons des clés pour mieux comprendre le monde qui les entoure en échangeant sur une grande diversité de sujets d’actualité, abordés avec un éclairage économique.
Les Jeco se tiennent les 14, 15 et 16 novembre 2023 pour la 16ème édition.
73 conférences sont organisées avec plus de 250 intervenants.
Le programme en ligne ici
Esther Duflo, modèle économétrique pour prévoir le nombre de médailles aux JO...
Parmi les 250 intervenants attendus, Esther Duflo, professeur d’économie au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et prix Nobel d'économie 2019, sera à Lyon pour expliquer la pauvreté aux enfants, via un atelier à destination d’élèves de CE2-CM1. Objectif : discuter avec des enfants des différentes représentations que nous avons de la pauvreté, d’abattre les stéréotypes grâce à la présentation des réalités économiques.
Ou encore Nicolas Scelles qui présentera, d’une manière non technique, le modèle économétrique (conçu par Wladimir Andreff, Nicolas Scelles, Liliane Bonnal et Madeleine Andreff) utilisé pour prévoir le nombre médailles olympiques gagnées par les nations participantes. Il insistera sur l’intérêt et la signification des variables mobilisées pour expliquer les gains de médailles et pourquoi quelques variables d’intérêt n’ont pu être retenues dans le modèle. Celui-ci a été "rodé" sur les JO de Tokyo 2021, dont il a détecté à l’avance (en 2018) 95% des résultats sportifs observés. La présentation se terminera par l’annonce des médailles prévues en 2024 pour quelques nations, dont l’équipe de France.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Pascal Le Merrer
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 Minutes Chrono. Nous recevons aujourd'hui Pascal Le Merrer. Bonjour.
Bonjour.
Pascal Le Merrer, vous êtes fondateur et directeur général des Journées de l'économie qui se tiennent cette année sur trois jours, les 14, 15 et 16 novembre. Les Journées de l'économie, finalement, proposent de mieux comprendre le monde qui nous entoure à travers un éclairage économique. En 2022, le thème choisi avait été celui de la bifurcation des économies. En gros, on est à une ère où il faut qu'on change nos modes de pensée, nos modes de produire. Cette année, les intervenants, le public vont pouvoir s'interroger sur nos fragilités, notamment comment les surmonter. Première question quelles sont les fragilités dont il va être question sur ce Journée de l'économie ?
Je crois qu'on a tous conscience, actuellement, qu'on est à la fois confronté à des fragilités personnelles - la pandémie est passée par là. On a découvert que la guerre était au cœur de l'Europe. On sait qu'il y a une transition environnementale qui est quand même très compliquée à réaliser. On voit qu'à l'échelle mondiale les tensions géostratégiques font que l'ère de la mondialisation, en tout cas, va prendre un nouveau cap mais que ça va changer. C'est toujours un des moments très, très difficiles quand il n'y a pas de perspectives claires pour les gens de savoir vers quoi on va. Et là, on se sent fragile. Oui, on se sent fragile.
Et quand on se sent fragile on n'est plus vulnérable on avance moins ?On est moins créatif aussi ?
Quand on se sent fragile, il y a une tendance au repli. Là, on a vu que sur un ensemble de sondages, par exemple, 74% des Français pensent que les autres sont une menace. Donc les relations sont compliquées. On voit qu'il y a de la colère, du mécontentement. Sur les sondages, les choses sont assez inquiétantes sur une société qui, justement, est confrontée à des tensions importantes. Et je pense que les fragilités sont un des éléments qui amènent les individus à des comportements, en tout cas, qui sont peu coopératifs. Or, on a besoin pour aller vers un nouveau sentier je dirais à la fois de croissance et pro-environnemental. On a besoin d'avoir des citoyens qui sont éclairés et actifs. Eclairés ça veut dire qu'ils ont une réflexion suffisamment approfondie sur les grandes questions et prêts à s'engager ensemble pour arriver à réaliser des transformations. C'est au niveau local, c'est tout simple. Quand on regarde les budgets participatifs, par exemple, dans les communes, c'est une manière pour les citoyens de s'impliquer de même qu'à l'échelle nationale il y a des conventions citoyennes.
C'est le fameux penser global agir local, c'est ça ?
Oui il y a une articulation qui est évidente. Ça c'est absolument évident. Si on regarde la transition environnementale, on peut avoir des objectifs européens, des stratégies nationales mais il va falloir le décliner au niveau local. Il va falloir que, sur chaque espace, sur chaque territoire, les citoyens puissent s'impliquer et décider par exemple quel est le mix énergétique qui est le plus adapté au territoire qu'ils habitent.
Sur des questions comme ça, vous citez les énergies, est-ce que quand même, par exemple on parle beaucoup de référendum d'initiative citoyenne, de concertation sur des sujets, je vais vous parler d'énergie sur le nucléaire qui est quand même un sujet hyper complexe. C'est pas non binaire c'est pas tout noir tout blanc. Enfin moi il me semble. Est-ce que ce genre de débat peut être constructif auprès des citoyens parce que ce sont des sujets qui sont extrêmement compliqués ?
Alors ce sont des sujets compliqués mais si vous prenez la Convention pour le clima,t ça a abouti à des propositions qui étaient dans la Convention pour le climat, comme par exemple zéro artificialisation des sols ou les zones à faible émission. Quand cette convention s'est déroulée, tout le monde a dit "finalement ça n'a pas produit grand chose". Et puis maintenant, on prend conscience des propositions quand on veut les mettre en place, on se dit mais c'est incroyable. Qu'est-ce qu'ils veulent nous faire faire ? Et bien ça serait pareil sur l'énergie. Je pense que les technologies sur le nucléaire en plus sont évoluées. Et je pense que les citoyens sont prêts à regarder de très, très près quel est le mix énergétique qui est souhaitable pour la France pour les 50 années à venir.
J'ai vu que dans la séance d'ouverture de ces Journées de l'économie, il y avait notamment les politiques publiques. Les Français sont majoritairement insatisfaits des possibilités publiques qui sont mises en place. Il y a une évaluation de ces politiques qui doit se développer encore plus. Comment vous expliquez cette situation ?
Alors, d'abord, il faut quand même être prudent. Il y a des politiques publiques qui marchent bien. Mais peut-être qu'on est un peu traumatisé par la période réforme des retraites qui, quand même, a pesé assez lourd. En fait, on sait qu'il y a une double défaillance sur les politiques publiques.
Entre guillemets il y a le premier et le dernier kilomètre. Le premier kilomètre, la manière de concevoir une politique publique d'en haut, est souvent finalement une stratégie entre experts qui réfléchissent à un monde qui est relativement abstrait. Et c'est là où les citoyens devraient être davantage présents parce que je pense qu'il faut d'abord que tout le monde comprenne pourquoi il faut faire cette politique. Et ensuite, le dernier kilomètre c'est que souvent ceux qui sont le plus concernés ont du mal à être touchés.
On le voit sur des politiques sociales pour aider ceux qui sont dans la précarité. Souvent, ces populations n'arrivent pas à être touchées efficacement par les politiques qu'on met en place. Donc, oui, on peut améliorer ces politiques publiques et puis on peut aussi tirer les leçons de celles qui marchent bien. C'est ça exactement.
Combien y a-t-il de conférences sur les Journées de l'économie ? On a plus de 70 conférences. Donc plus de 70 conférences c'est dans plusieurs lieux. Donc c'est les 14, 15 et 16 novembre. A très bientôt au revoir.
Une vaste hypocrisie tant que la prix Nobel d'économie ne va pas expliquer aux enfants que "les pauvres sont pauvres" parce qu'une même pièce de monnaie ne peut pas être dans 2 poches différentes, et qu'il faut "choisir" qui va gagner qui va perdre. C'est ça le commerce.
La misère est fabriquée par la monnaie, contrairement à ce que dit la propagande économique monétaire.
Ces journées sont sponsorisées par... ? Des banques. Et curieusement les points de vue postmonétaires y sont toujours et encore interdits ! 😀
Oui, il faut augmenter le niveau de connaissances, mais ça ne se fera pas avec des personnes qui ont un intérêt à ce que chacun n'ait pas les règles du jeu en main.
"Et curieusement les points de vue postmonétaires y sont toujours et encore interdits" ! Donc faites vous connaitre sans excuse ! 😀
Heu... sans excuse de quoi ?
Ils savent très bien que les idées postmonétaires existent.
Mais avec des sponsors qui sont des banques, comment voulez-vous qu'ils donnent la parole à autre chose que "l'argent roi" ? 😀
"C'est toujours un moment très difficile quand il n'y a pas de perspectives claires pour les gens de savoir vers quoi on va.".... Et la gaule romanisée, la chute de l'empire, 1789, 1815, 1914/18, 1939/45.1963, 1968, 1989...donc !