Après trois ans d'absence, la coupe du monde de ski revient dans la petite station des Houches (Haute-Savoie). Vidéo en prime.
Des millions et du lobbying. C'est le cocktail qui a été servi dans un petit globe de cristal par le Club des sports de Chamonix, les collectivités locales et le gouvernement français à la Fédération internationale du ski pour pouvoir à nouveau faire du Kandahar une manche de la coupe du monde de ski alpin hommes.
Le Kandahar, un nom mythique. Son nom fait référence à un field marshal anglais (le plus haut grade de la British army), Lord Frederik Sleigh Roberts, qui mit fin à la Seconde guerre anglo-afghane, en 1880. Sa victoire et sa bravoure, lors de l'épique et décisive bataille de Kandahar contre Ayub Khan, émir d'Afghanistan, lui valu le titre de "Roberts de Kandahar". Devenu vice-président du Public Schools Alpine Sports Club du Royaume-Uni, un challenge organisé en Suisse, à Crans-Montana, en 1911, porta son nom en reconnaissance du trophée qu'il offrit. La première compétition de descente à ski spécialisée du monde était née.
De verte, elle n'a que le nom
Quelques années plus tard, la première édition du Kandahar se tint sous la face Nord de l'Aiguille du Midi, sur "la piste des glaciers". Jugée trop dangereuse, la piste fut abandonnée en 1952 au profit de "la Verte" des Houches. Un piste abrupte qui n'a de Verte que le nom. Il s'agit en réalité d'une piste noire, son nom lui venant du fait qu'elle est bordée par une forêt de sapins. Au palmarès du Kandahar sur "la Verte" des Houches, les plus grands noms du ski alpin : Karl Schranz, Emile Allais, Ingemar Stenmark, Hermann Maier, Kjetil-André Aamodt, Alberto Tomba, Stefan Eberharter, Bode Miller, Ivica Kostelic, Didier Cuche, Romed Baumann, Jan Hudec et Klaus Kröll, Dominik Paris, Alexis Pinturault...
La course tourna en alternance tous les trois ans avec Sankt Anton(Autriche) et Garmisch (Allemagne). "L’erreur qu’on a peut être faite a été de ne pas proposer la course chaque année", regette Fred Comte, directeur du Club des sports de Chamonix.
Conséquence, il a fallu un gros lobbying auprès de la fédération internationale tous les ans. "Quand il y a des investissements lourds, ça donne de bons arguments" poursuit Fred Comte.
Des travaux exceptionnels
Précisément 9,7 millions d’euros (financés à hauteur de 3 millions chacun par la région et le département, de 1,7 million par l'Etat et de 2 millions par la Communauté de communes de la vallée de Chamonix).
Ces travaux concernent notamment l’agrandissement de la raquette, l’aménagement de l’aire d’arrivée, l’élargissement de la piste en partie basse, les ouvrages de franchissement (route, prolongement du pont skieur...). Une partie du budget a par ailleurs été consacrée aux études et à la maîtrise du foncier, ainsi qu’à l’enfouissement de la ligne haute tension 63 000 volts.
Les travaux ont ainsi permis la mise au standard international de la piste, en conformité avec le programme des compétitions internationales, pour accueillir cette année deux disciplines parmi les six comprises dans cette grande compétition pilotée chaque année par la FIS : un format "slalom" et "géant parallèle" (pas de descente donc).
L’ambition de ces travaux d’envergure a également permis, par la création de structures adaptées, un accueil privilégié des compétiteurs et des équipes, des partenaires, des journalistes mais aussi du public, sachant que la Coupe du monde de ski de la Vallée de Chamonix est un événement festif et populaire qui peut accueillir jusqu’à 30 000 personnes.
200 millions de téléspectateurs
En terme d'image planétaire, le Kandahar, "levier irremplaçable de notoriété et de valorisation du territoire et de la destination ski, (...) est un contributeur majeur à l’image de marque de la Vallée" explique la communauté de communes de la vallée de Chamonix Mont-Blanc.
Si les retombées économiques sont difficiles à évaluer, Fred Comte estime que les audiences sont "l'équivalent de celles d'une journée à Roland Garros". "Soixante pays diffusent l'événement en direct ou en différé, soit 200 millions de téléspectateurs sur deux jours!"
Les 40 000 places offertes ont été prises d'assaut. Le Kandahar 2020 se jouera donc à guichets fermés.
Si tout le gratin mondial de la spatule s'est donné rendez-vous ce week-end aux Houches, les têtes d'affiches sont les Français Alexis Pinturault, 2e en slalom à Schladming (Autriche) le 28 janvier dernier et vainqueur en géant à Garmisch Partenkirchen (Allemagne) le 2 février dernier et Clément Noël 3e au salon de Kitzbühel (Autriche) le 26 janvier et 4e du slalom à Schladming, deux jours plus tard.
Lors de la dernière épreuve du Kandahar aux Houches, les19 et 20 février 2016, Alexis Pinturault avait remporté le combiné et Guillermo Fayed avait terminé au pied du podium de la descente.
Le Kandahar en chiffres · 20e édition · 3 343 mètres de descente · 870 mètres de dénivelé négatif · 2 minutes pour les meilleurs · 9,7 millions € de travaux · 40 000 visiteurs attendus sur le week-end · 200 millions de téléspectateurs en audience cumulée
L’œil de Guillermo Fayed, vainqueur de la descente du Kandahar en 2016 :
"Quand on rentre dans la cabane de départ, qu’on se met devant le portillon et qu’on lève les yeux, l’un des plus beaux paysages du circuit s’offre à nous : la chaîne du mont Blanc. On se lance... Après trois courbes à grande vitesse, on arrive à la cassure, où l’on fait un gros saut de 60 mètres. Dès la réception, on se met en ligne pour le passage d’Ericksen, puis il faut négocier le virage à 180° de Rocher-Blanc. Rapidement, on se prépare à affronter le fameux goulet, deuxième gros jump où l’on ne voit pas et où l’on retombe à cause de l’ombre. Ensuite, il faut gérer les mouvements de terrain de la bosse à Perrot, du Cluz, et du « S » à Pessi pour capitaliser un maximum de vitesse dans le plat de la FIS. On franchit la route avec un joli petit saut artificiel pour aller se jeter dans le schuss Battendier, toujours bien gelé, et enfin franchir la ligne d’arrivée. Là, on se retourne immédiatement pour apercevoir notre temps et notre place.."