Jacques Raffy Papazian, habitant de Meyzieu, est le secrétaire général du Mouvement arménien, dont l’ambition est de rassembler la diaspora arménienne et française.
La guerre russo-turc-azérie a "réveillé" chez les Arméniens "le spectre du génocide de 1915" que l’axe Ankara-Bakou a toujours nié. Pour Raffy Papazian, secrétaire général du Mouvement arménien, "clairement, il s’agit d’un processus de génocide culturel."
Lyon Capitale : Comment expliquez-vous ce regain de violence dans la région du Haut-Karabagh ?
Jacques Raffy Papazian : Face à l’impunité des crimes de guerre de 2020 et le blocus imposé à la population arménienne dans le Haut-Karabagh, le dictateur Aliyev se sent intouchable face à l’inaction de la communauté internationale. Il tente d’aller encore plus loin dans la rhétorique agressive ainsi que dans l’utilisation de la force pour atteindre ses objectifs de nettoyage ethnique.
Quels enseignements peut-on tirer de cette féroce déflagration aux enjeux globaux qui a duré vingt-quatre heures ?
Nous avons pu constater les mêmes images que pendant le génocide de 1915, où des populations civiles arméniennes ont été déportées et cela sans sanction sur les bourreaux. L’enseignement que l’on constate est qu’en 2023, avec tous les moyens de communication modernes, il est possible qu’une population soit contrainte à quitter ses terres ancestrales par la force, sans que les instigateurs de ces atrocités, que l’on peut qualifier de processus génocidaire, ne soient inquiétés ni même sanctionnés.
"Le plan russo-turc-azéri est de contraindre l’Arménie démocratique, en la faisant disparaître afin qu’elle rejoigne la fédération russe autocrate."
Pourquoi l’Arménie n’a-t-elle pas envoyé de troupes pour défendre le Haut-Karabagh alors qu’elle l’avait fait en 2020 la dernière fois que l’Azerbaïdjan avait attaqué (troisième guerre du Haut-Karabagh) ?
Il faut savoir qu’en 2021, après le cessez-le-feu du 9 novembre 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan – qui a abouti à la défaite de l’Arménie –, près de deux mille soldats russes chargés du maintien de la paix ont été déployés pour une durée de cinq ans dans le Haut-Karabagh. L’Arménie n’a plus de troupes sur place depuis cet accord. Côté arménien, on a estimé que ces combats avaient pour objectif d’entraîner l’Arménie dans un conflit plus global, raison pour laquelle elle n’est pas intervenue. De mon point de vue, cette épuration ethnique a été décidée de concert par la fédération de Russie, la Turquie et l’Azerbaïdjan pour se livrer à un chantage afin d’obtenir le corridor de Zanguezour, dans une région d’Arménie appelée le Syunik, qui permettrait à l’Azerbaïdjan d’avoir accès à la république autonome du Nakhitchevan, enclave située entre l’Arménie et l’Iran. Cela reviendrait, ni plus ni moins, à couper l’Arménie en deux, à annexer une partie de son territoire et, dans une moindre mesure, à couper la frontière Arménie-Iran. Ce qui fait craindre à Téhéran la pérennité de son accès aux routes commerciales vers l’Europe.
Le plan russo-turc-azéri est donc bien de contraindre l’Arménie démocratique, en la faisant disparaître afin qu’elle rejoigne la fédération russe autocrate.
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