Une nouvelle assemblée générale s'est tenue ce lundi à l'université Lumière Lyon 2. Le blocage a été voté à une large majorité, et ce malgré les vives oppositions d'une partie des étudiants.
Il aura fallu que les vacances scolaires s'arrêtent pour que la mobilisation étudiante reprenne à Lyon. Ce lundi, plus d'un millier de personnes ont assisté à l'assemblée générale qui s'est tenue dans la cour intérieure du campus des berges du Rhône. Une rentrée militante qui intervient après l'intervention des CRS le 13 avril dernier pour évacuer les locaux ainsi que le quai Claude-Bernard. L'occasion aussi pour Nathalie Dompnier, la présidente de Lyon 2, de venir s'expliquer auprès des étudiants.
Après avoir appelé le Gouvernement au dialogue dans une tribune publiée sur le site l'Étudiant-Educpros le 18 avril, Nathalie Dompnier a été autorisée – après quelques huées – à venir s'exprimer ce lundi lors de l'AG au mégaphone. “Je ne suis pas contre le mouvement, a précisé la présidente de l'université d'entrée de jeu. Je suis pour que l'université soit un lieu de dialogue et de débat, je n'ai jamais dit le contraire. Nous avions cependant une préoccupation par rapport à l'intégrité des locaux et sur certaines pratiques dangereuses avec de l'alcool qui ont conduit un jeune à tomber du premier étage dans la nuit du 4 au 5 avril.” Un accident qui l'a poussée à demander l'intervention des forces de l'ordre, argue-t-elle. En conséquence, elle déclare ne plus pouvoir autoriser les occupations nocturnes, tout en précisant que Lyon 2 “est la seule université de Lyon où ce genre de rassemblement est possible”.
“Ceux qui sont contre [le blocus] n’ont pas la parole”
“La présidente nous explique donc que pour garantir notre sécurité, il faut nous envoyer les CRS”, répond une étudiante, applaudie par la foule. Par une partie de la foule, en tout cas. Car les étudiants présents sont loin d'être tous d'accord sur les formes que doit prendre la mobilisation. L'un d'eux s'avance à la tribune et déclare “je suis pour la lutte, mais contre le blocus” avant de se faire arracher le mégaphone des mains. “Nous débattrons du blocage plus tard”, essaye d'expliquer l'un des leaders sous les protestations d'une partie de l'auditoire.
Or, c'est ce point précis qu'attendent de nombreux étudiants, qui estiment ne pas pouvoir s'exprimer au même titre que les autres. “Ceux qui sont contre [le blocus] n'ont pas la parole, nous confie l'un d'eux, qui préfère rester anonyme et n'ose pas aller s'exprimer en public. La dernière fois, je n'étais pas au courant pour l'AG, j'ai été mis devant le fait accompli. Là, je suis présent depuis 10 heures, je suis venu exprès pour le vote, mais ils font traîner volontairement. Ils ont fixé l'ordre du jour entre eux, ce n'est pas juste.”
“C’est ça, votre vision de la démocratie ?”
Autour de lui, ils sont quelques dizaines à y voir une stratégie délibérée de la part des pro-blocus : débattre du blocage à la fin de l'AG afin que les réfractaires finissent par abandonner et s'en aillent. Les militants syndicaux arguent qu'il faut simplement voter les revendications une par une et entendre tous les points de vue avant de prendre une décision sur les modalités du mouvement. Mais l'exposé des revendications s'éternise et la tension monte d'heure en heure. Un des opposants au blocage prend la parole pour demander que le vote se tienne à bulletins secrets et “uniquement avec les étudiants et les personnels de Lyon 2”. Peine perdue, la proposition ne sera pas débattue.
Dans la foule, les débats sporadiques entre partisans et opposants du blocus éclatent un peu partout. “Si les partiels sont repoussés, je fais comment pour mon stage ? Moi, je bosse cet été, si ça continue je n'aurai pas le master pour lequel j'ai bossé toute l’année”, lance une étudiante exaspérée à sa voisine. Une autre râle à voix haute pour que tout le monde l'entende : “C'est ça, votre vision de la démocratie ? Laisser parler toujours les mêmes ?” “On a travaillé toute l'année, maintenant on veut nos examens”, renchérit un autre. “Vous êtes des égoïstes, leur répond une militante. Vous ne pensez qu'à votre petite personne !” Le ton monte, certains opposants sont à bout de nerfs, les partisans, eux, préfèrent les prendre en dérision : “On dirait un petit roquet nerveux qui aboie”, lâche l'une d'entre elles à sa camarade de lutte en pointant du doigt une étudiante de l'autre côté de la cour qui invective la tribune.
De fait, la discussion sur le blocage n'aura lieu qu'à 14 heures, soit après quatre heures d'assemblée générale. Une large majorité se prononce pour. Mais, lassées, de nombreuses personnes sont déjà parties. La joie s'empare des partisans : “Et la fac, elle est à qui ?” scande un militant. “Elle est à nous !” lui répondent en chœur ses camarades.
Blocage voté à une large majorité effectivement: un résultat très surprenant si on s'en tient à cet article qui donne l'impression que les anti-blocus étaient bien plus nombreux! Plus regrettable encore, cet angle manichéen qui cherche à opposer les étudiants entre eux. Bien-sûr, l'ambiance était tendue, la mobilisation amène des conséquences négatives immédiates pour tous et des conquêtes futures plus incertaines. Mais le débat a été riche et constructif. Bravo à la tribune pour la bonne tenue de cette AG (et oui, la démocratie c'est fatigant: faire vivre une agora de 1000 personnes, ça peut évidemment prendre 4 heures).