Mathieu Bertrand, Jean-Claude Chuzeville et Bruno Benoît lors de la conférence (© Raphaël Ruffier)
Mathieu Bertrand, Jean-Claude Chuzeville et Bruno Benoît lors de la conférence (© Raphaël Ruffier)

Lyon : à chacun ses souvenirs de Mai 68

Ce mardi, Lyon Capitale organisait une conférence à l'occasion des 50 ans de Mai 68 à Lyon. Jean-Claude Chuzeville et Mathieu Bertrand, scénaristes, ainsi que l'historien Bruno Benoit ont chacun raconté leur vision de ce mouvement.

Au cœur des mobilisations étudiantes ou à l'arrière par peur des affrontements, les ressentis de Mai 68 à Lyon peuvent se montrer très divers. C'est le constat qui a été fait, ce mardi, lors de la conférence qu'organisait Lyon Capitale en hommage aux mouvements de Mai 68 à Lyon. Le débat était au rendez-vous.

"Nous occupions souvent la faculté la nuit, où nous discutions sur notre vision du monde, parfois autour de quelques bières. Les mobilisations étaient très calmes et joviales jusqu'au 13 mai", raconte l'historien Bruno Benoit. Pour Jean-Claude Chuzeville, coscénariste de la BD sur Mai 68 publié par Lyon Capitale, en revanche, le début de la mobilisation prend forme tout autrement. A l'époque lycéen en terminale, la guerre du Vietnam symbolise pour lui le point de départ de Mai 68. "Pour les lycéens, la guerre du Vietnam est l'élément déclencheur des premières mobilisations, affirme-t-il. Dès le 6 mai, les lycéens se regroupaient devant le magasin Petit Paris, où l'on nous apprenait à sauter très haut pour se faire voir dans les manifestations ou encore à scander des slogans en s'inspirant des offensives au Vietnam."

Violences du 24 mai, sur le front ou à l'arrière

Le 24 mai 1968 est marqué à Lyon par la mort du commissaire Lacroix, lors des affrontements, sur le pont Lafayette. Son décès symbolise la fin des mobilisations étudiantes à Lyon. Bruno Benoit se trouvait près du pont, ce soir-là. Les katangais (1) avaient rejoint la manifestation et lançaient des projectiles sur les forces de l'ordre. "Les forces de police avaient énormément de mal à se protéger des projectiles. Les trimards (nom lyonnais pour katangais, ndlr) construisaient des barricades. Il y avait un réel rapport de force entre les manifestants et les policiers, chaque camp essayait de gagner un maximum de terrain", se souvient l'historien. Après une agitation dans la salle, un membre du public, externe en médecine à l'époque, se lève et raconte sa propre vision des affrontements, du côté des forces de l'ordre : "Les policiers nous avaient équipés avec leurs casques, il y avait des fumigènes de partout qui nous empêchaient de voir au-delà de cinq mètres. Je devais avoir 20 ans environ, je me souviens que je pleurais face à la peur des affrontements d'une telle violence. C'était des personnes habituées au combat de rue qui se battaient, pas seulement des étudiants."

Quant à Jean-Claude Chuzeville, il avait préféré vivre cette soirée à l'arrière des affrontements, par peur des combats. "Il fallait être un professionnel pour aller à l'avant. Ce qui intéressait les katangais, c'était la castagne et ce n'était pas pour moi. J'ai préféré vivre ce moment dans le Vieux-Lyon aux côtés des filles. Il ne faut pas oublier que Mai 68, c'est aussi la création d'un vrai lien entre les hommes et les femmes", confie le scénariste.

(1) présentés par certains comme les blousons noirs ou de petits voyous. Les katangais étaient des jeunes (ou moins jeunes) souvent sans emploi, révoltés contre le système.

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