Une opération de vaccination est organisée les 21 et 22 juillet en accès libre à la Duchère. Le centre improvisé a fait face à un afflux massif de volontaires. Un succès en demi-teinte car une partie d'entre eux sont venus en traînant des pieds. Reportage.
Le rendez-vous nous avait été donné à 11h30. "J'espère que l'on aura du monde...", doutait la Métropole le jour d'avant. À notre arrivée, une file de personnes dont on peine à voir le bout se dresse devant nous.
À la Maison de la Métropole pour les solidarités de la Duchère, une opération de vaccination sans rendez-vous est organisée sur deux jours, de 9h30 à 17h. Avec pour objectif d'apporter la vaccination sur un territoire où les habitants sont plus défavorisés et plus éloignés du système de santé. Des patients à quelques mètres de la porte sont arrivés il y plus de trois heures. À notre départ, vers 12h30, ils venaient à peine de pénétrer à l'intérieur du bâtiment.
Un afflux inattendu
L'opération a été organisée conjointement par la Ville de Lyon, la Métropole et l'Agence régionale de santé (ARS). Venus sur place, Lucie Vacher et Renaud Payre, deux vice-présidents de la Métropole et le directeur départemental de l'ARS se félicitent. "Je m'attendais à un succès mais pas aussi considérable", avoue Philippe Guetat, directeur départemental de l'ARS. "Cela m'incite à multiplier ce genre d'opérations", ajoute-t-il. Il énumère les précédentes dispositifs similaires ces dernières semaines, à Saint-Fons, à la Part-Dieu et à Saint-Priest, qui ont aussi attiré des centaines de personnes.
"L'important c'est que les conditions soient les mêmes que dans les gros centres de vaccination, avec un protocole qualitatif", soutient-il. Raté pour ce matin à la Duchère. Il se montre positif pour la suite : "il faut réguler parce qu'on ne peut pas laisser les gens en plein soleil. Mais le plus dur c'est au début, après on est rodés". Un membre chargé de l'organisation nous explique que 300 tickets ont été distribués pour la vaccination aujourd'hui. Les nouveaux arrivants devront prendre rendez-vous pour le lendemain. "On vaccine à un rythme de 50 personnes par heure", précise-t-il.
"Nous faisons en fonction des ressources. L'opération a un fort succès et nous avons dû rajouter du personnel. On a doublé les capacités du dispositif depuis ce matin", explique Lucie Vacher, vice-présidente de la Métropole à l'enfance, la famille et la jeunesse. De trois box de vaccination, le centre a réussi à en mettre six en place peu avant midi. "Ce matin il y avait besoin de plus de monde donc je suis venu préparer des doses. Je devais être en vacances mais je les ai annulé pour ces deux jours", explique avec abnégation Geoffroy Bertholle, infirmier à l'hôpital de la Croix-Rousse.
Le parcours des patients est simple : après l'attente pour entrer, ils sont reçus par un médecin pour un bilan pré-vaccinal, qui peut répondre aux interrogations et doutes. Ils sont ensuite emmenés dans un couloir où se trouvent les box de vaccination. Au bout du couloir se trouve la salle d'attente post-vaccination, avant de se diriger vers la sortie.
Soleil et impatience
Dans la file d'attente, il y a deux écoles. Les mécontents, peu ravis de devoir tant attendre sans vraiment savoir quand ils pourront se faire vacciner, et les compréhensifs. Le soleil tape, quelques personnes ont sorti un parapluie, ou se couvrent la tête, d'autres se sont réfugiés dans les quelques coins d'ombre autour de la maison."C'est très mal organisé, ils nous ont dit qu'ils ne s'attendaient pas à autant de monde mais ils savaient qu'ils avaient un nombre limité de vaccins pour la journée ! C'est catastrophique, ils nous donnent des informations contradictoires tout le temps", se désole Christelle, venue pour le vaccin de sa fille de 18 ans. Elle-même ne souhaite pas se faire vacciner pour l'instant. Elle a encore des incertitudes.
Myriam explique avoir aussi reçu des informations contradictoires. Elle ne sait pas si elle pourra se faire vacciner aujourd'hui. Son ticket porte le numéro 260. "Ils ne s'attendaient à voir autant de personnes, je ne veux pas les critiquer. Il faut prendre son mal en patience", se montre-t-elle conciliante. Elle a sympathisé avec trois compagnons d'infortune, avec qui ils se relaient pour conserver leur place dans la file ou se mettre à l'ombre.
De loin, deux voitures de la police municipales observe la file d'attente. "Il y a beaucoup de monde. On est venus tourner pour voir. Pour l'instant tout se passe bien", rapporte un des policiers, qui n'a pas l'air inquiet. Si quelques personnes se sont impatientées, et malgré les conditions d'attente peu confortables, le ton n'est pas monté et aucun incident n'est venu assombrir la matinée. Des bouteilles d'eau devaient être distribuées à partir de 13 heures.
Une vaccination qui attire mais qui peine à susciter l'adhésion
Un jeune couple s'approche. Ils viennent de Villeurbanne pour se faire vacciner. Devant la longue file, ils se découragent pour aujourd'hui. "Il ne m'écoute jamais ! Expliquez-lui vous, peut-être qu'il vous écoutera !", nous exhorte Sabrina. Elle tente d'expliquer à son conjoint, tout aussi énervé, que la vaccination n'est pas obligatoire pour partir en vacances en France, mais que s'ils ne se vaccinent pas ils ne pourront pas avoir accès aux bars et aux restaurants. Le sujet est source de tension dans le couple, qui, au départ, ne voulait pas se faire vacciner.
"Ça fait un an qu'on est des pions du gouvernement, à être confinés, déconfinés, le couvre-feu.... On ne sait pas ce qu'il y a dans ce vaccin", tempête Nedir, en colère et dans l'incompréhension. "Qu'on nous explique et là on sera plus conciliants", nuance-t-il. Sabrina, elle, vit la vaccination comme un "chantage". Ils reviendront pourtant demain pour se faire vacciner.
Plus loin, Leïla, la cinquantaine et auxiliaire de vie auprès de personnes âgées, ne voulait pas se faire vacciner non plus. Elle s'excuse de ne pas très bien parler français. "Je suis allée au centre social et on m'a donné une feuille sur la vaccination. J'ai posé des questions à la dame de l'accueil et elle m'a dit d'aller le faire, que c'était comme tous les autres vaccins et parce que je travaille avec des personnes âgées". Une fois vaccinée, elle espère pouvoir voyager et retourner voir ses parents en Algérie qu'elle n'a pas vu depuis deux ans.
Myriam, elle, n'a pas pu se faire vacciner avant, car elle a eu le covid. Puis quand elle a pu, elle n'a pas voulu se presser. "Avant, la vaccination n'était obligatoire que pour voyager, et comme je ne voulais pas partir, j'ai laissé coulé. Mais en septembre je vais travailler dans l'éducation nationale, et je ne veux pas que ça me porte préjudice de ne pas être vaccinée", développe-t-elle.
"Ça fait un an qu'on est des pions du gouvernement, à être confinés, déconfinés, le couvre-feu.... On ne sait pas ce qu'il y a dans ce vaccin. Qu'on nous explique et là on sera plus conciliants", tempête Nedir, un patient venu se faire vacciner à contrecœur.
Aucune des personnes avec lesquelles nous avons échangé ne montre un véritable engouement pour le vaccin. C'est plutôt le sentiment d'y être obligé qui prévaut, quand il n'y a pas des incertitudes voire une claire hostilité. Interrogés sur ce point, l'ARS et la Métropole nous expliquent ne pas avoir prévu d'opération dédiée uniquement à la pédagogie ou l'information autour du vaccin. "Dans les maisons de la Métropole, nos agents font de la pédagogie au quotidien", botte en touche Lucie Vacher. "On essaye de faire de la pédagogie, mais ce qui compte pour nous c'est que les gens viennent se faire vacciner", soutient le directeur départemental de l'ARS. Mais pas sûr que le bâton et la carotte suffisent à atteindre la couverture vaccinale de 85% de la population pour l'immunité collective.
Vacciner, vacciner, vacciner
Sur la même longueur d'onde que le gouvernement, Philippe Guetat n'a qu'un objectif en tête : vacciner le plus possible pour "gagner la course contre-la-montre" face aux contaminations. "On a fait des projections, si on reste sur ce rythme vaccinal, on devrait arriver à l'immunité collective à l'automne", espère-t-il. L'ARS a identifié plusieurs zones dans la métropole de Lyon dont la couverture vaccinale est en-dessous de la moyenne, comme ici à la Duchère.
C'est tout le sens que les institutions veulent donner à cette opération intitulée "Aller vers". Apporter la vaccination aux pieds des immeubles des personnes les moins vaccinées, et les plus éloignées des systèmes de santé. Car à la Duchère, les centres de vaccination les plus proches sont à Écully ou à la Croix-Rousse. "L'idée c'est de faciliter les démarches et d'aller au plus proche de ceux qui n'ont pas forcément accès au numérique par exemple. Parfois cela rassure aussi d'être près de chez soi, dans un lieu que l'on connaît", explique Lucie Vacher.
"Je suis à 300% convaincu qu'il faut agir vite et vacciner pour éviter que des gens tombent malades et qu'il y ait des morts. Quand je vois des gens se faire vacciner je suis satisfait", témoigne Geoffroy Bertholle. Lors des précédentes vagues de l'épidémie, son unité de soins intensifs s'était transformée en service de réanimation Covid. Il craint de voir arriver une nouvelle vague. "Le taux d'incidence repart. Nous en sommes à 100 pour 100 000 habitants dans le Rhône. J'en appelle au respect des gestes barrières, à ne pas hésiter à se faire tester, mais le meilleur levier reste la vaccination", soutient Philippe Guetat.
Pour la deuxième dose, les personnes pourront revenir pour la même opération organisée fin août. Ils auront aussi le choix entre prendre rendez-vous dans un centre près de chez eux ou sur leur lieu de vacances. Reste la possibilité qu'une partie d'entre eux ne reçoivent pas de deuxième dose, mal informés ou mal accompagnés au-delà de cette initiative éphémère.
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