Rue Mercière à Lyon lors du couvre-feu. (Photo by JEFF PACHOUD / AFP)

Lyon, capitale de la gastronomie... clandestine ?

Le troisième confinement a été la goutte de trop pour certains restaurateurs de Lyon. Les déjeuners et dîners clandestins se multiplient dans le centre-ville, avec des protocoles bien définis pour garantir la discrétion. Lyon Capitale a enquêté sur ces clients et restaurateurs frondeurs.

La ville de Lyon cultive-t-elle un goût pour le secret ? C'est ce que l'on pourrait dire au regard des dîners et déjeuners clandestins qui se développent dans la capitale des Gaules. Sans qu'aucune donnée chiffrée ne filtre de la part des autorités de police, le phénomène semble avoir pris de l'ampleur à l'occasion de ce troisième confinement lié à la crise sanitaire de la Covid-19. Que ce soit dans le calme des beaux quartiers du 6e arrondissement ou sur la colline de la Croix-Rousse, quelques irréductibles restaurateurs continuent de servir une clientèle fidèle et - obligatoirement - discrète. Juristes, commerciaux, chefs d'entreprise s'y rencontrent, le tout dans une joyeuse ambiance de résistance... et d'entre-soi.

Un risque important de poursuites pénales

Un avocat d'affaires du centre-ville témoigne : "On se passe les contacts des restaurants sous le manteau, et il faut toujours être recommandé". Avec une procédure bien huilée, ces restaurateurs tentent de continuer leur métier malgré les règles sanitaires. Pour rappel, un restaurateur ouvert en période de confinement s’expose à une lourde amende allant de 3750 euros jusqu'à 15 000 euros, la non éligibilité aux aides financières de l’Etat en lien avec la fermeture, voire une fermeture administrative immédiate de son établissement pour non-respect de l'arrêté préfectoral.


"On se passe les contacts des restaurants sous le manteau, et il faut toujours être recommandé"


Une fermeture qui peut durer 2 mois maximum, 3 mois s’il s’agit d’un établissement de vente de boissons alcoolisées à emporter, qui prendrait effet lors de la réouverture des restaurants. Un client, lui, s'expose seulement à une amende de 135 euros. D'après l'avocat, tous les types de restaurants sont concernés par les réouvertures clandestines : les grandes tables gastronomiques comme les plus petites, souvent plus confidentielles, mais aussi les caves à vin. Ces dernières, sous prétexte d'organiser des dégustations, s'occupent aussi parfois des assiettes.

Avant d'entrer, la discrétion avant tout

Avant d'entrer, la plupart du temps par les arrière-cours, chaque client doit s'annoncer par un SMS au restaurateur. Une fois sur place, la carte est réduite pour permettre aux cuisines, fonctionnant souvent au ralenti, de suivre les commandes. L'ambiance est chaleureuse. "C'est un vrai bol d'air frais. Le temps d'un repas, on retrouve quelque chose de la vie d'avant" explique l'avocat. Tout le monde semble se connaître et l'atmosphère est décontractée. Les masques tombent, mais les convives sont tout de même invités à se laver les mains en entrant.


Chaque client doit s'annoncer par un SMS au restaurateur.


Loin des grandes affluences qu'il pourrait y avoir en temps normal, les restaurants frondeurs ouvrent seulement pour une petite dizaine de couverts. "Le côté clandestin rend le repas plus excitant, et c'est aussi parfois un argument pour mes clients lorsque je les emmène déjeuner dans ce genre d'endroit" note Maxime, commercial dans une start-up de la région. Le trentenaire déclare ne pas y aller plus de deux fois par mois et seulement pour des occasions particulières.

Les clients assument l'illégalité du repas

Parmi les clients rencontrés, tous justifient cet écart aux règles sanitaires par l'épuisement moral lié au confinement. "Je sais que c'est illégal, mais je ne considère pas cela immoral pour autant. Je n'en peux plus de cette vie à demi. Aller au restaurant, c'est presque psychologiquement thérapeutique pour moi" s'emporte Maxime. Les restaurateurs, eux, ne préfèrent pas s'exprimer par peur des sanctions.


"Je crois qu'il y a aussi tout simplement un peu de l'esprit Gaulois dont parlait Emmanuel Macron, de la part des restaurateurs"


L'avocat d'affaires tente une explication : "Ce n'est assurément pas pour le chiffre d'affaires qu'ils continuent d'ouvrir. Outre l'esprit de résistance, c'est aussi  une manière pour eux de garder contact avec leurs meilleurs clients... en vue de la réouverture. Ce sont des métiers où le contact humain prime sur le reste". En effet, si la plupart des restaurants avaient fermé leurs portes lors des deux premiers confinements, le troisième semble avoir été la mesure de trop pour ceux qui ouvrent clandestinement. "Je crois qu'il y a aussi tout simplement un peu de l'esprit Gaulois dont parlait Emmanuel Macron, de la part des restaurateurs" décrypte Maxime, le commercial. Quoi qu'il en soit, tous attendent impatiemment la réouverture officielle des tables lyonnaises.

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