Si le réseau TCL n’accueille plus que 10 % de ses voyageurs habituels durant cette période de confinement, il continue de tourner à 50 %. Interviewé par Lyon Capitale, Pascal Jacquesson, DG de l’exploitant Keolis, revient sur les mesures mises en place pour assurer la continuité du service public et les adaptations réalisées pour permettre au personnel médical de continuer de se déplacer.
Lyon Capitale : La CGT vous reproche de prendre 5 jours de RTT à certains salariés avant leur mise en chômage partiel...
Pascal Jacquesson : Ma volonté ce n’est pas de polémiquer avec la CGT ou qui que ce soit, ce n’est pas le moment. Nous sommes dans une situation de crise sans précédent, tout le monde le dit. Nous sommes face à un double sujet d’une part, ne pas exposer notre personnel, et d’autre part permettre à des gens qui doivent absolument de se déplacer de pouvoir le faire, je pense au personnel soignant, à ceux qui s’occupent des ressources de première nécessité comme l’alimentaire, eau, électricité, le personnel de nettoyage...
Après, je suis un peu étonné de leur réaction, oui on a dû faire appel au chômage partiel, on l’a fait de façon modérée avec des roulements pour avoir plus de conducteurs que nécessaire. Nous avons été très mesurés à plusieurs points de vue. Nous avons donné des garanties sur le maintien du salaire de base à tout le monde. On applique modérément les consignes de gouvernement qui nous demande d’écluser les compteurs de repos avant le chômage partiel, c’est même une condition pour que les services de l’état indemnisent, nous avons le droit jusqu’à 10 jours, on a choisi de limiter jusqu’à 5, on est très mesuré.
Comment le réseau continue-t-il de tourner malgré le virus ?
Un de nos défis est de protéger le personnel. On a évité tout contact entre les clients et le conducteur en neutralisant l’avant. Les voyageurs sont gardés à l’écart par du rubalise, ils n’ont plus le droit de monter par l’avant, mais doivent passer par le milieu et l’arrière, il n’y a plus de contact direct. Dans les exploitations, des règles de circulation du personnel ont été mises en place pour que les gens ne se croisent pas, du gel est mis à disposition, on rappelle les mesures barrières.
Les conducteurs vont-ils porter des masques ?
Aujourd’hui, les conducteurs ne portent pas de masque, toute la profession n’est pas prioritaire par rapport aux services médicaux. Pour le personnel médical, il n’a pas de zone de distance comme nous, c’est une décision nationale, on verra la suite. Nous portons une attention particulière au nettoyage grâce à des virucides. Pour le réseau bus, il n’y a pas de relève en ligne, elle se fait au dépôt avec une désinfection du poste de conduite entre chaque conducteur. Pour les métros et tramways, entre chaque relève, des agents de maîtrise s’occupent de la désinfection, ils sont formidables (NDLR : selon nos informations et après avoir recoupé plus témoignages, il s'avère que dans une partie des cas, ce sont les conducteurs de métros et tramways qui désinfectent leur poste de conduite).
Le réseau accueille 10 % des voyageurs habituels, mais tourne encore à 50 %, pourquoi ce choix ?
On ne va pas baisser le réseau à 10 %, il faut qu’ils rendent un service avec un minimum de fréquence. Sur certaines lignes, notamment celles qui desservent les hôpitaux, nous avons même préservé les meilleures fréquences. Nous travaillons avec les centres hospitaliers, nous partons de leur besoin. L’arrêt à 23 heures du réseau, on l’a décidé après un échange avec les HCL. Nous sommes toujours en phase de test, il peut avoir encore des ajustements, mais nous devrions stabiliser le réseau autour de 50 %, nous n’envisageons pas de baisser plus l’offre.
Cela permet aussi aux voyageurs de respecter les distances de sécurité entre eux. On mesure le nombre de personnes par bus, métro, tram en moyenne. Par exemple, on a remis des bus articulés sur certaines lignes pour permettre aux gens de respecter les distances. Sur une course en bus, on est en moyenne à 11 personnes, une soixantaine sur une rame de métro.
L’épidémie a-t-elle touché massivement vos salariés, quel impact a-t-elle sur l’exploitation du réseau ?
Nous suivons très précisément les salariés qui nous signalent des suspicions, qui se sentent fébriles. Heureusement, nous n’avons pas de situation grave, a priori. Nous avons eu autour d’une centaine de signalements sur 4500 salariés. Pour le réseau, nous avons plus de personnels que nécessite le service. Comme tout le monde, nous espérons que l’épidémie va freiner.
Allez-vous accorder une prime à ceux qui continuent de travailler ?
C’est une crise sanitaire, il suivra une crise économique. Nous ne sommes pas sur ces sujets-là tout de suite, mais on sera attentif à ce que les gens qui ont continué de travailler ne soient pas lésés.
Comment va se dérouler le remboursement du mois d’avril pour les abonnés ?
Mi-mars, il a été décidé de rembourser tous les abonnements durant la période de confinement. Nous avons également suspendu les prélèvements automatiques pour avril. Ceux qui veulent prendre un abonnement et qui ne sont pas mensualisés peuvent le faire via la plateforme e-Técély. Les gens ne seront pas débités, même s’il faudra rentrer ses coordonnées bancaires. Nous aurons un travail de pédagogie à faire là-dessus, mais il n’est pas nécessaire de faire l’avance, aucun débit ne sera fait. Enfin, pour le personnel soignant qui n’est pas abonné, le réseau sera gratuit. Des cartes de 10 voyages ont été massivement distribuées dans les hôpitaux en lien avec les HCL.
Pourquoi demander aux gens de continuer de valider ?
Cela nous permet de vérifier le nombre de personnes sur les lignes. D’autre part, on souhaite garder la maîtrise de l’espace métro.
Préparez-vous l’après-confinement ?
Il faudra préparer la reprise, on commence à réfléchir sur le réseau. Nous étions dans une période de croissance spectaculaire avec des renforts réguliers. Quel sera le réseau après tout cela ? Nous ne savons pas comment sera la sortie du confinement, progressive, d’un seul coup.
J’espère que la prise de conscience sur la nécessité de laisser sa voiture à la maison pour prendre d’autres modes comme les transports en commun ou les doux va rester. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu un ciel aussi bleu à Lyon. J’espère que continuerons à aller encore plus loin dans cette façon de se déplacer de manière respectueuse des autres et de la qualité de l’air, que nous répondrons à nouveau à une forte demande pour les transports en commun.