À bout et remontés contre l’insécurité, les commerçants de la Guillotière appelaient à manifester sur le Cours Gambetta ce jeudi après midi. Environ 150 personnes ont battu le pavé pendant une heure, criant leur colère, notamment en direction des occupants de la place Gabriel-Péri, le lieu qui cristallise toutes les tensions dans le quartier. Reportage.
Depuis une dizaine de jours, les commerçants de la Guillotière préparaient leur première action forte contre l’insécurité dans le quartier à cheval sur les 7e et 3e arrondissements. Habitués à voir défiler des manifestations devant leurs vitrines, cette fois, ils ont fermé boutique et sont passés de l’autre côté de la barrière pour battre le pavé et crier leur colère aux passants, aux riverains, aux pouvoirs publics et surtout à ceux qu’ils jugent responsables de tous leurs maux, les petits trafiquants de la place Gabriel-Péri.
Les affiches jaunes fluo qui avaient fleuri ces derniers jours sur les devantures des magasins du Cours Gambetta, pour appeler à la mobilisation, annonçaient la couleur : "trop de concertations, trop de promesses, trop de mensonges, on veut des actes". La manifestation de ce jeudi après-midi est en tout cas le premier acte de ces commerçants pour se faire entendre.
150 personnes mobilisées
Les organisateurs espéraient entre 200 à 300 personnes, ils sont finalement environ 150 à s’être réunis place Victor-Basch, à deux pas de la station de métro Saxe-Gambetta. Sur les coups de 15 heures, après un discours introductif rappelant les différents problèmes rencontrés par les commerçants - agressions, vols, marché sauvage, insalubrité - le cortège s’élance au son d’un "Commerçants en colère !", craché par un mégaphone grésillant.
Bien entourés par un dispositif policier fourni, les manifestants parmi lesquels se confondent riverains et commerçants remontent alors pendant près d’une heure le Cours Gambetta en direction de la place Antonin-Jutard, sous les yeux des passants qui s’arrêtent sur les trottoirs pour filmer la scène. En tête de cortège on se passe le mégaphone pour permettre à chacun de crier sa colère. Certains demandent le "droit à la sécurité", d’autres s’interrogent sur la présence des élus absents. Mais tous finissent par reprendre le fameux "Commerçants en colère !, Commerçants en colère !", telle une litanie.
"Gabriel-Péri n’est plus une place de la République, c’est une place privée."
Une première manifestation pour beaucoup
Ils sont fleuriste, pharmacien, vendeurs de téléphones, restaurateur ou encore boulanger. Certains viennent dans le quartier seulement pour travailler, d’autres y vivent depuis plusieurs années à l’instar d’Anne et Aymeric, deux voisins qui habitent sur la place Gabriel Péri, respectivement depuis 15 et 6 ans. À l’approche de leur lieu de vie, ils confient manifester pour la première fois, mais que "là il était plus que temps". Tous deux reconnaissent n’avoir jamais été victimes d’agression physique, mais ils s’accordent pour dire "qu’il y a toujours un sentiment d’insalubrité, plus que d’insécurité". Néanmoins, depuis quelque temps, ils ne traversent plus la place pour éviter d’éventuels soucis, car pour Ayméric "Gabriel-Péri n’est plus une place de la République, c’est une place privée, donc c'est certains que quand on passe devant il nous regarde d’un mauvais œil", lâche-t-il dans un soupir, en faisant référence aux petits trafiquants des lieux.
Au sein du cortège, tous ont des choses à raconter. Ici, un vendeur de téléphones n’en peu plus de devoir faire lui-même la police devant son magasin, alors que son chiffre d’affaires chute, un peu plus loin une fleuriste s’inquiète surtout pour ses clients, "qui se font voler", quand quelques mètres en retrait, Kevin, un pharmacien ne supporte plus "les agressions verbales". Ce jeudi, il a donc décidé de se faire entendre en manifestant pour la première fois, "pour l’avenir du quartier, car la situation n’est plus supportable".
Certains, comme Moustapha, un vendeur de téléphones, regrettent qu’il n’y ait pas plus de monde dans le cortège, "car cela concerne tous les habitants et commerçants du quartier". Toutefois, il veut espérer que cette manifestation ne soit que "le point de départ d’un mouvement plus important", afin de faire réagir les autorités publiques.
"On en à marre, dehors les trafiquants. C’est notre place à tous."
Deux mondes s’opposent
D’ailleurs en arrivant sur ladite place, où le cortège marque un arrêt durant de longues minutes, le choc des deux mondes est marquant. Campés sur le bord de la place, les vendeurs à la sauvette du marché de la misère, remballé à la va-vite lors du passage des policiers un peu plus tôt, font face au groupe de manifestants sans réaction. Certains sortent leur téléphone pour filmer la scène, d’autres discutent entre eux pendant que les commerçants déversent leur colère dans leur direction : "On en à marre, dehors les trafiquants. C’est notre place à tous". Chacun reste à bonne distance, il n’y a même pas de tension particulière, mais la scène laisse pour le moins perplexe.
Une trentaine de minutes plus tard, alors que le cortège vient juste de terminer son parcours sur les bords du Rhône, place Antonin-Jutard, le marché sauvage reprend déjà ses droits place Gabriel Péri, avec ses vendeurs et ses acheteurs. Comme si la manifestation qui venait de passer n’était pas celle des commerçants et riverains de la Guillotière, en colère contre eux et leur activité, mais plutôt un énième cortège empruntant le Cours Gambetta pour manifester.
Comme en écho à cette scène, Messaoud, un vendeur de téléphones, explique qu’il faudrait "une présence policière de 8 heures à minuit pendant plusieurs mois, pour casser cette habitude et nous permettre de respirer". Pourtant les forces de l’ordre sont loin d’être inactives dans le secteur, comme le rappelait le préfet Pascal Mailhos dans notre émission 6 min Chrono, lundi 18 octobre. "Je ne peux pas accepter qu'on dise que l’État a été inactif, l’État a été actif, et continue de l'être, et lutte contre un phénomène qui n'est pas proprement lyonnais", nous confiait-il.
4000 contrôles en un an
Les chiffres fournis par le préfet délégué à la sécurité, Ivan Bouchier, au sortir de la manifestation sont d’ailleurs édifiants. "Depuis le début de l’année, ce sont près de 4 000 personnes qui ont été contrôlées au cours de plus de 300 opérations, soit une opération d’envergure par jour. Actuellement, entre 400 et 500 personnes sont poursuivies pour des faits qu’elles ont commis", fait valoir le représentant de l’État.
Néanmoins, il insiste sur le fait qu’il "ne peut pas y avoir qu’une réponse sécuritaire", car "il y a également des problèmes sociaux, migratoires, d’urbanisme". Ce qui lui fait dire que "les problèmes de Gabriel Péri ne se régleront pas d’un coup de baguette magique" et pas par une présence policière statique sur la place. Celle-ci "ne peut pas être permanente, absolue, pérenne et pour toujours", justifie-t-il, car cela nécessiterait "une consommation d’effectifs absolue", au détriment d’autres quartiers et au risque que le problème ne se déplace quelques rues plus loin. En revanche, il insiste sur le fait que "les riverains et les commerçants ne doivent pas abandonner. Qu'ils n'hésitent pas à appeler le 17, au besoin, et nous nous déplaceront".
"On en à marre, dehors les trafiquants. C’est notre place à tous." Pour certain/e les "trafiquants" ne font que vouloir se sortir de leurs difficultés économiques plutôt que de tenter la "méritocratie". A toi !
Sauf que "la méritocratie" passe justement par "débrouille toi et fait ton petit commerce" (illégal puisqu'ils n'ont pas les moyens financier de le faire légalement).
🙂
La "méritocratie" est une légende. Dans la vie c'est "démerde toi" mais... avec l'héritage que tu as reçu car chacun ne part pas sur la même ligne de départ avec les mêmes éléments à disposition.
Même avec la police en permanence sur les lieux, la misère sera toujours là.
Et la misère est le fruit d'un système monétaire.
La suite, Maître !