Le réalisateur et scénariste lyonnais Bertrand Tavernier, président de l'Institut Lumière, est mort jeudi 25 mars, à 79 ans, dans sa villa de Saint-Maxime.
Si Lyon vit un nouvel "âge d’or du cinéma", écrivait en 2016 l’ancien adjoint à la culture Denis Trouxe dans Lyon Capitale, c'est grâce à la "dream team" Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux.
Bertrand Tavernier a tourné son premier long métrage L'Horloger de Saint-Paul, sorti en 1974, à Myrelingues-la-Brumeuse, où il est né. Quai d'Orsay, sorti en 2013, son dernier, a été tourné entre Paris, Berlin, New York et le Sénégal. Entre temps, le réalisateur s'est promené dans les bayous et la brume électrique de Louisiane et a été récompensé de 5 "Césars" (Que la Fête commence (x2), Le Juge et l'Assassin, Un dimanche à la campagne et Capitaine Conan) et d'un Ours d'Or (L'Appât).
Lyon Capitale publie un article, écrit par Fleur Burlet, extrait du blog dédié au festival Lumière 2013 par des étudiants en master Journalisme de Sciences Po Lyon, en association avec Lyon Capitale : Pulp My Festival.
"(...) Né en 1941 à Lyon de l’union d’un écrivain et d’une pianiste, le jeune Tavernier baigne très tôt dans le milieu artistique. Or, son premier amour reste le cinéma : l’homme multicasquettes, tour à tour réalisateur, scénariste, producteur, journaliste et écrivain, se donne dès le plus jeune âge tout entier au septième art. Lorsqu’il abandonne ses études de droit, c’est pour mieux se consacrer à sa passion : il commence à publier ses analyses de film dans Radio cinéma, magazine qui deviendra plus tard Télérama.
Dès le début, passion et amitié se conjuguent ; les visites à la Cinémathèque se font avec son compagnon de banc d’école Volker Schlöndorff, et le ciné-club Nickel-Odéon, exclusivement consacré au cinéma américain, que Tavernier vient à fonder se fait avec le soutien de trois de ses amis.
Tavernier écrit, et Tavernier rencontre. Suite à une interview faite pour le journal étudiant qu’il a fondé, L’Etrave, le jeune journaliste devient l’assistant de Jean-Pierre Melville sur le tournage de son film Léon Morin, prêtre. Ce dernier le recommande ensuite à George de Beauregard, producteur du film, en tant qu’attaché de presse ; il travaillera à ses côtés de 1961 à 1964, tout en continuant à publier son travail de critique, notamment dans Les Cahiers du cinéma et dans Positif. Devenu attaché de presse indépendant à la notoriété grandissante, il commence à nouer certaines de ses amitiés américaines : c’est à cette époque que se font les premiers entretiens compilés dans son ouvrage de 2008, lors de rencontres avec John Ford, John Huston, ou encore Raoul Walsh.
De la plume à la caméra, du DVD à l’édition
Pour son premier long-métrage, Tavernier effectue une forme de retour aux sources : il choisit en effet de tourner L’Horloger de Saint-Paul dans sa ville natale de Lyon, ville mystérieuse et "simenonienne" selon ses dires – le décor parfait pour l’adaptation au cinéma du roman. Le film signe aussi sa première collaboration avec Philippe Noiret, qui devient par la suite son acteur fétiche.
S’enchaînent ensuite une multiplicité de films, marqués par l’éclectisme. Tavernier alterne adaptations de romans, films d’époque (Que la fête commence, 1976), réflexions contemporaines sur des sujets de société (Le Juge et l’Assassin, 1977 ; La Mort en direct, 1980 ; L’Appât, 1995) et conflits historiques (La Vie et rien d’autre, 1989 ; Capitaine Conan, 1996 ; La Guerre sans nom, documentaire sur la guerre d’Algérie, 1991 ; Laissez-passer, 2003). Celui qui a déclaré au critique Jean-Luc Douin que "les cinéastes sont des sismographes de leur époque" s’est clairement donné comme objet d’ausculter la société, et se voit récompensé notamment par un Ours d’Or à Berlin en 1995 pour son film L’Appât. Mais sa filmographie est aussi une longue histoire de rencontres, cette fois devant la caméra : il se lie avec Philippe Noiret, Jean Rochefort, Romy Schneider ou encore Nathalie Baye.
Devenu président de l’Institut Lumière, retourné aux sources lyonnaises de son inspiration, il dévoue sa verve à une autre forme de rencontre, celle avec le format DVD. Son blog, hébergé par le site de l’Institut, chronique les rééditions et sorties de films d’anthologie, ou jugés anthologiques par le cinéaste, qu’il invite le public à découvrir sous un format plus moderne. Enfin, ses activités de président de l’Institut lui prennent, de son propre aveu, énormément de temps. Dans un entretien avec le site Lumière !, il confie au journaliste : "Je dors très peu… Hier par exemple j’ai eu des heures de discussions sur la salle qu’on vient d’ouvrir, j’ai eu des bagarres avec l’administratrice qui a fait venir la commission supérieure technique très en retard… Ça, ça vous bouffe du temps, de l’énergie. Il y a aussi la négociation sur les contrats d’édition et l’idée qu'on va aller s’occuper d’acheter des droits de bouquins [...]" Ce que l’on retient de ses propos, ce sont surtout les multiples évocations de personnages du monde du cinéma, dont il semble se faire le devoir de les faire connaître et apprécier à leur juste valeur. Un véritable ami, en quelque sorte." (fin de l'extrait)
"Une bibliographie aussi épaisse que sa filmo"
Pour Kevin Muscat, journaliste culture à Lyon Capitale, "Tavernier a beau être français, ce sont surtout les cinéastes d'Outre-Atlantique qui ont nourri sa passion. Cela se voit non seulement dans certains de ses films (il vient d'ailleurs d'adapter Dans La Brume Electrique de James Lee Burke, avec Tommy Lee Jones) mais aussi quand on prête attention à sa bibliographie, pas loin d'être aussi épaisse que sa filmo. Comme Martin Scorsese avec Voyage au cœur du cinéma américain et Voyage au cœur du cinéma italien, Tavernier a consacré sa vie de cinéphile à explorer l'œuvre de cinéastes auxquels il doit tout. "
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En vidéo : Quand Bertrand Tavernier répondait aux questions de Lyon Capitale TV