Comment pouvaient voir les animaux, il y a plusieurs centaines de millions d'années ? L'équipe internationale dirigée par Jean Vannier, directeur de recherche au CNRS de Villeurbanne, apporte des éléments de réponse par une extraordinaire découverte.
Il n'est pas rare que certains fossiles vieux de plus de 500 millions d'années conservent des yeux à facettes. En revanche, la partie qui permet de déterminer les capacités visuelles n'est jamais conservée. Pour la première fois, une équipe de chercheurs lyonnais, parisiens, allemands et anglais ont réussi a reconstituer en trois dimensions la structure des yeux de Dollocaris, un crustacé fossile à peine âgé de 160 millions d'années.
Record battu... par les libellules !
La taille des yeux globuleux de ce crustacé ardéchois – découvert au gisement de La Voulte sur Rhône - représente presque le quart de son corps tout entier. Chacun de ses yeux comprend près de 18 000 facettes, un record seulement battu par les libellules d'aujourd'hui. En tant que prédateur du jurassique qui se respecte, Dollocaris avait donc une vision panoramique pour mieux détecter et suivre le mouvement de ses proies. La microscopie électronique utilisée par les chercheurs a également montré que chaque facette est prolongée en profondeur par des cellules photoréceptrices disposées en rosette : comme les crustacés et les insectes actuels. Les chercheurs ont même pu découvrir quelques restes non digérés de petites crevettes dans son système digestif, grâce à une technique d'imagerie aux rayons X. C'est certain, Dollocaris a bel et bien les yeux plus gros que le ventre.