Ce mardi matin, aux alentours de 7 heures, la Préfecture a expulsé une vingtaine d'habitants du foyer de la Sarra. Cette ancienne maison de retraite, reconvertie en foyer d'hébergement d'urgence, abritait notamment plusieurs familles sans solutions d'hébergement.
Il est 7 heures ce matin quand la police débarque sur les lieux. Au foyer de la Sarra, vingt-cinq personnes sont mises à la rue très rapidement. Un groupe de jeunes marche, affaires sur le dos, pour rejoindre le Secours populaire. Quelques familles restent devant le foyer encore choquées de la matinée qu'elles viennent de vivre. Les travailleurs sociaux sortent les valises et sacs d'affaires restants devant le foyer. Liana, assise sur un banc, ses affaires posées autour d'elle, explique : "Les policiers ont frappé à la porte tôt ce matin. Ils m'ont dit d'ouvrir la porte sans me laisser le temps de m'habiller. Ils nous ont dit de réunir nos affaires et de sortir d'ici 3h sans quoi, ils utiliseraient la force. Mon fils avait peur, il pleurait en se demandant pourquoi la police était ici." Liana, son mari et ses deux enfants âgés de 1 et 7 ans, a appris le même jour le rejet de leur demande d'asile. La famille, d'origine arménienne, est sur le territoire français depuis trois ans.
"Ce qu'ils font, c'est reporter la responsabilité sur les citoyens"
Après avoir été une maison de retraite, le foyer de la Sarra a été réquisitionné en hébergement d'urgence pendant le plan grand froid. Il y a peu, à la suite d'une expulsion dans le 7e arrondissement, des mineurs isolés ont été relogés dans ce foyer à côté de familles qui n'avaient pas voulu quitter l'immeuble après l'hiver. Mais une démolition du bâtiment est prévue dans le but de construire un EPHAD. D'après Anna, militante de Jamais sans toit, les dates d'expulsions changent tout le temps : "L'expulsion du foyer avait été prévue pour le 5 juillet. Les habitants s'organisaient pour trouver une solution pour après. " Les militants du collectif, venus soutenir les personnes mises à la rue, désespéraient de la situation, regrettant des expulsions de plus en plus fréquentes. "Ce qu'ils [les pouvoirs publics, ndlr] font c'est simplement reporter la responsabilité sur les citoyens. Ils attendent juste que les citoyens n'en puissent plus. Je paye des impôts pour que l'État fasse son travail, mais puisqu'il ne le fait pas je dois héberger des gens", confie Anna.
Des familles qui dormiront dehors ce soir
À 20 ans, Lucila est en pleine demande d'asile. Arrivée il y a 2 ans en France, elle a trouvé refuge au foyer depuis décembre "Lors de l'expulsion, ils m'ont demandé une pièce d’identité. J'ai donné mon passeport et ils l'ont gardé. Ils ont dit que pour le récupérer je devais aller à l'OFII (Office Français de l'Intégration et de l'Immigration). Là-bas, on va me proposer de me loger pendant 45 jours en échange d'un départ vers l'Allemagne ou l'Albanie, mon pays natal". Une fois l'expulsion terminée, les militants du collectif tentent de s'organiser "On cherche des solutions pour stocker les affaires, des voitures pour tout ramener". De l'autre côté, les forces de l'ordre sont restées dans l'enceinte du bâtiment. Selon Anna : "ils vont sécuriser le foyer pour que les habitants ne puissent pas y retourner". Pour l'instant, aucune proposition de relogement n’a été faite. Deux familles albanaises ont même reçu une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) et une autre famille a été envoyée en Allemagne. "Nous avons proposé à ses familles un hébergement le temps de préparer leur départ. Les autres ont été dirigés vers l'OFII pour étudier leur situation respective", ajoute la Préfecture. À moins d'un retour dans leurs pays d'origine, les personnes expulsées dormiront donc dehors ce soir.