Une vingtaine de parents d’élèves ont déposé ce mercredi une plainte contre X au Tribunal de Grande Instance de Lyon pour dénoncer l’illégalité des « bases-élèves ». Explications.
Ce mercredi 19 mai, ils étaient une dizaine devant le parvis du Palais de Justice à Lyon, portant une banderole. « Nos enfants sont fichés. Bases-élèves, ni anodin, ni un progrès ! » En effet, 26 parents d’élève étaient venus au Tribunal de Grande Instance de Lyon déposer une plainte contre X. Au total depuis le mois de mars 2009, 2080 plaintes ont été déposées dans 39 TGI en France.
Mais, cela fait depuis 2005 déjà que les parents et les enseignants dénoncent la mise en place de ce que le gouvernement appelle des « bases-élèves Premier Degré ». Ces fichiers informatiques destinés à une meilleure gestion de la scolarité doivent être soigneusement renseignés par les directeurs d’école. Ils assurent le suivi d’un élève tout au long de sa scolarité et seront conservés jusqu’à la fin de la scolarité, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 35 ans.
Les cases à compléter par le directeur d’école sont très détaillées: on demande par exemple la nationalité des parents, la langue parlée dans le foyer, aussi de recenser les absences, si l’enfant a un suivi psychologique, ses activités périscolaires, sa participation à des stages de remise à niveau, à des RASED (réseaux d’aide spécialisée).
Une plainte contre la saisie informatique de données personnelles
Dans leur plainte, les parents d’élèves du Rhône relèvent plusieurs infractions liées à l’application de l’arrêté ministériel du 20 octobre 2008 qui a généralisé les fichiers bases-élèves à toutes les écoles du premier degré en France. Ils reprochent notamment « le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite » et « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l'opposition de cette personne. » (articles 226-16 à 226-18 du Code Pénal)
« le gouvernement dans l’illégalité »
François Morel, porte-parole du Collectif Ecole en danger, est scandalisé par ce choix d’informatiser des données propres aux enfants : « C’est inquiétant, d’autant qu’on sait qu’il est très facile de recouper ces données pour les différents ministères, que ce soit le Ministère de la Justice, celui de l’Intérieur ou de l’Immigration, alors que tout cela restait auparavant interne à l’école. » Isabelle Devos, parent d’élève, membre du Collectif Ecoles en danger ajoute : « Le gouvernement par l’intermédiaire du Ministère de l’Education est dans une totale illégalité avec les bases-élèves, puisque sa mise en place n’est pas venue suite à une loi, mais suite à un décret ministériel ».
En 2008, le gouvernement Sarkozy avait d’ailleurs été interpellé sur cette politique de fichage par la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) mais aussi par la secrétaire chargée de la défense des droits de l’homme à l’ONU. Sans réponse satisfaisante pour le moment.
La position difficile des directeurs d’école
Les enseignants résistants pédagogiques à Lyon soutiennent la lutte des parents contre l’existence de ces « bases-élèves ». Pourtant, les directeurs d’écoles lyonnais n’ont pas refusé de les remplir. « C’est une position difficile, les enseignants cèdent aux menaces de sanctions, voire de mises à pied. », explique André Abeillon, enseignant « désobéisseur ».
« C’est une perte de liberté affligeante »
De son côté, Claude Massault de la Ligue des Droits de l’Homme, voit dans cette mesure une application pratique d’une théorie « déterministe » des comportements : « On affirme qu’en établissant un profil, on peut savoir ce que deviendra quelqu’un. Pour les enfants, tout est marqué, traçable sur des années. Cela signifie qu’il n’y a pas de rédemption possible. C’est une perte de liberté affligeante.»
Il ne reste plus qu’à attendre le verdict du Parquet de Paris qui traitera toutes les plaintes déposées par les parents d’élèves en France à ce sujet. Un rapport du Conseil d’Etat est également attendu.