La grande Roue place bellecour © tim douet_0069
@ Tim Douet

Lyon : détruite, l'autre statue de Louis XIV place Bellecour

Histoire de Lyon - "Rendez-vous sous la queue du cheval", la statue équestre de Louis XIV, place Bellecour, fait partie du quotidien des Lyonnais. Pourtant, ce n'est pas la première du genre à avoir trôné au milieu de la place. Le 25 juillet 1701, une statue de Louis XIV arrive à Lyon et va disparaître moins d'un siècle plus tard.

Pour une fois, l'histoire ne commence pas à Lyon, mais à Paris. En 1679, le Maréchal de la Feuillade souhaite faire édifier une statue équestre de Louis XIV pour accroître son influence auprès du roi. Il choisit le sculpteur Desjardins, qui en fera une statue pédestre. Elle est installée au sein de la place de la victoire, projet dirigé par Mansart et lancera la mode des statues de Louis XIV à travers tout le royaume.

Lyon ne veut pas passer à côté de cette mode, et cherche à remercier Louis XIV qui a marqué la ville lors d'un court voyage. Au XVIe siècle, la place Bellecour est régulièrement réclamée par des Lyonnais qui souhaitent faire construire dessus. Le 28 décembre 1658, Louis XIV rend une ordonnance stipulant que la place fait partie de la défense de la ville et ne peut pas être revendiquée. C'est dans ce contexte que Lyon contacte Desjardins et trouve un accord en 1688 pour une statue équestre qui doit être livrée en 1691. Il s'agit d'un modèle à la romaine, sans étrier.

Pendant près de vingt ans, le projet va vivre de rebondissement en rebondissement. Martin Desjardins prend du retard, livrant la statue juste avant sa mort en 1694, sauf que Lyon ne peut plus la payer. Et quand la ville trouve enfin l'argent, elle ne sait pas comment la rapatrier depuis Paris. Un itinéraire est enfin choisi, la faisant transiter de la Seine à la Manche, puis redescendre via l'Atlantique, Gibraltar, la méditerranée et le Rhône. La statue arrive enfin le 25 juillet 1701, mais Lyon ne sait plus où la mettre, elle est alors remisée dans un entrepôt.

En 1713, la ville trouve enfin une solution, encore faut-il réussir à hisser la statue sur son piédestal. Une machine est inventée par l'Architecte Claude Perret, sorte de grue avec des poulies qui permet de poser la statue le 27 décembre 1713. Le monument atteint une hauteur de treize mètres pour trente tonnes. Le lendemain, elle est inaugurée et Bellecour devient place Louis-le-Grand. Après vingt ans de péripétie, les Lyonnais pensent que la statue dominera la place pour des siècles.

Histoire d'une destruction

De nombreux aménagements sont effectués autour de la statue, à l'image de quatre gigantesques fontaines. La place est alors à dominante verte avec ses pelouses à l'ombre des tilleuls. Le piédestal est orné de deux allégories de la Saône et du Rhône en 1721. La place Louis-le-Grand est alors l'un des symboles de Lyon que chaque visiteur se doit d'avoir vus. Sous la Révolution, la place devient un lieu à reconquérir. Débaptisée, elle devient place de la liberté. La guillotine y est parfois installée en alternance avec Terreaux. Le 14 août 1792, l'Assemblée législative prend un décret autorisant la destruction des symboles de l'ancien régime. Lyon en possède deux particulièrement visibles, le bas-relief représentant Louis XIV sur la façade de l'hôtel de ville, ainsi que la statue équestre du monarque. Le premier est détruit sans ménagement. Pour le deuxième, des Lyonnais vont se proposer de racheter la statue, pensant pouvoir la protéger. Leur demande est refusée, elle est détruite sous la présidence du maire Louis Vitet. Aujourd'hui encore, on ne sait ce qu'est devenu le métal, la légende veut qu'il ait été transformé en boulet de canon. Seules les allégories de la Saône et du Rhône vont échapper à la fonte en étant placées à l'hôtel de ville. Ironie finale, la statue parisienne qui lancera la mode des représentations de Louis XIV est aussi fondue durant la Révolution.

Une nouvelle statue

Au début du XIXe, il faut reconstruire la place détruite. Napoléon lance les travaux, son nom est donné à la place. La ville veut le remercier et projette de construire une statue de l'Empereur, ce qui ne se fera pas. En 1814, à la faveur de la Restauration, elle redevient place Louis le grand. Les autorités veulent rétablir une statue de Louis XIV et y parviennent enfin en 1825. Elle est inaugurée le 6 novembre 1825, présentant un aspect assez proche de l'ancienne et mesurant toujours treize mètres sur son socle, et toujours dénués d'étrier.

Ainsi, contrairement à la légende, son sculpteur François-Frédéric Lemot ne s'est jamais suicidé pour les avoir oubliés. Il a respecté la tradition du genre, et le modèle d'origine. C'est aussi lui qui a réalisé les lions de la place Sathonay. La statue de Louis XIV va échapper à la destruction après la révolution de 1848. Le symbole est à nouveau une cible de choix, mais protégé grâce à l'inscription sur son socle de la mention "Chef d'oeuvre du citoyen Lemot, statuaire lyonnais, propriété nationale". La disparition du nom du roi en faveur de celui de l'artiste a changé la donne. La même année, la place devient enfin Bellecour, avant de reperdre son nom en 1851, pour redevenir Louis le grand. Bellecour est enfin Bellecour en 1871. Les deux allégories qui avaient trouvé refuge à l'hôtel de ville depuis 1792 sont placées à nouveau au pied de la statue en 1957, achevant une histoire faite de destruction, remplacement, et de révolution, toujours sous la queue du cheval.

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