Histoire de Lyon - Saucisson, praline, bugne, cardon, papillote, quenelle, andouille ou cervelle de Canuts... Lyon ne manque pas de spécialités culinaires qui ont parfois marqué l'histoire. Découvrez les origines et secrets de ces produits qui sont consommés parfois depuis plus de vingt siècles.
Lyon est une capitale mondiale de la gastronomie depuis plus de 2000 ans (lire ici). Mais que serait une ville du bien manger sans ses produits qui ont su traverser le temps. Grâce à notre chronologie, les spécialités lyonnaises n'auront plus de secret pour vous.
La vieille tradition des saucissons
L’origine de certaines recettes restera toujours mystérieuse, même si on en trouve la trace dès la fin du Moyen Âge. Parmi elles, le jésus, saucisson élaboré à partir des meilleurs morceaux du porc, qui tient son nom de sa ressemblance avec le petit jésus dans ses langes. À côté de lui, la rosette, composée de la même matière première mais hachée plus fin, tire son appellation de l’intestin situé juste avant l’anus du porc, surnommé rosette. Enfin, pas de surprise pour le cervelas qui doit son nom à la cervelle que l’on mettait à l’intérieur autrefois.
1532 : les bugnes, un cadeau de fidélité
Déjà présentes dans Pantagruel de Rabelais en 1532, les bugnes étaient offertes par les charcutiers à leurs clients avant le carême, pour qu’ils reviennent acheter de la viande une fois la période passée. Bugne vient de beigne, “bosse” en vieux français. Se pose alors un autre débat, la vraie bugne lyonnaise est-elle moelleuse ou craquante (lire notre réponse ici) ?
1548 : les cardons, plat méditerranéen
Les cardons étaient déjà consommés par les Romains, ainsi que dans les pays du Maghreb à la même époque, où ils sont parfois utilisés dans le couscous, sous le nom de khorchef. À Lyon, il faut attendre le XVIe siècle pour voir apparaître la plante dans les sources écrites. Plat de luxe pendant un temps, ils furent servis lors d’un banquet à l’hôtel de ville en 1548.
1591 : des volailles pour le marquis ou l’empereur
En 1591, les Burgiens offrent deux douzaines de volailles au marquis de Treffort pour le remercier d’avoir chassé les Savoyards. Trois cents ans plus tard, en 1862, le premier concours de volailles de Bresse est organisé. Le chapon vainqueur a l’honneur d’être offert à Napoléon III.
1762 : glace et libido
Le limonadier italien Antonio Spreafico fait découvrir les glaces aux Lyonnais et lance une véritable mode. Le luxe est alors réservé aux plus riches. Selon Félix Benoit, dans son Lyon secret, Spreafico est également connu pour “la fécondité de sa femme, qui mourut après vingt-quatre ans et neuf mois de mariage, des suites de sa vingt-cinquième couche”. L’histoire n’a pas retenu si Spreafico put subvenir aux besoins de tous ses enfants grâce au succès de sa boutique.
1788 : truffes lyonnaises et gratin dauphinois
En 1769, la France fait face à la famine. Antoine Parmentier essaie d’imposer la pomme de terre, en vain. Les Français ne semblent pas s’intéresser au tubercule, présent en Europe depuis deux cents ans et réservé alors aux animaux. Parmentier décide donc de faire planter un champ et de le faire garder pour attiser les convoitises. La pomme de terre devient alors un succès. Lyon se distingue en l’appelant “truffe”. Pour sa part, le gratin dauphinois apparaît publiquement le 12 juillet 1788, lors d’un dîner des officiers municipaux à Gap.
XVIIIe siècle : la papillote, vols et histoire d’amour
Selon la légende, la papillote est née à Lyon à la fin du XVIIIe siècle, dans le quartier des Terreaux. Le confiseur Papillot remarque un jour qu’on lui vole des chocolats. Menant l’enquête, il découvre que son apprenti dérobe ses marchandises et les enveloppe de petits messages romantiques, espérant séduire la belle dont il est amoureux. Papillot le renvoie, mais conserve l’idée. Les mots doux sont alors remplacés par des histoires drôles et autres petits jeux. La papillote est née.
Néanmoins, dans le Dictionnaire historique de Lyon, Bruno Benoit fait remarquer que le terme papillote existait déjà en 1617, désignant "le petit morceau de papier dont on enveloppe les cheveux divisés en mèches pour les friser". En 1825, Jean-Anthelme Brillat-Savarin utilise ce mot en gastronomie, pour parler du papier utilisé lors d'une cuisson. Néanmoins, l'histoire de Lyon et la papillote vont se retrouver, cette fois-ci de manière officielle. En 1898, les familles Thomas et Pelen fondent la chocolaterie Révillon dans le 7e arrondissement de Lyon (aujourd'hui avenue Leclerc). La friandise va partir ainsi à la conquête de la France. L'entreprise déménage en 1971 à Roanne dans la Loire, mais la papillote restera toujours liée à Lyon.
1830 : la k’nelle
Encore un plat déjà connu dans l’Antiquité. Mais la quenelle apparaît sous ce nom en France autour de 1750. Pour Lyon, il faut attendre 1830, selon l’historien Félix Benoit. La première quenelle lyonnaise aurait était inventée par le pâtissier Charles Morateur, qui décida de mélanger pâte à chou et chair de brochet. Elle reste pendant longtemps l’exclusivité des pâtissiers, avant que Joseph Moyne, fils de charcutier, ne décide de réinventer la recette avec de la semoule de blé dur, en 1880. Toujours à Lyon, en 1907, Louis Légroz ajoute à la semoule de blé dur un œuf : la quenelle lyonnaise contemporaine est née.
1851-1862 : un tablier de sapeur pour le militaire
Quand le maréchal Castellane, gouverneur militaire de Lyon sous le Second Empire, découvre le gras-double pané et frit, appelé alors depuis longtemps “tablier de Gnafron”, ou de Guignol, il se rappelle immédiatement ses années passées au Génie militaire. En mémoire du tablier de cuir porté par les sapeurs pour protéger leur uniforme, il s’appellera désormais : tablier de sapeur.
1890 : l’andouille, c’est comme la politique…
L’andouillette lyonnaise commence à faire parler d’elle vers la fin du XIXe siècle. Contrairement à ses cousines d’autres villes, elle ne doit pas contenir de porc mais uniquement de la fraise de veau. Amateur de bons plats devant l’Éternel, Édouard Herriot commentait ainsi la recette : “La politique, c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop.”
1905 : la praline, du marron au rouge
À l’origine, lorsqu’elle est inventée par Clément Jaluzot, cuisinier du maréchal de Plessis-Praslin, la praline est marron. Elle serait devenue rouge en 1905, suite à l’idée d’un pâtissier du mont d’Or, qui décida alors d’en faire des tartes.
1934 : la blague de la “cervelle de canuts”
Impossible de savoir de quand date cette recette, connue pendant longtemps sous le nom de “claqueret”. La coutume veut que les canuts de Lyon aimaient manger leur fromage blanc mélangé à de l’ail. Pour le nom officiel, l’histoire est plus précise. Tout part d’une plaisanterie de Paul Lacombe, le 12 juin 1934. Le chef de Léon de Lyon sert alors un fromage blanc mélangé à de la ciboulette et du vinaigre de vin dans un crâne en plâtre. L’appellation “cervelle de Canuts” est retenue, sans doute plusieurs siècles après la création de la recette.