La préfecture du Vaucluse vient de lever l'interdiction de consommer et commercialiser des poissons pêchés dans le Vaucluse. Mais pas dans le Rhône qui partage pourtant le même fleuve.
La décision était attendue depuis onze ans et demi. Le 10 janvier dernier, après une campagne de prélèvements, la préfecture du Vaucluse a levé les mesures d'interdiction et de restriction de consommation et de commercialisation des poissons pêchés dans le département du Vaucluse dans plusieurs cours d'eau, notamment le Rhône.
Au cours de l'été 2007, les autorités avaient dû interdire la pêche en vue de la consommation et de la commercialisation de certaines espèces de poissons pêchés dans le Rhône, ses canaux de dérivation et ses contre-canaux suite à une grosse pollution aux PCB.
PCB ? Trois lettres inoffensives prises isolément mais qui, une fois combinées, forment l'un des pires cocktails toxique, écotoxique et reprotoxique qui soit. Leur nom barbare : les polychlorobiphényles (plus connus sous le nom nom moins véniel de pyralènes, l'un des nombreux noms commerciaux d'un produit de Monsanto à base de PCB autrefois très utilisé comme isolant dans les transformateurs électriques).
Il s'agit de polluants organiques d'origine industrielle hautement toxiques, particulièrement stables et donc très peu biodégradables. Leur production et leur utilisation ont progressivement été réduites au cours des années 70 puis interdites en 1987. Elles se sont progressivement accumulées dans l'environnement, en particulier dans certains réservoirs comme les sédiments marins ou de rivière.
"La plus forte pollution des eaux en France"
Petit retour en arrière. Tout a commencé au printemps 2005, dans le canal de Jonage, où des poissons (brèmes principalement) présentent des teneurs particulièrement élevées en PCB. Quelques mois plus tard, le préfet du Rhône interdit la consommation de poissons pêchés dans le canal et le plan d'eau du Grand Large. Au cours de l'année 2006, la pollution s'étend jusqu'au barrage de Vaugris, au Sud de Lyon. Début 2007, de nouveaux résultats entraînent l’extension de la zone d’interdiction de la consommation dans neuf départements (Ain, Ardèche, Bouches-du-Rhône, Drôme, Gard, Isère, Loire, Rhône, Vaucluse) qui couvrent l’ensemble du linéaire du Rhône depuis le barrage de Sault-Brénaz, dans l’Ain, jusqu’à l’embouchure du fleuve.
Des centaines de communes sont concernées, une avalanche d'arrêtés préfectoraux publiés, une dizaine d'espèces de poissons intoxiqués, un rapport de 32 pages rédigé et plus de 100 kilomètres de cours d'eau pollués. La pollution qui touche le troisième plus grand fleuve français est hors du commun. Interrogé à l'époque par Lyon Capitale, la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature) parlait de "la plus forte pollution des eaux, avec interdiction de consommer des poissons, de ces dernières années en France".
Le Rhône présente alors des contaminations à 5 à 12 fois supérieures aux normes sanitaires européennes
Interdiction dans 29 départements
Janvier 2019. Quand bien même de l'eau a coulé sous les ponts et que PCB se sont fixés plus profondément dans les sédiments ou ont été emportés par les crues, selon le système d'information du bassin Rhône-Méditerrannée, 29 départements sont encore sous le coup d'une interdiction (intégrale ou partielle) de consommer ou commercialiser les poissons pêchés dans le Rhône et des cours d'eau affluents, 84 arrêtés préfectoraux sont encore en vigueur sur les lacs et plans d'eau et 11 sur le fleuve Rhône.
Pourquoi une différence entre plusieurs portions de fleuve ?
La levée d'interdiction ou de restriction de consommation et de commercialisation des poissons pêchés dans le fleuve Rhône dans le département du Vaucluse n'est pas la première.
Plusieurs autres départements avaient déjà pris un tel arrêté : les Hautes-Alpes pour la truite de rivière (2015), la Haute-Savoie pour l'omble chevalier du lac Léman et du lac d'Annecy et la truite lacustre du lac Léman et certains poissons dans le Fier (2016), le Jura et la Saône-et-Loire (2017), le Doubs (2017 et 2018), l'Ardèche et la Drôme (2018), les Alpes-Maritimes pour les anguilles et les carpes (2018), à certains endroits bien délimités.
La question qu'on se pose légitimement est de comprendre pourquoi le Vaucluse autorise la consommation de poissons pêchés dans le Rhône alors que dans le département éponyme, c'est encore interdit.
Le PCB étant un polluant qui se fixe dans les sédiments et qui, en principe, ne bouge pas. Conséquence : les zones de contaminations sont très localisées (ce qui explique que dans le Vaucluse, la pêche soit désormais autorisée, sauf dans une portion très ciblée de la Durance). Mais Les PCB peuvent parfois être "relargués" lorsque les sédiments remuent à cause des crues ou en raison de paramètres physico-chimiques particuliers qui les remettent en suspension.
A ce jour, si toutes les sources émettrices de PCB dans la région ont été taries, selon la Dreal (direction de l'environnement, de l'aménagement du territoire et du logement), les situations ne sont pas identiques selon le territoire. Dans le département du Rhône, les PCB seraient donc encore trop présents pour lever l'interdiction de consommer et commercialiser les poissons pêchés dans les cours d'eau du département. Selon la préfecture, que Lyon Capitale a contacté : "dans la mesure où il n'y a pas d'enjeu et aucun pêcheur professionnel, on garde l'arrêté d'interdiction". L'enjeu ? Ce serait, selon la préfecture, que plus personne en 2019 ne pêche pour se nourrir. Sauf à manger occasionnellement poisson qu'on a pêché. Circulez, y'a rien à voir... ni à bouffer.
La situation s'est améliorée, explique-t-on, lentement, progressivement mais il faudra encore plusieurs décennies et il passera encore beaucoup d'eau sous les ponts avant que cette pollution historique ne soit définitivement (?) enrayée.
Lire aussi : Dossier Spécial - PCB dans le Rhône.
le pollueur est connu , l'entreprise chargée de détruire le PCB contenu dans les transfos . Quelles sont les mesures et sanctions financières prisent à son encontre .D'expérience je sais que leurs prestations étaient hors de prix , étant les seuls sur le marché
ça pose une fois de plus les problèmes liés directement à l'utilisation de monnaie :
- la recherche d'argent fait radiner, prendre des risques pour augmenter les marges (entrainant des pollutions)
- chantage à l'emploi (aux salaires) si on ose sanctionner lourdement une entreprise
- aucune responsabilité possible car il suffit que de mettre la société en faillite et ce sera la communauté qui devra payer.