David Kimelfeld, président de la Métropole de Lyon entre 2017 et 2020.

Lyon - Kimelfeld : "le coronavirus ne sera pas juste une parenthèse"

Durant cette période marquée par le confinement et le coronavirus COVID-19, les territoires se retrouvent en première ligne pour apporter des réponses économiques et sociales. Interviewé par Lyon Capitale, le président de la métropole de Lyon, David Kimelfeld aborde les éléments concrets déjà en place, mais aussi ceux à venir comme une plateforme de mise en relation entre les consommateurs et producteurs locaux. Il invite également le maire de Lyon Gérard Collomb à demander des dérogations pour la réouverture de certains marchés, aujourd'hui tous suspendus.

Lyon Capitale : Comment se déroule le travail des agents de la métropole de Lyon durant ce confinement ?

David Kimelfeld : Nous avions démarré notre programme de télétravail début 2018. Cela nous a permis de mettre 2 500 personnes au travail à distance rapidement, nous connaissions déjà le processus. 2 000 personnes opèrent toujours sur le terrain. Par exemple, si les maisons de la métropole sont fermées, les rendez-vous continuent, notamment pour apporter l’aide alimentaire aux plus fragiles. On a un agent de la métropole qui a été mis à disposition de la Croix-Rouge comme coordinateur en plus d’une aide matérielle, avec le foyer de Notre-Dame des sans-abris, ce sont deux personnes présentes pour aider à animer les plateformes. Enfin 300 agents ont rejoint la réserve métropolitaine pour se mettre à disposition et aider au quotidien tous ceux qui doivent l'être.

Qu’en est-il de la collecte des déchets ?

Le maintien des collectes des ordures ménagères était l’une de nos priorités. Pour l’instant, cela tient à 100 %. Des agents qui ne sont pas du service des collectes se sont proposés spontanément pour venir aider, notamment certains travaillant au nettoyage des rues. Ce dernier est aujourd’hui assuré à 30 %, nous avions fait le choix de le réduire, car il y a moins d’usage de l’espace public. Actuellement, on se questionne sur la désinfection des rues, on est en train de regarder si c’est utile. Je sais que certaines villes ont commencé, mais si c’est juste spectaculaire et inutile, ça ne sert à rien.

La crainte est forte du côté des mondes économiques, associatifs et culturels…

… l’une des premières mesures économiques et sociales que nous avons pu prendre reste la gratuité des loyers où nous sommes bailleurs, pour les associations, commerçants, entreprises. Ils n’auront pas à payer de loyer en mars, avril et mai. Nous verrons s’il faut aller plus loin. Nous avons demandé aux bailleurs sociaux de faire la même chose. Un fond de solidarité pour les entreprises et structures culturelles a été mis en place par la métropole. De même, nous avons aussi considéré que toutes les subventions déjà apportées resteraient acquises. On fera le bilan au fil du temps, mais on ne va pas commencer à restreindre cela. Pour certaines associations, on propose des subventions supplémentaires, notamment pour celles qui aident les femmes victimes de violences. On regarde pour proposer des locaux et augmenter les capacités d’accueil.

Comment se déroule le travail avec les maires ?

Cela se passe bien, beaucoup ont pris de nombreuses initiatives. Là où on peut aider, on le fera. Nous avons passé une commande groupée de masques avec la région Auvergne-Rhône-Alpes, 600 000 arrivent, 500 000 suivront. De nombreuses communes nous ont fait part de leur besoin, notamment pour les Ehpad. Des gels hydroalcooliques ont été également commandés.

Je devrais prochainement échanger avec les membres de l’exécutif de la métropole, toutes les bonnes idées sont les bienvenues. Je sais que certains élus sont attentifs à la question du maintien des marchés alimentaires. À Lyon, on essaye de mobiliser Gérard Collomb sur la question, sans polémique, juste lui demander d’étudier la question des demandes de dérogations. Des procédures très particulières ont été mises en place pour rouvrir les marchés, on peut tenter le coup. Des bénévoles et des élus sont prêts à venir aider. Je ne dis pas qu’il faut tous les rouvrir, mais certains pourraient l’être en respectant toutes les conditions sanitaires.

Qu’en est-il de la future plateforme numérique pour mettre en relation les producteurs et consommateurs suite à la fermeture des marchés ?

Des citoyens ont organisé des choses très spontanément sans attendre les réactions des collectivités. Je le vois sur mon arrondissement de la Croix-Rousse. Les gens n’ont pas attendu, même des copropriétés ont mis en place des choses pour être en relation avec des producteurs, des AMAP (NDLR Association pour le maintien de l’agriculture paysanne). Le souci, c’est que dans certains milieux populaires, il n’y a pas forcément ces réflexes-là. Nous sommes face à un vrai enjeu d’équité territoriale. Nous souhaitons y répondre avec une plateforme de mise en relation entre producteurs et consommateurs. Dans certains quartiers, cela peut aussi passer par la réouverture des marchés. Ces derniers ne régleront pas toutes les questions, il faudra faire attention. La plateforme devrait arriver début avril.

Durant le confinement, les vitesses des véhicules ont augmenté, ce qui rend les déplacements en mode doux plus dangereux. Pierre Hémon, votre délégué aux mobilités actives, évoque l’idée de rouvrir les berges du Rhône pour les cyclistes, est-ce que cela serait possible ?

Effectivement, certains font n’importe quoi en voiture, je suis parti à vélo ce matin vers 7h30, je n’étais pas tranquille sur la route. Parfois, j’ai vu des automobilistes griller des feux rouges, rouler sans faire attention car se croyant seuls sur la route. Pour les berges nous allons voir ce que nous pouvons faire, l’équation est difficile, il faudrait pouvoir ouvrir aux cyclistes sans permettre aux piétons de les prendre.

Certaines grandes métropoles comme Berlin ou New York ont choisi de prendre des voies dédiées aux voitures pour les sanctuariser temporairement et en faire des voies pour les cyclistes, est-ce qu’une telle idée serait envisageable dans la métropole ?

C’est une bonne idée, nous allons regarder ce que nous pouvons faire.

Au final, votre "entre deux tours" des élections métropolitaines va durer quelques semaines, voire mois...

Le sujet nous paraît à tous très loin, je regardais ce matin les panneaux électoraux qui sont toujours là, j’ai l’impression que c’était il y a mille ans. Les seuls contacts que j’ai aujourd’hui avec mes colistiers c’est pour savoir comment ils vont, s'ils sont en bonne santé.

Comment voyez-vous la suite du confinement ?

Nous sommes en contact avec l’Agence Régionale de Santé et la préfecture, nous évitons de trop déranger les médecins pour qu’ils n’aient pas à expliquer dix fois la même chose à des interlocuteurs différents. Tous nous disent que le pic n’est pas encore là, certains évoquent le 10 avril ou le milieu du mois. La fin du confinement au 15 avril semble peu probable, d’autant plus que nous ne savons pas encore comment vont se passer les choses lors du déconfinement. Je ne crois pas à un "youpi, c’est fini, tout le monde peut sortir d’un seul coup". Je ne jette aucune pierre sur la gestion, c’est déjà compliqué comme cela au moment où nous parlons, nous sommes dans une situation totalement inédite.

La tenue d’un conseil métropolitain adapté au contexte actuel est-elle envisageable ces prochaines semaines ?

Là nous sommes en gestion de crise, nous réorientons plusieurs choses qui ne nécessitent pas de grandes délibérations. Je viens de raccrocher avec les gens du monde économique. Nous devons sortir des solutions pour la sortie de crise, économique, sociale, culturelle, cela va demander de réorienter des financements. Un conseil métropolitain pourrait se tenir fin mai sous une forme ou une autre. On attend les décrets du gouvernement pour qu’on puisse prendre certaines décisions.

Je pense que la crise qui arrive va être très forte et je ne suis pas certain que tout le monde ait ça en tête. Elle va être plus forte que la crise de 2008, l’économie c’est totalement arrêtée cette fois-ci. Les conséquences seront lourdes, elles poseront notamment la question du financement des collectivités, la nécessité d’un consensus de la part de tout le monde, du partage des solutions, de savoir comment nous allons tous orienter les choses. Elles ne seront jamais plus comme avant, l’organisation du travail a changé notamment par le télétravail. Le coronavirus ne sera pas juste une parenthèse.

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