Lyon : l'écologie au pouvoir - l'édito d'octobre

EDITO - "L’effet Greta Thunberg" est impressionnant à Lyon quand on mesure à quel point, en un an, l’urgence climatique s’est invitée dans le débat municipal.

"Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos mots vides de sens". Quand on écoute la colère de Greta Thunberg, on a parfois envie de lui dire : "Allez, arrête de faire ton ado..." Son incroyable parcours en un an, de cette grève solitaire de l’école au sommet mondial pour le climat de l’ONU, où elle est appelée à s’exprimer avant le pape François, Angela Merkel ou Emmanuel Macron, fait oublier que c’est bien ce qu’elle est, une ado, particulièrement éveillée et instrument volontaire d’une cause qui la dépasse largement. Pourquoi sa parole porte tant, alors qu’elle vient de nulle part ? Sans doute précisément pour cette raison, à une époque où la voix des responsables politiques a bien du mal à porter. Les grandes causes ont toujours besoin d’une incarnation, comme la France avait su trouver une jeune bergère pour la tirer de la guerre de cent ans et restaurer la légitimité plus qu’émoussée de sa royauté. Mais il n’aurait sans doute pas été très raisonnable de confier à Jeanne d’Arc le gouvernement de la France, comme il vaut mieux éviter d’attendre de Greta Thunberg d’être autre chose qu’une formidable lanceuse d’alerte contre notre inaction face à l’urgence climatique.

C’est bien aux politiques de prendre le relai et c’est, encore une fois, là que le bât blesse. Pointé du doigt, Emmanuel Macron n’a sans doute rien fait pour apaiser sa colère en retombant très vite dans le travers des “mots vides de sens”. Le président appelle les jeunes à cibler plutôt la Pologne, comme si la France avait déjà enclenché les mutations profondes nécessaires alors que, et ce n’est que le dernier exemple en date, les plus petites mesures de protection des riverains face aux pesticides sont ratiboisées à la demande des lobbys industriels. À Lyon, Gérard Collomb est dans la même veine quand il habille d’un vocabulaire nouveau les solutions du passé, comme le périphérique motivé désormais – défense de rire – par la nécessaire lutte contre la pollution.

"L’effet Greta Thunberg" est en tout cas impressionnant à Lyon quand on mesure à quel point, en un an, l’urgence climatique s’est invitée dans le débat municipal. Même à droite, on rivalise d’imagination et la canopée d’Étienne Blanc (LR), qui souhaite installer 500 000 plantes et arbustes pour apporter de la verdure et de l’ombre dans l’agglomération, mérite d’être étudiée. Mais c’est naturellement vers les écologistes que l’on se tourne pour entendre des propositions réellement à la hauteur des enjeux, et surtout pour voir s’ils sont capables de faire émerger une équipe municipale capable de rassembler suffisamment pour gagner et gérer une ou plusieurs villes de la métropole. À voir les difficultés de la “Génération Z” à confirmer les attentes nées de l’entretien commun accordé à Lyon Capitale le mois dernier par l’écologiste Grégory Doucet, le directeur de l’IEP Renaud Payre et, notamment, la socialiste Sandrine Runel, cela confirme qu’il n’est pas évident d’échapper aux réflexes boutiquiers des vieux appareils politiques. On attend aussi leur capacité à se saisir des sujets qui préoccupent les habitants, comme les nuisances nocturnes en centre-ville ou l’explosion des prix de l’immobilier qui a tendance à assigner tout le monde à résidence.

Pour l’instant, la meilleure chance de voir un écologiste à la mairie de Lyon serait que Gérard Collomb se convertisse pleinement à la couleur verte. Le fiasco de son opération “pots de fleurs” sur les pistes cyclables montre qu’il a encore beaucoup de chemin à faire. En l’absence d’alternative claire, il reste le favori du scrutin. Une majorité d’habitants aimeraient pourtant qu’il passe la main. Lui s’accroche à l’idée de repartir au moins pour “trois ans”, le temps de lancer des projets “pour les quinze années à venir”. Mais lorsque l’on se retire, est-on le mieux placé pour imaginer la suite ? Michel Noir et Raymond Barre lui avaient certes largement préparé le terrain pour ce qui restera comme ses deux grandes réalisations, la Confluence et les berges du Rhône. Mais ils n’avaient qu’étudié des idées et libéré des terrains, sans lier les mains de leur successeur qui gagnerait peut-être aujourd’hui à “tourner la page” pour se consacrer autrement au bien commun. Comme le conseille notre "grande gueule", Michel Lussault, "le panache, c’est aussi de savoir dire au revoir".

 

[Éditorial du mensuel Lyon Capitale n° 792 – Octobre 2019 – Actuellement en kiosques]

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