Prévue dans la loi asile portée par Gérard Collomb quand il était ministre de l’intérieur, la mise en place d’audiences en vidéo pour les réfugiés et demandeurs d’asile soulève l’inquiétude des avocats lyonnais.
"Personnellement, je suis contre", affirme un juge de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui préfère rester anonyme. « C’est une erreur de penser que de décentraliser les audiences -qui se déroulent normalement à Montreuil, Ndrl- va réduire les délais. » D’ici la fin du mois de janvier, ou le début du mois de février, Lyon et Nancy devraient mettre en place des audiences qui se déroulent via des vidéos interposées. Le réfugié se trouvera à des centaines de kilomètres du juge, et parfois de son interprète. "C’est une erreur quand on sait que beaucoup de décisions sont justement prises pendant l’audience. Cela se fait dans la spontanéité de l’échange, qui sera rendu compliqué avec la vidéo." Ce système de vidéo-audience ne s’applique qu’à quatre départements de la région. L’Ain, l’Ardèche, la Loire et le Rhône. Les demandeurs d’asile situés dans les autres départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes pourront eux continuer à bénéficier d’audiences en région parisienne.
"C’est incompréhensible"
C'est dans une petite salle située dans les étages du tribunal administratif, rue Dugesclin dans le 3e arrondissement, que se dérouleront les audiences. Les écrans sont prêts, ainsi que les chaises, à attendre les demandeurs d'asile et leur avocat. "C'est une salle minuscule. Les audiences ne pourront pas être publiques, puisque le système de visio implique que l'on doive fermer les portes pour limiter les bruits, ce qui est contraire à la loi", s'inquiète Marie-Noëlle Fréry, avocate lyonnaise spécialiste du droit de l'immigration depuis de nombreuses années. Une crainte qui s'ajoute aux multiples autres qu'elle décompte depuis la mise en place de la loi asile. "On le sait, il faut beaucoup de temps pour parvenir à obtenir la confiance des demandeurs d’asile et les rassurer. On leur explique qu’ils seront face à des juges qui vont les écouter, et que l’on peut pratiquer un huis-clos, parfois même entre époux, pour la confidentialité", constate l’avocate qui ne comprend pas pourquoi le système de visio-conférence est appliqué à un domaine aussi délicat que l’asile. "Il s’agit de personnes vulnérables, qui ont souvent subi de violentes agressions, c’est incompréhensible qu’ils soient entendus par des juges à des centaines de kilomètres, qui ne verront que la tête du demandeur d’asile, sur un écran placé à cinq mètres d’eux." Si l’avocate s’inquiète, c’est qu’elle craint aussi une réduction de la durée d’une audience. "Une audience face à un juge dure environ 1h30 ou 2h. Je ne vois pas comment en 20 ou 30 minutes prévues pour les visio-audiences le juge parviendra à rendre une décision similaire." Un premier test à été annoncé pour la mi-janvier. Les premières audiences réalisées par écrans interposées devraient avoir lieu d’ici la fin du mois de janvier ou début février. D’ici là, les avocats et magistrats lyonnais restent alertes sur cette question.