Jordan Bardella et Jean-Marc Morandini @Loris Lacroix

Lyon : le "grand barnum" de l'émission de Morandini à la Guillotière

Sous tension mercredi, le quartier de la Guillotière, sans cesse rattaché au spectre de l’insécurité, a été le théâtre de l'émission télé Face à la Rue, avec la participation du président du RN, Jordan Bardella. En présence de manifestants opposés à la tenue de l'émission, Jean-Marc Morandini a présenté un programme longuement préparé à l’avance.  

Au centre de toutes les attentions depuis plusieurs semaines, le quartier de la Guillotière a une nouvelle fois été sous le feu des projecteurs mercredi 24 novembre. Face à la Rue, la nouvelle émission de CNews, animée par Jean-Marc Morandini et avec la participation du président du Rassemblement National, Jordan Bardella, s’est déroulée sous tension dans les rues de la Guillotière. Le concept : un invité - le député RN en l’occurrence - discute avec des habitants et des commerçants dans la rue, en compagnie de l’animateur. Tout au long de la déambulation, qui a démarré depuis le Cours Gambetta avant de finir sa course place Gabriel Péri, environ 200 manifestants (selon la police), ont conspué l’élu RN et le présentateur. Une majeure partie d’entre eux ont répondu à l'appel du groupe Antifa de Lyon dans le but d’empêcher la tenue de l’émission.  

Un cortège de police entoure l'équipe de tournage. Des jets d'oeufs et de pétards ont été aperçus.

Un programme TV sous protection policière 

Les camions de CRS remplacent exceptionnellement les vendeurs à la sauvette qui campent au cœur du quartier. Depuis la semaine passée, 33 CRS sont mobilisés sur le secteur Gabriel-Péri et assurent une présence policière quotidienne sur les lieux. Loin d’être suffisant pour contenir le " comité d’accueil " réservé à l’équipe de tournage. " On remercie d’ores et déjà les forces de l’ordre qui sont venues en nombre et qui nous permettent de pouvoir faire cette émission ", explique le présentateur au moment de lancer son direct. " La population souffre ici, ce quartier est un symbole de ce que sera la France si on ne reprend pas la main. Oui il y a des zones de non droit en France et oui il faut les reconquérir ", lui répond l’élu RN, entouré d’une vingtaine de journalistes présents sur place.  

 Lire aussi :Lyon : action des "Daltons" à la Guillotière pendant l’émission de Morandini (vidéo)

Les intervenants triés et choisis 

Au programme, plusieurs rencontres de commerçants et d’habitants. Mais aussi des analyses en vrac et des commentaires pointant les actions menées depuis le tourbillon médiatique provoqué par la fermeture des enseignes McDonald’s et Casino qui, par précaution, ont fait le choix de ne plus accueillir de clients à partir d’une certaine heure. Ainsi, Jean-Marc Morandini et Jordan Bardella ont pu discuter avec des personnes triées sur le volet avant même que l’émission ne démarre. "Puisque l’émission est préparée, on a rencontré des commerçants qui ont envie de raconter ce qu’il se passe plutôt que des gens qui disent ‘casse-toi’ ", lance l’animateur. 

Jordan Bardella assure le direct avec Jean-Marc Morandini.

"On donne à Bardella un tapis rouge, et il n’a quasiment pas de contradicteurs. Cette émission c’est du pipeau. C’est du vent, et malheureusement, ce vent il porte ", Jacques, retraité et habitant de la Guillotière.


Retraité et résidant dans le quartier depuis près de 30 ans, Jacques s’est déplacé pour rencontrer Bardella et a pu prendre la parole un court instant lors du tournage de Face à la Rue. Il raconte à Lyon Capitale être passé à l’antenne pour expliquer la situation qui rythme le quartier. Mais Jacques sera finalement coupé au moment où il voulait faire part d’un sentiment. " On m’a demandé si le quartier est abandonné. Pour moi non. C’est sûr qu’il y a une dégradation ces dernières années, liée au trafic de stupéfiants et aux sans-papiers voulant se faire un peu de sous en vendant des clopes", avoue le retraité.  

Il poursuit et cible directement l’émission de télé : "CNews est en train de faire une contre-pub pas possible en tirant sur le quartier. Il y a un reportage à charge, où ils prennent deux commerçants triés par leurs soins et je ne suis pas sûr que ceux-ci ont déjà eu affaire à des faits de violences ". 

Il évoque le fait que la démarche de la chaîne n’est pas de se rapprocher de la réalité, que les intervenants sont choisis en fonction de ce qu’ils ont à dire. "On donne à Bardella un tapis rouge, et il n’a quasiment pas de contradicteurs. Cette émission c’est du pipeau. C’est du vent, et malheureusement, ce vent il porte ».  


"Tout n’est que politique ici. Dans ce quartier, il y a toujours des sans-papiers. Mais aujourd’hui ? Tout le monde a eu peur des policiers, des caméras, ça ne fait que de rajouter de la pression", un restaurateur de la Guillotière.


Plus loin, au niveau de la place Gabriel-Péri, alors que les manifestants d’extrême gauche entonnent "casse-toi Bardella", certains restaurateurs ont volontairement bloqué l’accès de leur établissement et ne font plus que du service à emporter. Souvent évoquée, la problématique des commerçants contraints d’aménager leur service par crainte de voir leur matériel dégradé a été abordée au cours de l’émission. L’un d’entre-eux, qui a requis l’anonymat, estime qu’il ne s’agit que d’une vaste campagne de communication. Avec le concours de sa femme, il devait lui aussi participer au direct mais a finalement décliné l’offre. "Moi, j’ai refusé de parler dès que j’ai su qu’il y avait un politique, explique l’homme derrière son comptoir. Tout n’est que politique ici. Dans ce quartier, il y a toujours des sans-papiers. Mais aujourd’hui ? Tout le monde a eu peur des policiers, des caméras, ça ne fait que de rajouter de la pression." 

Pendant un moment de forte tension dans le quartier, une banderole est déployée depuis le Mac Do.

Les maires du secteur dénoncent une "instrumentalisation" 

Une fois l’équipe de tournage repartie, certains passants cherchent à comprendre pourquoi un élu qui n’est pas lyonnais s’est rendu sur place. À cette question, le maire de Lyon, Grégory Doucet, ainsi que les maires du secteur, Véronique Dubois-Bertrand (le maire du 3e) et Fanny Dubot (la maire du 7e), ont tenté d’y apporter une réponse. "Cette émission a été réalisée dans le but de stigmatiser le quartier de la Guillotière et ses habitants. Le quartier de la Guillotière mérite mieux que cela. S’il connait des problématiques de tranquillité publique, ce n’est pas une 'zone de non droit'  comme certains ont pu le laisser croire depuis quelques semaines et notamment dans cette émission, encore aujourd’hui », accusent les maires. 

"Les propos de la part de cadres politiques qui visent à attiser la haine et à stigmatiser, dans une logique électoraliste, sont proprement inacceptables. Nous rappelons que cet emballement médiatique n’aide en rien les habitants du quartier. Halte à la stigmatisation et à l’instrumentalisation : la Guillotière est un territoire de notre ville avec une vie de quartier très riche, où il se passe aussi beaucoup de choses positives et auquel les habitantes et les habitants sont très attachés, à l'image de leur mobilisation de ce matin", ont-ils conclu.

Lire  aussi : Action des "Daltons" à la Guillotière pendant l’émission de Morandini (vidéo)

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