Hôtel de ville de Lyon
Hôtel de ville de Lyon © Romane Thevenot

Lyon : le rapport à l'origine des perquisitions à l'Hôtel de Ville dévoilé

Six mois après les perquisitions à l'Hôtel de Ville de Lyon dans le cadre d'une enquête pour "détournement de fonds publics par personnes dépositaires de l'autorité publique", Lyon Capitale a pu consulter la version finale du rapport de la chambre régionale des comptes à l'origine de l'ouverture de cette enquête.

Encore confidentiel, un rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes examinant la communication externe de la Ville de Lyon de 2016 à aujourd'hui, qui sera rendu public à l'occasion du conseil municipal du 26 septembre, épingle la collectivité pour sa gestion des chargés de mission auprès des adjoints au maire, Grégory Doucet. En mars, des perquisitions et des auditions avaient été menées à l'Hôtel de Ville dans le cadre d'une commission rogatoire de trois magistrats instructeurs, saisis d'une information judiciaire ouverte le 7 février 2024 par le parquet de Lyon, du chef de "détournement de fonds publics par personnes dépositaires de l'autorité publique" à la suite de la réception d'une première version de ce rapport.

Lire aussi : Perquisitions et auditions à l'Hôtel de Ville de Lyon après un signalement de la droite

Les chargés de mission "constituent en réalité des collaborateurs de cabinet" juge la CRC

"Sur la période contrôlée, durant laquelle trois maires se sont succédés, ces chargés de mission, au nombre d'une vingtaine, recrutés avec la participation des adjoints et souvent hors du cadre légal, exercent des missions correspondant à celles confiées à des collaborateurs de cabinet du maire et non pas des activités administratives", relève la CRC. Les magistrats considèrent ainsi que ces salariés "constituent en réalité des collaborateurs de cabinet et que la ville dépasse donc largement le plafond de 12 collaborateurs de cabinet que la loi lui impose".

Pour rappel, en début de mandat, les élus de droite avaient été interpellés par une délibération du 30 juillet 2020 qui fixait les effectifs de la municipalité. Une vingtaine de chargés de mission d'adjoints, notamment de la première adjointe Audrey Hénocque, n'y figuraient pas. L'opposition a alors écrit au maire pour demander les fiches de postes de ces chargés de mission, sans succès. Elle a ensuite saisi la commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir plus de précisions sur leurs prérogatives.

La Ville de Lyon "supprimera le pôle des chargés de mission thématique"

Quelques mois plus tard, par une délibération du 30 septembre 2021, le maire de Lyon, Grégory Doucet a créé une "direction de la coordination institutionnelle" pour tenter d'apporter un nouveau cadre règlementaire à ces postes situés dans un flou juridique, à la frontière entre collaborateur politique et poste administratif. A l'époque, le conseiller municipal d'opposition, Etienne Blanc avait "félicit(é)" la majorité pour cette initiative, tout en rappelant qu'elle n'apporterait pas de réponse "sur le fond", "à l'observation que nous avions faite relevant de l'interdiction pour les collectivités territoriales de constituer des cabinets au profit des maires adjoints ou des vice-présidents quand il s'agit d'une région ou d'un département".

Dans un communiqué diffusé mardi 10 septembre, avant même que le rapport ne soit rendu public, la Ville de Lyon indique de son côté qu'elle "ne partage pas l'analyse juridique de la CRC qui remet en cause l'organisation de la collectivité". Et d'ajouter : "Pour autant, pour protéger l’institution, la Ville de Lyon fait le choix de mettre en œuvre la recommandation émise par une autorité de contrôle et supprimera le pôle des chargés de mission thématique. Les agents seront redéployés et leurs missions évolueront à l’issue d’un processus de dialogue social comme pour toute réorganisation."

Une aide d'Etat illégale accordée à JCDecaux
Les magistrats de la CRC relèvent dans le rapport que la Ville de Lyon a payé "durant de longues années la facture d'électricité de JCDecaux" pour les stations Vélo'v et les panneaux d'affichage "pour un montant qui peut être estimé à au moins 172 000 € par an". Ils considèrent que cette situation a duré au moins cinq ans, présentant un préjudice d'au moins 860 000 € qui constitue par ailleurs "une aide d'Etat illégale susceptible de fausser la concurrence". En novembre 2018, Gérard Collomb "aurait pu réclamer ce remboursement au titre des cinq années précédentes" note la CRC, mais "il ressort clairement du PV des débats que le maire de Lyon alors en fonctions n'a pas souhaité que JCDecaux rembourse l'électricité fournie gratuitement au cours des années antérieures".

Cette ambiguïté entre collaborateur politique et personnel administratif au service de la collectivité fait l'objet d'investigations à la région Auvergne-Rhône-Alpes, dirigée anciennement par Laurent Wauquiez (LR), menées par le parquet national financier (PNF). La région Île-de-France avait également été perquisitionnée en 2020 dans le cadre d'une enquête pour détournement de fonds publics suite à un signalement de la CRC qui pointait du doigt le trop grand nombre de collaborateurs politiques (25 au lieu de 13) employés par la Région.

Des dépenses de communication en légère baisse

Les magistrats ont également noté d'autres irrégularités liées à la stratégie de communication de la collectivité. La Ville de Lyon a ainsi "souvent omis de vérifier que les conditions juridiques étaient réunies avant d'acheter sans publicité ni mise en concurrence des insertions, espaces et annonces publicitaires, notamment dans les journaux", indiquent-ils. Bon point pour l'exécutif écologiste néanmoins, la CRC relève qu'aucune stratégie de communication n'avait été formalisée avant leur arrivée au pouvoir en 2020 et la mise en place d'un nouveau plan, formalisé en 2022. La CRC préconise toutefois de présenter cette stratégie au conseil municipal.

Selon l'analyse de la chambre, l'ensemble des dépenses de communication au sens large représente 10,35 millions d'euros en 2022, soit 19,8 euros par habitant. La légère hausse de 2% des dépenses de communication constatée entre 2018 et 2022 est inférieure à l'inflation, qui s'élève à 8,2% sur la même période. "Cette quasi stabilité résulte d'une hausse de 10% des dépenses des autres directions, conjuguée à une baisse des dépenses des directions de la communication (- 6 %) et du protocole (- 1 %)", concluent les magistrats.

Lire aussi : Des perquisitions menées pour des soupçons d’emplois fictifs autour de Wauquiez

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