Ce 3 septembre 2019, Lyon fête le 75e anniversaire de sa libération. Face à la barbarie nazie, certains ont refusé d'abdiquer. Comment Lyon a été libéré ?
L'année 1944 marque un tournant pour les Lyonnais. Ils doivent se méfier des Allemands, mais aussi de certains compatriotes. Fin 1943, Paul Touvier devient chef de la milice. Il se spécialise dans les rafles et les pillages. Les biens des Juifs arrêtés sont automatiquement partagés entre lui et ses hommes.
Le 21 juin 1943, l’arrestation de Jean Moulin à Caluire avait porté un coup important à la Résistance. En mars 1944, des membres du MUR (Mouvements unis de la Résistance) sont appréhendés à leur tour. Le 15 mars, Philippe Henriot, ministre de la Propagande et de l’Information, contribue malgré lui à l’expression “Lyon, capitale de la résistance” : “Et maintenant, ricanez, messieurs les membres de la Résistance, messieurs les chefs de bande, messieurs les communistes, ricanez, mais vite. Car le temps vous est mesuré... Votre capitale, Lyon, vient de voir se poser, sur la patiente fourmilière du crime bolcheviste et du désordre rouge, le talon de Joseph Darnand. La Milice et les forces du maintien de l’ordre ont vengé leurs morts, non pas en assassinant, mais en mettant la main sur votre état-major, sur vos dossiers, sur vos explosifs, sur vos armes. Vos plans sont entre nos mains. Des monceaux de documents...”
Un soutien de l’intérieur
Menacée de toutes parts, la résistance lyonnaise va recevoir un soutien de premier ordre. Le préfet Angeli est remplacé par Édouard Bonnefoy. De l’intérieur, celui-ci va entretenir des contacts avec la résistance, ce qui le mènera rapidement à sa perte. Arrêté par la Gestapo en mai 1944, il est déporté à Neuegamme où il trouve la mort. Un autre événement va ruiner le moral des combattants : le 26 mai 1944, un bombardement allié ravage la ville, tuant au moins 700 personnes et faisant 1 000 blessés.
L’espoir face à la barbarie
L’espoir va renaître le 6 juin avec le débarquement de Normandie, avant de retomber en juillet avec le massacre du Vercors, où 600 résistants et 200 civils sont tués par les Allemands, arrivés en planeurs. Le 28 juin, Philippe Henriot est exécuté à Paris par la Résistance. Touvier décide de le venger le lendemain en faisant fusiller sept commerçants juifs à Rillieux-la-Pape.
Les alliés avancent inexorablement vers le Sud. Lyon est encore loin d'être libérée et la Résistance ne lâche pas sa pression sur l'occupant nazi. Le 26 juillet 1944, une bombe artisanale explose au café du Moulin à vent, place Bellecour. L'établissement accueillait régulièrement des officiers allemands, ainsi que des membres de la Gestapo dont le siège est alors situé au 32 de la même place (à proximité de là où l'on retrouve aujourd'hui une autre bâche publicitaire...).
Les dégâts de l'attentat sont purement matériels, mais les Allemands veulent faire un exemple et soumettre à nouveau une ville qui a repris espoir. Le 27 juillet, ils se rendent place Bellecour avec cinq prisonniers connus pour des faits de résistances : Albert Chambonnet, Gilbert Dru, Léon Pfeffer, René Bernard, Francis Chirat. Les cinq hommes sont fusillés publiquement. Dernier a être exécuté, Albert Chambonnet meurt en hurlant "Vive de Gaulle, vive la France !". Les corps sont abandonnés sur place comme un avertissement envoyé à la population.
Le drapeau français de retour
En août, le débarquement de Provence envoie un nouveau signal fort. Le régime est proche de la fin. Face à l’avancée des alliés, les nazis lancent les représailles sur des otages. Les prisonniers de Montluc sont fusillés à Lyon, Bron, Saint-Genis-Laval, Bellecour et dans plus d’une trentaine de localités. La Résistance projette de libérer Lyon, en vain.
Du 24 au 26 août, des combats éclatent à Villeurbanne. Les Allemands abandonnent la prison de Montluc et se concentrent sur le reste de Lyon. Dans la nuit du 1er au 2 septembre, les forces françaises de l’intérieur (FFI) capturent la préfecture et l’hôtel de ville. Le drapeau français flotte de nouveau sur la façade. Le même jour, les Allemands fuient la ville sans réellement combattre, mais prennent bien soin de faire exploser les principaux ponts. La Presqu’île reste coupée du monde quelques heures. Seuls la passerelle Saint-Vincent et le pont de l’Homme-de-la-Roche n’ont pas été détruits par les nazis, et ils ne suffisent pas à maintenir un accès correct.
Lyon libéré
Lyon est enfin libéré le 3 septembre, par la 1re division blindée française, la 1re division française libre, les Forces françaises de l'intérieur, les Francs-Tireurs et Partisans (FTP) et l’infanterie américaine. Les soldats issus des colonies sont majoritaires dans les rangs français. Lyon doit son salut à ces hommes sans attaches avec cette ville et qui pourtant sont venus à son secours.
Klaus Barbie est déjà loin (il ne sera arrêté qu’en 1983, condamné en 1987 à la réclusion à perpétuité pour crime contre l’humanité, et mourra en 1991). Paul Touvier s'enfuit également, protégé pendant de longues années par son réseau catholique intégriste (il est condamné en 1994, meurt en 1996).
Dans une ville qui redécouvre la liberté, Yves Farge est nommé commissaire de la République et Justin Godart maire provisoire. Le 4 septembre, le pont de la Guillotière est réparé provisoirement avec une structure métallique. Des ouvrages en bois fleurissent un peu partout pour que Lyon recouvre une vie normale. De 1944 à 1950, les infrastructures seront reconstruites sur le Rhône et la Saône (à l’exception du pont d’Ainay, jamais rebâti). Mais d’autres cicatrices, moins visibles, ne sont pas près de se refermer.