Le siège de Sanofi Pasteur, à Lyon
Le siège de Sanofi Pasteur, à Lyon © Antoine Merlet

Lyon : pour refaire son retard sur l'ARN messager, Sanofi investit massivement en France

Déterminé à redorer son blason et celui de la France, après l’échec des laboratoires français à développer un vaccin anti-covid dans un délai relativement court à l’instar de Pfizer et Moderna, Sanofi affiche depuis plusieurs mois de grandes ambitions sur l’ARN messager. Après le rachat du spécialiste américain de cette technologie en septembre, le groupe français installé à Lyon a annoncé lundi un nouvel investissement de 1,5 milliard d’euros en France sur l’ARNm. 

Piqué à vif après son échec à développer un vaccin contre le Covid-19 dans un délai relativement cours à l’instar de ses concurrents Pfizer et Moderna, qui ont inondé le marché avec leurs vaccins à ARN messager (ARNm) afin de protéger la population mondiale, Sanofi essaye depuis de combler son retard. Pour le géant pharmaceutique français, cela ne passera pas par le développement d’un vaccin anti-covid utilisant l’ARNm, le groupe installé à Lyon ayant abandonné son projet en cours, estimant qu’il arriverait trop tard et préférant donc commercialiser un vaccin plus classique, qui attend désormais son autorisation. 

Lire aussi :Lyon : avec près d’un an de retard, Sanofi tient son vaccin anti-Covid et va demander son autorisation

Pour effacer le "traumatisme national qu'a été cette course aux vaccins", comme l’a appelé lundi 7 mars le Premier ministre Jean-Castex, en visite sur un site de production de Sanofi situé à Neuville-sur-Saône, l’entreprise ambitionne désormais de devenir une référence mondiale sur l’ARN messager en développant d’autres vaccins à partir de cette technologie. La première pierre de ce nouveau projet a été posée au mois de septembre lors du rachat par Sanofi du spécialiste américain de l’ARN messager Translate Bio, pour 3,2 milliards de dollars. 

Développer 6 candidats vaccins à ARN messager d'ici 2025

Lors de l’annonce de ce rachat, Paul Hudson, le directeur général de Sanofi, confiait alors "libérer le potentiel de l’ARN messager dans d’autres domaines stratégiques, comme l’immunologie, l’oncologie et les maladies rares, en plus des vaccins". Jusqu’ici restée discrète sur le nom des maladies qu’elle cible, l’entreprise n’a pas été beaucoup plus transparente ce lundi, si ce n’est qu’elle a dévoilé son ambition de développer six candidats vaccins à ARN messager d'ici à 2025, qui seront ciblés sur les maladies infectieuses et émergentes. En juin 2021, le groupe avait toutefois déjà révélé avoir lancé de premiers essais avec Translate Bio pour un vaccin contre la grippe saisonnière.


"Libérer le potentiel de l’ARN messager dans d’autres domaines stratégiques, comme l’immunologie, l’oncologie et les maladies rares, en plus des vaccins", Paul Hudson, le directeur général de Sanofi


L’annonce ce lundi 7 mars sur le site du groupe à Neuville-sur-Saône, devant Jean Castex et Olivier Véran, le ministre de la Santé, d’investir 1,5 milliard d’euros pour développer la technologie novatrice de l'ARN messager en France s’inscrit donc dans ce virage majeur amorcé il y a plusieurs mois par le laboratoire. "935 millions d’euros de cette enveloppe seront utilisés entre 2022 et 2026", selon M. Castex, qui a profité de sa visite à Neuville pour poser la première pierre d'une nouvelle unité de production dont la construction avait été annoncée par Emmanuel Macron en juin 2020. À terme, ce nouveau site devrait permettre la production de "3 ou 4" vaccins "simultanément", s’est félicité le Premier ministre, qui a également précisé que "ce sont 200 nouveaux emplois qui vont être créés sur le site qui viennent s'ajouter aux 130 du centre d'excellence" de Marcy-l’Etoile.


"Ce sont 200 nouveaux emplois qui vont être créés sur le site [de Neuville-sur-Saône, Ndlr] qui viennent s'ajouter aux 130 du centre d'excellence [de Marcy-l’Etoile, Ndlr]", Jean Castex, Premier ministre


À l’inverse d’un vaccin classique, qui utilise une version affaiblie ou neutralisée d'un virus, la technologie de l'ARN messager introduit directement dans les cellules du corps une séquence de génome pour qu'elles génèrent les anticorps destinés à reconnaître le virus et l’éliminer. Les promesses de cette technologie sont donc très vastes alors que l’ARNm pourrait être utilisé pour répondre à une immense gamme de maladies, qui vont du sida à plusieurs types de cancer. L’Allemand BioNTech a ainsi annoncé travailler à un vaccin contre la malaria.

Assurer "l'indépendance" médicale de la France

En accélérant son investissement en France, Sanofi souhaite créer dans l’hexagone toute la chaîne de valeur nécessaire à la création d’un vaccin à ARN messager. Interrogé par  l’AFP, Olivier Bogillot, le président France du groupe, a notamment précisé que "l'idée est de créer un écosystème", évoquant notamment la production de nanoparticules lipidiques, ces éléments essentiels aux vaccins à ARN, pour lesquels il n'existe aucun producteur en France à l'heure actuelle. Derrière tout cela, l’idée est de permettre à la France et à l’Europe d’obtenir une certaine indépendance sur cette technologie "il est important de pouvoir avoir sur le sol français et européen des capacités de production de A à Z sur l'ARN messager", fait valoir M. Bogillo. 


"Il est important de pouvoir avoir sur le sol français et européen des capacités de production de A à Z sur l'ARN messager",  Olivier Bogillot, le président France du groupe Sanofi


Un projet d’ampleur qui doit donc permettre d’effacer le camouflet vécu par le pays de Pasteur et qui a vu la France se retrouver dans une situation de dépendance, sur le plan de la vaccination, depuis le début de la crise du Covid-19. "Nous avons pris des dispositions pour que cela ne se reproduise plus", car "c'est une épée de Damoclès pour notre indépendance médicale et notre souveraineté", a assuré M. Castex. La recherche et l'innovation en matière de maladies infectieuses font ainsi l'objet d'un investissement de 750 millions d’euros au niveau national dans le cadre du plan France 2030, avec une "stratégie qui porte sur l'ensemble de la chaîne de valeur", a ajouté le Premier ministre. 

De son côté, Sanofi sait le poids des responsabilités qui pèse sur ses épaules et souhaite désormais passer de dernier de la grille de départ, à la pole posiiton mondiale dans le secteur de l’ARN messager afin d’assurer à la France une indépendance dans le développement de vaccins.

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