Lyon : procès Preynat reporté, la justice tranche pour un compromis

Le procès de Bernard Preynat a été décalé à mardi par la justice lyonnaise. Un accommodement raisonnable pour les différents acteurs, alors que les avocats, en grève contre la réforme des retraites, demandaient le report total du procès, qui devrait avoir lieu jusqu’à vendredi.

Toute grève confronte intérêts collectifs et particuliers. La justice n'y fait pas exception. Ce lundi matin, le procès Preynat a été reporté à mardi 9h30, à la demande des avocats, en grève contre la réforme des retraites. Une satisfaction pour Serge Deygas, bâtonnier du barreau de Lyon. “Je suis heureux que nous ayons été entendus par le tribunal, car le modèle français de la profession d’avocat est menacé. À Lyon, 25 % gagnent moins de 25 000 euros par an. Si leurs cotisations doublent, comme le veut la réforme, ils ne pourront plus travailler et devront changer de métier”, a-t-il déclaré.

“Pas de cas spécial”

Quelques instants plus tôt, dans la même pièce que celle du procès du cardinal Barbarin, Me Deygas, accompagné de membres du barreau, s'était présenté devant la juge Anne-Sophie Martinet pour demander le report total de l’audience. À l’extérieur, dans la salle des pas perdus, plus d’une centaine d’avocats lyonnais sont réunis. Depuis les étages du bâtiment, des chants résonnent contre la réforme. Sur les balcons, des robes d’avocats suspendues dans le vide, au-dessus d’un SOS formé par des codes juridiques. “Avec cette réforme, les cabinets les plus modestes, qui composent l'essentiel des barreaux français et travaillent avec les personnes les plus fragiles, sont menacés. À travers cette réforme, c'est donc l'accès au droit et l'assistance des plus démunis que nous défendons”, plaide le représentant des avocats lyonnais devant les magistrats. Puis il ajoute : “Nous avons conscience que ce procès est très important et qu'un report serait douloureux pour les victimes. Néanmoins, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de faire un cas spécial.”

Chez ses confrères des parties civiles, les positions ne sont pas tranchées. Certains veulent un report total, à l'image d'Emmanuelle Haziza : “La profession est en danger. Si l’on ne reporte pas, les parties civiles n'auront pas d’avocats dans le futur.” D'autres demandent seulement un report à mardi. “Nous avons conscience que ce mouvement est sans précédent, avec des revendications justes et légitimes. Mais nous sommes aussi avocats de victimes. C’est pour ça que l’on demande le renvoi à demain. Cela permettra de respecter le droit de grève en gardant à l'esprit l’intérêt de nos clients”, propose maître Nadia Debbache.

“Pas à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre de la justice”

L'intérêt collectif se heurte ici aussi à celui des victimes. Une majorité déclarent comprendre leurs avocats mais souhaiter que le procès ait lieu même contre l'avis de leur défense. “Ces débats percutent un peu fort des parcours de vie profondément marqués”, explique François Devaux, victime de Bernard Preynat et fondateur de La Parole Libérée. “Je suis incapable de me positionner sur le fondement de cette grève, poursuit-il. Mais tout ça ne semble pas à la hauteur de ce qu'on pourrait attendre de la justice. Il est temps que les choses soient tranchées par un tribunal.” D'autres, comme Pierre-Emmanuel Germain-Thill, assurent leur soutien au mouvement en s'offrant même une tribune plus politique – “C’est le procès de ma vie, malheureusement notre pays vit un drame avec l’élection d'Emmanuel Macron, donc je soutiens ce mouvement” – tout en concédant vouloir que le procès ait lieu au plus vite.

Le procès menacé aussi mardi ?

Le ministère public a demandé le maintien du procès immédiatement. Les juges, après un délibéré de plus de trente minutes, ont finalement opté pour un report à mardi, ce que le calendrier permet. “Contrairement au premier procès Barbarin, la justice a fait le choix d'audiencer sur une durée exceptionnellement longue. Ce choix du symbolique et non du radical est donc raisonnable. Le procès aurait été déplacé dans plusieurs mois, alors que les victimes portent depuis de très nombreuses années des faits sur leurs épaules et une situation médiatique qui les impacte beaucoup”, souligne Me Boudot, avocat d'une des parties civiles, évoquant par ailleurs “le risque terrible d'avoir une extinction naturelle de l'action publique en cas de mort de Bernard Preynat, dont la santé est fragile”.

Du côté de la défense de Bernard Preynat, maître Frédéric Doyez se dit “écartelé entre deux positions : les intérêts d'une profession, ma profession, aujourd'hui menacée [et] la défense d'individus qui ont le droit d'être défendus. (...) J'ai tranché en écoutant l'avis des victimes. Je ne veux pas qu'il soit dit que ce dossier a été renvoyé à la demande de Bernard Preynat. C'est pour cela que je pense que ce procès pourrait commencer demain”. Bernard Preynat a quant à lui exprimé son “désir que ce procès ait lieu le plus vite possible”. “Ça fait cinq ans que la procédure a commencé. J'ai entendu la souffrance des victimes envers lesquelles je suis coupable et qu'elles désirent que ce procès ait lieu le plus vite possible”, a déclaré l'ancien prêtre de Sainte-Foy-lès-Lyon.

Mardi, l'audience reprendra à 9h30. Une réunion importante doit avoir lieu aujourd'hui entre le Conseil de l'ordre du barreau et la ministre de la Justice. Si elle n'aboutit pas sur des garanties pour les avocats, le mouvement de grève devrait se durcir. La juge a exclu tout nouveau report du procès. Mais une audience peut-elle avoir lieu sans avocats ? “Ce serait très difficile, surtout pour un procès comme celui-ci”, estime Serge Deygas.

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