Ce mardi 13 juillet, le préfet du Rhône, le procureur de la République, le maire de Lyon et le directeur général de la sécurité publique ont présenté leurs réponses face à l'intensification des rodéos urbains, à Lyon et dans les communes voisines.
Dans le hangar de la fourrière de Lyon, rue Pierre Sémard, neuf motocross sont alignées devant le local de service. Situé à quelques pas de Jean Macé, dans le 7e arrondissement, le bâtiment renferme une quinzaine des engins confisqués lors des interpellations de rodéos urbains. Très colorés, les deux-roues font face à des plus petit cylindres, ainsi qu'à deux voitures, également retirées durant les interventions des forces de l'ordre.
Dangereux pour les piétons et autres usagers de la route, responsables de nuisances sonores, les rodéos urbains prolifèrent depuis plusieurs années dans la métropole. Le préfet du Rhône, Pascal Mailhos, nie la responsabilité des élus et de l'ensemble des services publics dans la multiplication des délits: "Ce n'est pas un phénomène lyonnais !", a-t-il assené en visitant la fourrière mardi 13 juillet. Il était accompagné par le maire de Lyon, Grégory Doucet, par le procureur de la République Nicolas Jacquet et par le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Nelson Bouard. Entourés par les forces de l'ordre, ils ont exposé leur coopération dans la lutte contre les rodéos urbains.
"Pour quelques secondes de gloire sur les réseaux sociaux, passer une année en prison, c'est cher payé !", Grégory Doucet
Un phénomène de plus en plus intense à Lyon
Selon la direction départementale de la sécurité publique, le rodéo urbain est motivé par trois différentes raisons: pour "provoquer la police", "faire diversion au moment-même des interventions pour des trafics de stupéfiants, ou pour être médiatisé sur les réseaux sociaux. Nelson Bouard invoque des cas qui reviennent régulièrement: des conducteurs dont la motocross n'est pas assurée, qui n'ont pas de permis, ou dont les véhicules sont immatriculés à l'étranger. Quant aux profils, il parle d'individus souvent jeunes majeurs ou adolescents. "Il y a quelques semaines, un mineur a été mis en cause pour cinquante faits de rodéos", confie-t-il.
"Pour quelques secondes de gloire sur les réseaux sociaux, passer une année en prison, c'est cher payé !", déclare le maire. En effet, pour les auteurs des délits, la peine pénitentiaire est régulièrement prononcée. Les rodéos urbains, qui se sont multipliés au printemps, notamment sur la place Bellecour et devant l'Hôtel de Ville sous les fenêtres de Grégory Doucet, ne sont plus isolés dans des quartiers excentrés. D'après Nelson Bouard, c'est parce que cela apporte une visibilité supplémentaire sur les réseaux sociaux de faire des acrobaties dans un lieu connu du public.
"C'est une politique qui est justifiée par la gravité et les risques que cela fait encourir à la population", Nicolas Jacquet
Face aux rodéos urbains, le corps policier et la justice s'associent
La police est au premier plan de ces opérations. Le préfet du Rhône, Pascal Mailhos, affirme que 144 policiers ont été rajoutés dans le cadre des rodéos, soit une augmentation de 9% des effectifs. Une centaine d'enquêtes ont été lancées en 2021. Une coopération qui parait effective entre la police et le parquet de Lyon.
Sur ces 100 enquêtes ouvertes, 55 auteurs des délits ont été identifiés. 26 sont comparus devant le tribunal, avec une vingtaine de peines d'emprisonnement, dont 16 peines fermes. Le nombre de comparutions augmente chaque année, en lien avec la recrudescence des rodéos urbains: 26 en 2021 contre 23 en 2020 et 9 en 2019. La loi d'août 2018 prévoit un an d'emprisonnement et 15 000€ d'amendes pour délits de rodéos urbains, qui "compromettent la sécurité des usagers de la route" ou "troublent la tranquillité publique".
"C'est une politique qui est justifiée par la gravité et les risques que cela fait encourir à la population", explique le procureur de la République, Nicolas Jacquet. Les enquêtes lancées concernent également les incitateurs aux délits de rodéo, notamment sur les réseaux sociaux, ou ceux qui prêtent leur véhicule en conscience de la situation. Pour ces incitateurs, la peine encourue est plus forte, avec deux ans d'emprisonnement.
Quant aux véhicules, leur confiscation est inscrite dans la loi de 2018, qui entraine une logique de saisie systématique. Ils sont conservés dans la fourrière, le temps de retrouver le propriétaire, si l'engin est volé. Ils ont ensuite détruits dans une casse automobile, comme prévu dans la législation.
La mairie contrainte de se justifier
"La réaction de nos services est extrêmement ferme", affirme Grégory Doucet. Les faits de rodéos ont été de plus en plus remarqués ces derniers mois, et le maire est critiqué par ses opposants, accusé de laissez-faire dans la régulation de ces épisodes réguliers. Interrogé sur les dispositifs mis en place pour y pallier, il invoque une politique de prévention plus générale sur la délinquance, pas de plan spécifique contre le rodéo urbain.
L'un des reproches qui revient le plus souvent est le fait que les interpellations n'aient pas lieu directement au moment des faits. Le Directeur départemental de la sécurité publique explique ce décalage par la dangerosité de l'intervention, à la fois pour les piétons aux alentours, les autres véhicules, mais aussi pour les policiers eux-mêmes. Nelson Bouard était présent lors d'une opération vendredi 9 juillet, à Rillieux-la-Pape et à Vaulx-en-Velin, et a été témoin d'un délit. "Nous étions à quelques mètres, mais nous ne l'avons pas interpellé car on risquait un suraccident".
"Le temps ne fait rien à l'affaire", assure Grégory Doucet, même si l'interpellation intervient régulièrement deux ou trois mois après les faits. Pourtant, sur les cent enquêtes ouvertes depuis le début de l'année 2021, un auteur de rodéo urbain sur deux n'a pas encore été identifié. Grâce au groupe intercommunal, monté pour pouvoir identifier les suspects par la mise en commun des différents centres de supervision urbaine (CSU), le maire "espère pouvoir éteindre le phénomène". Ce maillage entre les communes est la réponse à la multiplication des délits entre villes voisines: durant les trois dernières semaines, des interpellations ont eu lieu à Lyon 1, Saint-Fons, Décines-Charpieu, Vénissieux, Villeurbanne...
C'est déjà ce que déclarait le maire à Lyon Capitale en mai dernier: suite à l'intensification des délits - et notamment aux rodéos de la place Bellecour, il indiquait user des dispositifs de vidéosurveillance et ne pas interpeller directement les conducteurs pour des raisons de sécurité. "Lyon n'est pas la seule ville qui souffre de ces nouvelles pratiques", insistait-il déjà. La "cellule anti-rodéo" mentionnée par l'adjoint du maire, Mohamed Chihi, en en septembre 2020 semble avoir été abandonnée pour laisser place à une coopération intercommunale.
Lire aussi: Métropole de Lyon : rodéo urbain à Saint-Fons, le conducteur relaxé
Trois questions au procureur de la République de Lyon, Nicolas Jacquet
Lyon Capitale: Quelle est votre politique pénale, en matière de rodéo urbain ?
Nicolas Jacquet: La réponse pénale de la justice: les 55 personnes qui ont commis des délits de rodéo urbain ont toutes été déférées, mineurs ou majeurs. C'est la politique du parquet.
Un sondage Ifop-Fiducial, réalisé pour Sud Radio et le Journal du Dimanche, montre que 81% des Français pensent que la justice est trop laxiste. C'est 4 points de pourcentage supplémentaires par rapport à 2017.Pensez-vous que cette affirmation soit justifiée ?
Le sujet des rodéos montre bien que la justice n'est pas éloignée des réalités. Loin des clichés, elle est réactive, ferme et déterminée. Je pense que la communication doit être mieux faite et plus forte, mais la justice est très impliquée.
Quelle est la procédure, si l'engin utilisé pour le rodéo n'est pas immatriculé, ou a été volé ?
Si le propriétaire de la moto n'est pas identifié, elle est confisquée puis détruite. Toutes les autres sont vouées à la destruction. Si on parvient à retrouver le propriétaire, elle lui est rendue*.
* "Si le propriétaire est en règle, ce qui n'est pas toujours le cas'", précise le Directeur départemental de la sécurité publique, Nelson Bouard.
Et les "rodéos ordinaires" sur les avenues et boulevard de Lyon ? C'est pour quand qu'ils s'y attaquent ? 🙂
Marrant de voir que "la solution d'un Etat intelligent" soit de détruire ces engins... mais de laisser d'autres identiques et neufs, à la vente ! 😀
Abo. Vite sur le terrain !
Neufs, anciens, propriétaire en règle ou pas cette infraction doit conduire ces engins à la presse assortie d'une amende équivalente au prix de la machine. La récidive doit être sanctionnée par une peine de prison ferme.