Lyon Saint-Nizier : le parvis de la colère

Plusieurs associations dénoncent les "mensonges" de la métropole de Lyon qui a fait passer "en catimini" le projet de réaménagement de la place Saint-Nizier. La métropole dément.

"Scandaleux", "honteux", "aberrant", "fallacieux", "mensonger" … Les remontrances et les critiques à l'égard des élus de la métropole pleuvent comme à Gravelotte. La querelle a éclaté, il y a quelques mois, entre certaines associations de défense du patrimoine et la métropole de Lyon au sujet du réaménagement de la place Saint-Nizier. Elle a aujourd'hui pris des allures de guerre de tranchées, précisément depuis que les travaux ont commencé sur la place. À cheval entre le 1er et le 2e arrondissement de Lyon, articulation entre les rues de Brest et Paul Chenavard, la place porte le nom de l'église qui est devant, "l'une des plus anciennes (...) de Lyon" a écrit Hervé Chopin, du laboratoire "Archéométrie et archéologie" de l'université de Lyon 2, attestant que l'édifice est attesté dès le Haut Moyen-Âge ("la basilique aurait été construite par saint Eucher au Ve siècle") mais dont les fondations actuelles remontent très probablement à 1306.

"Absence de concertation"

Dans le cadre de son grand projet "Les Terrasses de la Presqu'Ile" – nouvelle étape de la transformation plus générale des rives de Saône, entamée en 2009 –, la métropole de Lyon réaménage deux hectares en plein-centre ville, sur plus d'un kilomètre, de la place d'Albon au pont Maréchal Juin et à l'emplacement de l'ancien parking Saint-Antoine. Au programme, notamment, la transformation complète de la place Saint-Nizier : 2 200 mètres carrés réaménagés, la mise en place de bancs, d'arbres remarquables, une réduction de la vitesse et, au final, les 3/4 de la future place dédiée aux piétons ; place qui deviendra, selon la dernière communication en date de la métropole, "le nouveau parvis de l'église". « Parvis », le mot est lâché. Celui-là même qui cristallise toutes les attentions et les jérémiades. "Comment peut-on décemment parler de parvis lorsque le projet de la métropole consiste à implanter un carrefour à moins de six mètres du porche de l'église, à rabattre contre la façade de cette même église la circulation des véhicules se dirigeant vers la Saône et à réduire d'un mètre au droit du porche la largeur du trottoir-/parvis actuel déjà trop étroit ?" désapprouve Bernard Colombaud, président du Comité d'intérêt local (CIL) de la Presqu'Ile.

Le CIL, à l'instar de l'association Les Amis de l'église Saint-Nizier, sont entrés en conflit ouvert avec la métropole. Ils sont aujourd'hui soutenus par plusieurs personnalités qui ont oeuvré au dossier d'inscription de Lyon au patrimoine mondial de l'Unesco, ainsi que plusieurs associations comme Renaissance du Vieux-Lyon, Patrimoine Rhônalpin ou la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France. "Nous regrettons l'absence de concertation sur le projet" déplore Philippe Jaeger, président des Amis de l'église Saint-Nizier.

"Un projet sorti du chapeau"

Réponse du berger à la bergère : "ce projet, tout le monde semble le découvrir alors qu'il a été présenté sous le mandat précédent !" s'étonne Michel Le Faou, adjoint au maire de Lyon et vice-président à la métropole chargé de l'urbanisme. "À l'époque, lors de la concertation de 2012 – et je peux vous dire qu'on a fait un nombre incalculable de réunions –personne n'a présenté de projet alternatif au nôtre. Ils sortent de leur chapeau un projet au dernier moment, c'est un peu facile." "Il n'y a jamais eu de concertation ! répond, furieux, Bernard Columbaud. La métropole a passé le projet en catimini, en cachant des choses aux Lyonnais. C'est du pur mensonge. Quand ils ont présenté le projet des "Terrasses de la Presqu'Ile", ils n'ont absolument pas parlé du projet spécifique de Saint-Nizier. On a dû faire appel à un avocat pour avoir accès aux documents !"

Élections et arbitrages entre Kimelfeld et Collomb ?

Humbert de Rivaz, urbaniste et architecte en remet une couche. "Je pense qu'il y a eu une confusion de notion : la métropole de Lyon a fait une information pas une concertation". Cet ancien haut responsable de l'Unité départementale de l’architecture et du patrimoine ajoute : "le projet actuel a été conçu sans l'église. Il apparaît inapproprié tant du point de vue de la sécurité que de l'agrément de vie ainsi que de son identité."

Le projet des associations – aujourd'hui signé par plus de 5 600 Lyonnais – donne la priorité à un parvis demi-circulaire protégé par des bornes en pierre "permettant un recul suffisant pour admirer la façade". "Pour imaginer ce projet, nous nous sommes inspirés des esquisses réalisées dans les années 1990/1995 par feu Jean-Gabriel Mortamet, talentueux architecte des monuments historiques" expliquent les opposants à la métropole.

Pour Michel Le Faou, qui "supervise" le projet à la métropole, "l'église Saint-Nizier n'a jamais été dotée d'un parvis demi-circulaire dans le passé. Le projet des associations est une vision fonctionnaliste qui n'a aucun fondement à caractère patrimonial et historique." Humbert de Rivaz revient à la charge : " il ne s'agit pas d'argumenter à partir de l'archéologie de la rotonde Renaissance, mas de tirer profit de la forme spatiale remarquable du porche pour dessiner au sol la courbe d'un indispensable espace de convivialité. La place Saint-Nizier ne doit pas être une simple excroissance de l’aménagement."

"On n'allait pas arrêter tous les travaux, tout suspendre et relancer un cycle complet d'études !" tranche Michel Le Faou.

Les opposants au projet de la métropole en sont persuadés : si la métropole n'a pas voulu stopper les travaux, c'est qu'il y a des échéances électorales. "Il y a eu un arbitrage entre David Kimelfeld, à la métropole et Gérard Collomb à la ville de Lyon, avec Michel Le Faou au milieu, assure Bernard Columbaud du CIL Presqu'Ile. David Kimelfeld me l'a dit : il était plutôt favorable à l'arrêt des travaux mais il ne voulait pas entrer en conflit avec Gérard Collomb."

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