Christophe Lécuyer, chercheur au Laboratoire de Géologie de Lyon, est le seul français à participer à l'étude internationale sur la teneur en oxygène de l'atmosphère terrestre il y a 800 millions d'années. Leur dernière découverte révèle une teneur bien plus élevée que celle déterminée par les scientifiques et pose la question des formes de vie qu'il y avait sur Terre dans ces temps anciens.
Bien avant la naissance des dinosaures, il y a 230 millions d'années, quel type de vie pouvait-il bien y avoir sur Terre ? Jusqu'ici, les études effectuées sur la quantité d'oxygène dans l'atmosphère terrestre il y a 800 millions d'années correspondaient à des estimations indirectes. En mesurant le taux d'oxydation de certains éléments chimiques sur des roches sédimentaires, les scientifiques avaient estimés que la teneur d'oxygène dans l'atmosphère à cette période était d'environ 2%. L'étude internationale dont fait partie le chercheur de l'Université Claude Bernard montre qu'en réalité, cette dernière était composée à 10 ou 11 % d'oxygène, soit une teneur cinq fois supérieure. "Le fait que l'atmosphère ait été plus riche en oxygène pose la question des formes de vie qu'il y avait sur Terre" explique Christophe Lécuyer. "Il y a celles qui produisent de l'oxygène et celles qui en consomment. Il y aussi certaines bactéries qui utilisent comme source d'oxygène les sulfates de l'eau de mer et qui n'ont pas besoin de consommer directement l'oxygène terrestre. Ce que cela implique, c'est que pour ces périodes déjà anciennes, il y avait des mécanismes capables de produire de l'oxygène. Certainement des êtres vivants, mais peut-être aussi d'autres types de réaction comme la photodissociation de l'eau dans la haute atmosphère ou d'autres mécanismes qui faisaient que la consommation de cet oxygène n'était pas équivalente, et que donc l'oxygène a pu finir par s'accumuler."
Réaliser la première courbe d'évolution de l'oxygène dans l'atmosphère
Le projet de l'équipe internationale portée par des chercheurs canadiens et composée également de chercheurs américains, anglais et chinois, ne compte pas s'arrêter là. Pour la revue scientifique internationale "Nature", l'équipe a assemblé un ensemble de mesure plus importantes pour proposer la première courbe d'évolution de l'oxygène de l'atmosphère terrestre à partir de cette même technique. La technique en question consiste a analyser les concentrations en dioxygène, diazote et argon de fluides primaires préservés dans des dépôts de halite en Australie. Ces mesures effectuées par spectrométrie de masse ont été comparées à celles de ces mêmes gaz, datant cette fois d'il y a 6 millions d'années environ et prélevés dans des inclusions de dépôts de sel actuels en Sicile. "Cette première publication avait pour but de montrer l'efficacité de la méthode avec une application" estime le chercheur lyonnais. "Maintenant, nous allons remonter à peu près jusqu'à 1 milliard 400 millions d'années pour aller jusqu'au début du phanérozoïque. Là, on a vraiment l'explosion des formes de vie les plus complexes." Aujourd'hui, l'atmosphère terrestre a une teneur en oxygène de 21 %. Mais cela ne veut en aucun cas dire que celle-ci n'a fait qu'augmenter depuis des centaines de millions d'années : "il peut y avoir aussi des périodes où c'est plus élevées et d'autres où ça diminue. C'est un équilibre dynamique qui résulte de mécanismes d'origines biologiques, mais aussi de mécanismes d'origine inorganiques" précise Christophe Lécuyer. L'année prochaine à Paris, la géochimie- la chimie appliquée à la planète Terre - sera à l'honneur lors d'un congrès international organisé tous les deux ans. L'occasion pour Christophe Lécuyer et ses confrères d'échanger sur leurs découvertes et de mettre en place de nouvelles études.