Vincent Gaud, président de la chambre des métiers et de l'artisanat Auvergne-Rhône-Alpe
Vincent Gaud, président de la chambre des métiers et de l’artisanat Auvergne-Rhône-Alpes, sur le plateau de « 6 minutes chrono »/Lyon Capitale, en septembre 2024

"Ma crainte, c'est que demain on ait des déserts artisanaux"

Le coup de gueule du président de la chambre des métiers et de l'artisanat Auvergne-Rhône-Alpes, qui regrette qu'on favorise trop la formation supérieure au détriment des métiers manuels.

"Depuis trop longtemps, on a en France, une vision macro-économique et pas une vision petites entreprises. Ma crainte, c'est que, demain, on ait plus que des déserts médicaux, des déserts artisanaux."

En cette rentrée placée sous le signe d'incertitudes en tous genres, une grande inquiétude ne cesse de prendre de l'ampleur dans le secteur de l'artisanat, suite à la décision gouvernementale de fin 2023, de baisser le niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage.

"Le risque, c'est que le gouvernement arrête la prime d'accompagnement de 6 000 euros auprès des entreprises, et surtout continue à baisser des coûts-contrat - la somme qu'on nous donne une somme pour réaliser une formation -, ce qui met en difficulté une partie de l'apprentissage."

Le poids de l'artisanat en Auvergne-Rhône-Alpes :
- 220.000 entreprises artisanales
- 42 milliards de chiffre d’affaires
- 22 000 apprentis

Formation : "ne nous trompons pas de combat"

Lors de sa campagne présidentielle, en 2017, Emmanuel Macron avait martelé que "l’apprentissage doit impérativement être revalorisé. L’excellence ne concerne pas que les filières académiques !" Constat de Vincent Gaud, président de la chambre des métiers et de l'artisanat Auvergne-Rhône-Alpes : "dans les faits, ça ne s'est pas du tout passé comme ça. Aujourd'hui, on manque cruellement de gens dans les métiers manuels. Par contre, on a trop de gens dans le supérieur. Des économies doivent se faire sur le supérieur. Quand vous donnez 5 200 euros pour un CAP boulanger, 12 jeunes dans un laboratoire et que vous donnez 11 000 euros pour un BTS assurance où vous aurez 150 jeunes dans un amphithéâtre, vous comprenez bien que les coûts sont pas les mêmes.



La retranscription intégrale de l'entretien avec Vincent Gaud

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous vous accueillons aujourd'hui Vincent Gaud, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat Auvergne-Rhône-Alpes. Vous êtes plombier de formation. Vous avez récemment publié un manifeste à l'attention des députés nouvellement élus et des présidents de groupe à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'on peut considérer ce manifeste comme un coup de gueule un peu ou pas ?

Bonjour. C'est un coup de gueule, mais je dirais même un petit peu plus, un constat. Le fait que depuis trop longtemps on a une vision macro-économique et pas une vision petites entreprises. Ma crainte, très simplement, c'est que, demain, on ait plus plus que des déserts médicaux, des déserts artisanaux.

On a beaucoup parlé de la rentrée scolaire mais c'est la rentrée aussi pour les apprentis des chambres des métiers. Vos inquiétudes ne sont pas nouvelles. Est-ce qu'en cette rentrée 2024, il y a encore plus d'inquiétude ?

Il faut juste rappeler que les chambres des métiers sont le premier réseau de formation d'apprentis en France infra bac. En Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons près de 22 000 apprentis sur l'ensemble de nos 15 centres de formation 15. Alors oui, c'est une rentrée un peu particulière, à la fois sur des chiffres qui sont plutôt bons mais qui arrivent à une forme de palier. Le risque; ce qui nous fait peur, c'est le fait que le gouvernement qui va arriver arrête la prime d'accompagnement de 6 000 euros auprès des entreprises et surtout continue à baisser des coûts-contrat qui nous ont énormément impacté.

Alors coûts-contrat juste en deux mots ?

Coups-contrat, ça veut dire qu'on nous donne une somme pour réaliser une formation et aujourd'hui il y a une coupe sombre, on va dire, sur les formations infra bac, ce qui met en difficulté une partie de l'apprentissage.

Quels sont les risques finalement qui pèsent sur la pérennité de ce modèle de formation, notamment des chambres des métiers et de l'artisanat ?

Au départ, cette loi en 2018 était un succès, en termes de nombre puisqu'on est passé de 65 CFA aujourd'hui en Auvergne-Rhône-Alpes à près de 650. C'est l'effet positif. Sauf que la façon dont elle a été mise en place a favorisé les formations du supérieur et n'a pas du tout favorisé, en termes de prise en charge, les formations CAP sur les métiers traditionnels.

Comment l'expliquez-vous ?

Je pense que c'est une volonté gouvernementale, tout simplement. La volonté que des jeunes en formation supérieure aient un apprentissage, c'est extrêmement bien, nous on y est extrêmement favorable. Sauf que pourquoi impacter plus les métiers manuels, c'est quelque chose qu'on ne comprend pas aujourd'hui.

Emmanuel Macron avait pourtant expliqué que "l’apprentissage doit impérativement être revalorisé. L’excellence ne concerne pas que les filières académiques"...

On est tout à fait d'accord sur la volonté du président de la République sauf que dans les faits, ça ne s'est pas du tout passé comme ça. Et aujourd'hui, en fait, on manque cruellement de gens dans les métiers manuels. Par contre, on a trop de gens dans le supérieur.

Le démantèlement des chambres des métiers d'artisanat estil d'actualité ou c'est quand même très utopique ?

Alors ça c'est un sujet qui revient : il n'y a pas de démantèlement, il y a juste eu depuis 2018…

...Un détricotage ?

Non, moi je ne dirais pas un détricotage. Je dirais tout simplement que la loi PAC nous a imposé de régionaliser. Il y a qu'aujourd'hui, vous avez 18 chambres de métiers en France, dont celle d'Auvergne-Rhône-Alpes, avec derrière des "départements", qui sont des antennes sur un modèle régional. Mais aujourd'hui, j'ai toujours 700 salariés sur l'ensemble de la région, avec 27 agences et 300 élus qui parcourent la région. Donc non, le mot détricotage est un peu fort.

Y a-t-il lieu de réformer l'apprentissage et comment ?

On est tout à fait d'accord pour se mettre autour de la table, depuis très longtemps. Sauf qu'aujourd'hui, on pense que les économies doivent se faire sur le supérieur. Quand vous donnez 5 200 euros pour un CAP boulanger, 12 jeunes dans un laboratoire et que vous donnez 11 000 euros pour un BTS assurance où vous aurez 150 jeunes dans un amphithéâtre, vous comprenez bien que les coûts sont pas les mêmes. Travaillons sur le supérieur, arrêtons de travailler sur l'infra bac, mais complètement d'accord de faire des économies mais ne nous trompons pas de combat tout simplement.

Faut-il imaginer des ouvertures de nouvelles filières ?

Alors, des filières il y en a tous les jours à ouvrir. Nous, au niveau de l'artisanat, on a toujours un besoin fort sur le métier traditionnel, que ce soit le boucher boulanger, etc. Aujourd'hui, il y a un besoin très fort sur les métiers du travaux public, par exemple l'aménagement paysager. On a un besoin très fort également sur le métier de rénovation énergétique, donc en complément des formations de bases traditionnelles. Transition aussi écologique, on a des filières qui aujourd'hui explosent le vélo la réparation de vélo, etc. Il y a plein de nouveaux métiers et l'artisanat, c'est sa capacité à se régénérer. Nous, chambres des métiers, on est là pour l'accompagnee.

Merci Vincent Gaud d'être venu sur le plateau de 6 minutes chrono. A très bientôt merci beaucoup au revoir.

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