La Maison de la danse – Lyon 8e
La Maison de la danse © M. Cappelletti

Maison de la Danse, Subsistances... d'autres lieux culturels à Lyon touchés par les coupes budgétaires de la Région ?

Fin avril, l’annonce soudaine d’une baisse des subventions accordées par la Région Auvergne-Rhône-Alpes à certaines institutions culturelles avait eu l’effet d’une douche froide du côté de la Villa Gillet, l’Opéra de Lyon et les Biennales. Une coupe isolée ? Rien n’est moins sûr alors que pas moins de cinq autres institutions lyonnaises pourraient bientôt faire les frais de cette "redistribution", dont l’impact global pourrait au final être de l’ordre de 2 millions d’euros à Lyon. 

"Attaque à la culture", "méconnaissance du milieu", "décision arbitraire, unilatérale et électoraliste", "déni de démocratie". Depuis le 23 avril et l’annonce par la Région Auvergne-Rhône-Alpes de la coupe ou la suppression des subventions régionales accordées à la Villa Gillet (- 350 000 €), l’Opéra de Lyon (- 500 000 €), les Biennales (- 253 000 €) et l’Institut Lumière (- 100 000 €), les élus et acteurs culturels locaux ne cachent pas leur colère contre la collectivité, d’autant que celle-ci a rompu le dialogue, notamment avec la presse, une fois son annonce faite. 

Lire aussi : Villa Gillet, Biennale, Opéra : la Région baisse ses subventions, c’est la "douche froide" à Lyon

Au lendemain de "cette douche froide", comme la qualifiait dans nos colonnes Isabelle Bertolotti, la co-directrice de la Biennale d’art contemporain, Lyon Capitale publiait les témoignages encore choqués d’acteurs culturels tombés de haut. Une vingtaine de jours plus tard, alors que les médias nationaux commencent à se faire l’écho de la décision du président de région Laurent Wauquiez, à Lyon la situation est pour le moins délicate. L’ombre de nouvelles coupes budgétaires, qui pourraient être dévoilées le 20 mai lors de la commission culture de la Région, pèse au-dessus des autres structures lyonnaises. 

Des informations distillées au compte-gouttes

Officiellement, il n’y aurait pas de liste établie des institutions ou événements concernés. Même au sein de la commission culture de la Région il semble que l’on apprenne les coupes au compte-gouttes. À entendre la conseillère régionale d’opposition Pascale Bonniel Chalier (EELV), qui siège dans celle-ci, "on ne sait pas à l’avance les délibérations qui vont passer le 20 mai. Tout est complètement orchestré par le cabinet de M. Wauquiez. Ça fait 20 ans que je suis élue et je n’ai jamais vu autant de déni démocratique", lâche-t-elle avec dégoût. 


"On ne sait pas à l’avance les délibérations qui vont passer le 20 mai, mais soyons bien clair, pour l’instant ce sont des dossiers sur Lyon et Grenoble, qui prennent cher", Pascale Bonniel Chalier (EELV), conseillère régionale d’opposition au sein de la commission culture


Pour autant, depuis plusieurs jours maintenant, la ville de Lyon bruisse d’informations au sujet des prochaines coupes que pourrait faire voter la Région, des chiffres plus ou moins précis étant annoncés et relayés par les élus. Ce jeudi 12 mai, selon la conseillère du 7e arrondissement et candidate aux législatives Sarah Peillon le musée Urbain Tony Garnier va voir sa subvention régionale baisser de 35 000 euros. Dans un communiqué l’élue alerte sur le fait que la Région Auvergne Rhône-Alpes vient d’indiquer à la structure, "sans préavis, la non-reconduction de son financement". Selon nos informations pas moins de six autres institutions ou événements à Lyon pourraient eux-aussi faire les frais du "rééquilibrage solidaire et équitable", au profit du reste du territoire, voulu par Laurent Wauquiez. 

"On travaille avec ce que l’on nous a promis"

L’institution dont le nom revient avec insistance n’est autre que la Maison de la Danse, dans le 8e arrondissement de Lyon. "Il semblerait que ce soit 50 % de sa subvention Région qui sauterait, c’est ce qui a été dit hier soir [le 2 mai, NDLR] à l’adjoint à la culture du 8e par le directeur intérimaire [Pierre Martinez, NDLR] et encore il n’a pas de lettre d’attribution. C’est juste ce qu’on lui a laissé entendre", lâche Pascale Bonniel Chalier. Une information également partagée du côté de la Ville, mais aussi de la Métropole de Lyon par le vice-président à la culture Cédric Van-Styvendael, "je valide complètement ces éléments, dans le sens où je viens d’avoir ces mêmes informations", nous confiait-il mercredi 11 mai. 

Pour la Maison de la Danse, une baisse de 50% de la subvention de la Région équivaudrait à amputer de 180 000 euros le budget global de l’institution, fixé à 6 562 147 millions d’euros. Pierre Martinez le directeur intérimaire de l’établissement nous assurait en fin de semaine dernière n’avoir "aucune information et encore moins chiffrée, on entend que les rumeurs". Néanmoins, il concède que "si une telle hypothèse se confirmait ce serait une catastrophe pour la Maison de la Danse. On travaille toujours dans un équilibre proche de zéro. Notre but ce n’est pas de faire des bénéfices, nos budgets sont calculés tous les ans pour dépenser la totalité de ce que nous avons au service de nos missions".


"Il y a une profonde méconnaissance de nos projets, parce que nos actions ont une vrai résonance au niveau régional. Par le travail mené en direction des lycéens et celui conduit avec les instituions et structures à l’échelle régionale", Pierre Martinez, directeur intérimaire de la Maison de la Danse


Pour l’heure, le projet 2022-2023 de la Maison de la Danse a donc été construit "avec l’hypothèse des subventions qui nous ont été promises jusqu’à maintenant ", précise M. Martinez en expliquant que jusqu’à juin 2023 les contrats sont signés et les intermittents engagés. En cas de baisse de la subvention régionale, "la seule variable d’ajustement" concernerait les projets, mais rien n’a été anticipé et du côté du 8e on espère qu’un "espace de dialogue sera ouvert avant d’apprendre ça d’une manière définitive et probablement dans la presse".

2 millions d'euros en moins pour les seuls acteurs lyonnais ? 

À cela, selon un acteur culturel Lyonnais bien au fait du dossier, pourraient également s’ajouter une coupe de 15 000 euros (-10%) du côté du Théâtre du Point du Jour, sur une subvention annuelle de 150 000 euros, ou encore un retrait du Festival sens Interdit, aujourd’hui financé à hauteur de 50 000 euros par la Région. Les noms des Subsistances, du Théâtre Nouvelle Génération (TNG) et du Théâtre de la Croix-Rousse reviennent également dans les discussions, mais la aussi l’incertitude reste de mise, la Région se refusant à tout commentaire. Reste que si toutes ces baisses sont confirmées à Lyon, l’impact global pour les différentes institutions et événements pourrait se chiffrer à près de 2 millions d’euros, "c’est colossal", commente Cédric Van-Styvendael, estomaqué. 

L'inquiétude pèse sur le Théâtre de la Croix-Rousse qui pourrait lui aussi voir sa subvention régionale baisser. @WilliamPham

Du côté de la collectivité présidée par Laurent Wauquiez on ne veut pas rentrer dans une guerre des chiffres, qui serait dirigée par l’opposition, la Ville et la Métropole au risque d’être pris dans l'engrenage. Invitée à réagir à nos informations, la vice-présidente à la Région en charge de la culture, Sophie Rotkopf, a refusé de s’exprimer. Interrogée en marge d’une soirée culturelle la semaine dernière, l’élue nous a seulement répondu : "Tout a été dit !". Mme Rotkopf faisant vraisemblablement référence à ses déclarations du 23 avril dans Le Progrès, où elle justifiait les baisses de subventions à venir par un "rééquilibrage solidaire et équitable" entre les acteurs culturels des douze départements d’Auvergne-Rhône-Alpes, l’action de certaines institutions de Lyon étant par ailleurs jugée trop lyonnaise. 


"Ce n’est pas juste des ajustements budgétaires, ce sont de vraies baisses drastiques, ciblées", Cédric Van-Styvendael, vice-président de la Métropole de Lyon à la culture


Un discours pas audible pour le maire de Lyon Grégory Doucet, selon qui ce rééquilibrage aura surtout pour effet de "priver les habitants de la ville et de la région d’une offre culturelle". "Il y a quelques mois, je recevais des maires de communes rurales, de l’ex-région Rhône-Alpes, et leur première attente c’était qu’on leur facilite l’accès à l’offre culturelle de la Ville de Lyon", nous confiait l’élu, très critique, avant de conclure en lâchant "pour moi il n’y a pas de politique culturelle dans cette Région". 

Le TNP pourrait perdre 100 000 à 150 000 euros

Certains acteurs et élus, comme le maire de Villeurbanne Cédric Van-Styvendael, dont le TNP pourrait perdre 100 000 à 150 000 euros de subventions sur un montant annuel de 700 000 euros, n’en dise pas moins sur la politique régionale, mais "ne réfut[ent] pas" pour autant "le droit de la Région d’avoir des arbitrages financiers, chaque collectivité est autonome". Ce qui crispe c’est "la manière de le faire, en catimini sans aucune concertation, avec très peu de précautions d’usage et de prévenance des acteurs culturels, on est très proche de la défiance". 

Le Théâtre National Populaire de Villeurbanne pourrait perdre 100 à 150 000 euros de sa subvention annuelle de 700 000 euros. @WilliamPham

En interne du côté de la Région on laisse filtrer que l’idée de cette décision de redistribuer les ressources serait ancienne, mais pour le vice-président de la Métropole à la culture "c’est de l’enfumage. Je n’ai aucune information de cette nature, j’avais des relations d’une grande qualité avec Florence Verney-Carron [ex-vice-présidente régionale à la culture, NDLR], qui ne m’avait jamais alerté à ce niveau-là", assure l’élu villeurbannais. Ces derniers temps il suspectait toutefois "un problème", car "cela fait 4 mois que les comités de pilotage sont annulés parce que la vice-présidente [Sophie Rotkopf, NDLR] n’est pas disponible. Ce n’est pas l’habitude de la Région de ne pas se positionner dans des réunions de pilotage collectif". 

Qui pour pallier les baisses ? 

Reste donc aux acteurs culturels et aux représentants à la culture de la Ville de Lyon et la Métropole à trouver des solutions pour pallier cette décision qualifiée d'"électoraliste" par Cédric Van-Styvendael. Des discussions ont notamment été lancées par Nathalie Perrin-Gilbert avec le ministère de la Culture et divers acteurs, mais concernant un renforcement du soutien financier de manière pérenne cela pourrait s’avérer plus complexe pour les collectivités. Du côté de la Métropole, le vice-président à la culture explique pour l'instant ne pas pouvoir "inventer des crédits au fur et à mesure du désengagement de la Région. Ça ne veut pas dire que l’on n’est pas en train de discuter avec l’État, mais moi je veux d’abord mettre devant ses responsabilités le conseil régional". 


"Répondre immédiatement en disant on va venir se substituer ce serait les laisser gagner et laisser penser qu’on peut faire marcher la planche à billets quand eux n’ont pas été raisonnables budgétairement parlant" Cédric Van-Styvendael, vice-président de la Métropole de Lyon à la culture


En parallèle des coupes budgétaires, les conseillers régionaux d’opposition de la gauche (EELV, Socialiste et  le PRG - Centre gauche) ont déjà écrit une lettre ouverte le 9 mai au président de Région, terminée par cette phrase "Vous devrez rendre des comptes à l’avenir". Ces derniers ont bien l’intention de se faire entendre lors de la commission culture du 20 et de la permanente du 25 mai, qui s’annoncent houleuses, mais la décision finale reposera dans les mains de Laurent Wauquiez, qui dispose de la majorité au sein de l’hémicycle régional.

Lire aussi : Baisse des subventions régionales : Kimelfeld suggère de "reporter le festival des fleuves" de Lyon pour aider la Villa Gillet

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