Un petit conflit entre amis sur fond de fusion du Fonds de Solidarité Numérique (FSN) dont le siège est à Genève et de l'Agence Mondiale de Solidarité Numérique (AMSN) installée à Lyon.
Dans son édition de novembre, Lyon Capitale écrivait que l'AMSN pourrait quitter Lyon pour rejoindre Genève. Or, le conseil de fondation qui va entériner la fusion des deux structures ce mardi risque d'en décider autrement et c'est Genève qui serait la grande perdante. Lyon pourrait accueillir la direction opérationnelle du secrétariat exécutif de la nouvelle organisation dont le siège administratif pourrait atterrir à Dakar au Sénégal. Durant ses prises de paroles, le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, n'a cessé de taper sur le travail accompli par le FSN : " Nous avons perdu 5 ans car nous sommes sortis de la bonne direction. Ce Fonds s'est égaré dans la recherche de financements hypothétiques alors qu'il fallait chercher des ordinateurs ". Ces attaques ont surpris plus d'un participant à la Conférence de solidarité numérique, d'autant que le président Wade est toujours perçu comme le créateur et le défenseur acharné du FSN dont la tâche est de s'occuper des financements. Il a même fait voter une loi en juillet dernier au Sénégal adoptant le principe du 1% numérique, mécanisme de financement consistant à prélever 1% sur les marchés de biens et services numériques.
Mais aujourd'hui, malgré les annonces de façade, plus personne, parmi les dirigeants de la solidarité numérique, ne croit à ce mécanisme de financement. Sauf Alain Clerc, secrétaire exécutif du FSN qui a traîné sa tristesse et sa mine déconfite dans les travées de la conférence. M. Clerc est surpris de ces attaques contre le 1% au moment même où son principe va être présenté à la conférence de Doha sur le financement du développement début décembre. Pour lui, c'est le fruit du travail accompli depuis des années. Mais Alain Madelin, président du FSN, s'étrangle en entendant le nom de Doha : " On va faire quoi à Doha ? Poser une motion de plus. Certaines personnes pensent qu'avec le 1%, des milliards vont se mettre à tomber du ciel. Franchement, c'est ridicule. Il vaut mieux mettre en place des projets concrets ". Il y a du brouillage sur les ondes entre M. Madelin et son secrétaire exécutif. D'ailleurs, ils ne se parlent plus. Mais leur différend ne porte pas seulement sur la stratégie des mécanismes de financements.
Le mois dernier, une polémique éclatait à la suite de l'entrée d'Alain Madelin dans le conseil d'administration de Rentabiliweb, une société qui posséde des sites Internet pornographiques. Alain Madelin a d'ailleurs porté plainte contre notre confrère Les Potins d'Angèle (voir la vidéo) qui a repris l'information lancée par le site contrefeux.com. Profondément choqué, M. Clerc avait alors écrit une lettre à M. Madelin lui demandant de s'expliquer et de justifier ses choix en sa qualité de président du Fonds de Solidarité Numérique. Il a même déclaré à Lyon Capitale " qu'une des critiques latentes faites contre la solidarité numérique consiste à dire " à quoi servirait le numérique en Afrique sinon pour aller surfer sur des sites pornos ". Dans ce contexte, l'engagement du président est vraiment dommageable ". Il y a quelques jours, le président Wade a prié Alain Clerc de démissionner. Motif officiel invoqué : le train de vie du Fonds.
En comité restreint, Alain Madelin pointe les dépenses en frais de fonctionnement du FSN et profite pour faire passer l'idée que le Fonds passe plus de temps à dépenser de l'argent en voyages pour vendre le principe du 1% qu'à récolter de l'argent grâce à ce principe. Cependant, M. Madelin ne serait pas exonéré de tout reproche. Il a organisé une université numérique d'été à Hammamet en Tunisie qui accuse un déficit de près de 164 744 euros. Il s'était pourtant engagé auprès d'Alain Clerc à ne pas puiser sur les ressources du Fonds qui sont destinées aux projets. Malgré cet engagement, le Fonds a dû participer à la note à hauteur de 42 000 euros. Dans un document que nous avons pu consulter, Alain Clerc rappelle à Alain Madelin ses engagements initiaux et lui reproche d'avoir pris le risque d'organiser cette manifestation sans s'être assuré des engagements de financement de certaines organisations internationales. Cette rivalité entre les deux hommes risque du coup de profiter à Lyon.
" Il ne faut plus porter l'idée au niveau des institutions, mais au niveau des projets avec l'Agence Mondiale de Solidarité Numérique ". En quelques semaines, Lyon est passée de quasi perdante à la certitude de conserver la direction opérationnelle de la future organisation.
Photo : AFP
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