Trois mois plus tard, les associations n'ont toujours rien vu venir. Conséquence : des SDF sont remis à la rue.
La fameuse loi sur le droit au logement opposable (DALO) applicable depuis janvier 2008 devait empêcher ça. Il n'en est rien. Comme chaque année, au mois d'avril, les places ouvertes pour l'hiver ferment et les SDF se retrouvent à la rue. La contradiction est donc flagrante avec la loi DALO qui énonce dans son article 4 : "Tout personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée".
Partant du constat que l'Etat est "hors la loi" à Lyon, un réseau d'associations de solidarité et d'individus s'est constitué au début du mois. "Personne dehors !" (tel est son nom) recense 219 places au total qui seront fermées d'ici la fin avril sur environ 1500. Or, avant même la fermeture de ces places, le dispositif d'hébergement de Lyon affiche complet. Après la fin de la première structure "l'Accueil sympa", le 115 (le Samu Social) refusait entre 70 et 90 personnes par soir faute de places disponibles. Les "sans-solutions" (l'expression administrative consacrée) doivent ainsi se débrouiller à se caser quelque part : chez des amis, chez des parents, en squat ou à la rue. "Et encore, précise Cécile Flandinet, du réseau "Personne dehors !", il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg. Nombreux sont ceux qui refusent d'appeler le 115 et préfèrent directement s'en sortir comme ils peuvent". "C'est pour cela, en nous appuyant aussi sur la loi DALO, que nous demandons un moratoire sur la fermeture de ces centres et que nous soutenons les actions d'occupation".
Premier acte d'opposition, le 10 avril, à Vénissieux, où huit familles, appuyées par le réseau, ont refusé de partir du foyer le jour de la fermeture. Le matin, ces travailleurs sociaux militants ont débarqué aux Acacias, accompagnés du maire André Gerin (PC). Mise devant le fait accompli, la DDASS a accordé quinze jours de répit, en accordant une rallonge budgétaire à l'association Entretemps qui gère ce foyer. Sa présidente, Henny Beyer, acceptait volontiers l'action du réseau "Personnes dehors !" : "Pour nos salariés, la situation est infernale : nous ne voulons pas mettre les gens dehors ! Or on est face à une contradiction. La loi DALO doit s'appliquer mais la DDASS, c'est-à-dire l'Etat, nous donne des financements comme pour un plan froid classique qui se termine en avril".
Paroles, paroles...
Le 29 janvier, suite à une mobilisation unitaire des associations de solidarité, le Premier ministre, François Fillon, avait annoncé qu'il reprenait à son compte les orientations de ces associations. Il avait notamment promis d'engager "une politique de prévention pour interrompre les processus qui conduisent à la rue" et d'appliquer la loi DALO. Pour ce faire, 250 millions d'euros avait été mis sur la table (les associations demandent 1,5 milliards). Mais le printemps revenu, l'émotion hivernale retombée, les promesses ont été remisées. La fermeture des places hivernales montre en effet que la DDASS n'a pas reçu le moindre euro pour les maintenir après le mois d'avril.