A cinq mois de l'ouverture des jeux olympiques de Pékin, la répression sanglante des manifestations tibétaines n'émeut guère au-delà des militants pro-Tibet.
Les entreprises lyonnaises font profil bas
On connaissait GL Events plus disert sur les marchés que décroche le groupe d'Olivier Ginon. Pour les jeux olympiques de Pékin, rien ou presque. Quand on on tape "Jeux olympiques" sur le moteur de recherche de leur site, on tombe sur les JO... d'Athènes. Contacté, le groupe d'événementiel joue la transparence. Difficile en effet de taire une participation aux jeux olympiques alors que ses chapiteaux sont présents à tous les grands événements sportifs depuis plusieurs années. Pour Pékin 2008, GL Events a décroché l'un des marchés du concours hippique (qui, exceptionnellement se déroule à Hong Kong). Xavier Moullin, en charge du dossier, nous explique que, sur place, plus de 200 personnes travaillent déjà à l'installation de tribunes temporaires et de chapiteau aménagés en écuries ou lieu de réception. Ce marché pèse 20 millions d'euros, c'est-à-dire 3% du chiffre d'affaire de GL Events (633 millions d'euros de CA en 2007). "C'est un dossier qui compte", admet Xavier Moullin. Et le Tibet ? "Ça ne nous réjouit pas, explique-t-il. Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? On a des obligations de réalisation. Que l'on apprécie ou pas ce qui se passe au Tibet, on ne va pas arrêter le chantier". Agacé par les questions à ce sujet, il ajoute : "Le jour où le CIO a donné les JO à Pékin, le monde entier était au courant de ce qui se passe au niveau des droits de l'homme".
Lyon Capitale a cherché à savoir si d'autres entreprises avaient obtenu des marchés pour les JO. Mais les grandes institutions économiques (CCI, ERAI, Only Lyon ou Medef), d'habitude si promptes à vanter leurs performances à l'internationale, ne sont au courant de rien.
Jean-Louis Grosfillex, dirigeant de la société de plasturgie du même nom, fait partie des recalés des JO de Pékin. Du coup, cet industriel d'Oyonnax (Ain), à la parole plus libre, analyse l'attitude de ses confrères : "il faut éviter de mettre en avant les mauvaises choses. On n'utilise pas un événement dramatique ou un peu embarrassant pour se faire de la publicité. Tant que ça va dans le sens d'un événement agréable, on dit que l'on y a participé. Si ça tourne mal, on ne va pas le mettre en avant". Et de conclure : "il faut faire profil bas".
Les associations pro-Tibet ont du mal à mobiliser
Malgré l'apathie générale, elles appellent à un rassemblement lundi 31 mars à 18h, place Antonin Poncet.
Alors qu'à Lille, Martine Aubry a mis le drapeau Tibet sur l'hôtel de ville, à Lyon, aucune personnalité politique n'a pris position en faveur du Tibet. A une exception notable, Michel Terrot, député UMP de la 12 circonscription du Rhône et membre de la commission des affaires étrangères. Il appelle à une attitude ferme à l'égard de la Chine pour que le gouvernement de Hu Jintao arrête les représailles. "Avant d'en arriver au boycott, tout un panel de sanction existe en fonction de l'attitude de la Chine".
Malgré tout, les militants associatifs redoublent d'effort pour faire prendre position aux politiques. "Il fallait être prétentieux pour croire que les Chinois allaient changer en leur accordant les Jeux Olympiques ! Les Chinois se fichent totalement de ce qu'on leur dit. Ils disent blanc, ils font noir. Ils prennent les Occidentaux pour des imbéciles. Ce qu'ils voient, eux, c'est surtout l'ouverture des marchés et la libre-circulation des marchandises !". Caroline Benollet est amère. Triste et révoltée. La présidente de l'association lyonnaise SOS Tibet Nienpo est en contact direct et régulier avec des étudiants en exil. Pour elle, la France a l'obligation de marquer le coup. "On peut ne pas envoyer de délégation d'hommes politiques, ou s'il y en a une, qu'ils ne serrent pas la main aux officiels". Pour Patrick Bonnassieux, de Lions des Neiges, "on ne peut pas se contenter de faire un beau palmarès et se voiler la face". "Avoir accorder les JO à Pékin est une erreur, car finalement, on accepte leur politique des droits de l'homme". Pour sortir les politiques de leur apathie, deux actions sont programmées. Tout d'abord, l'envoi d'un courrier aux principaux maires du Rhône pour les inciter à mettre le drapeau tibétain sur les mairies. Surtout, Lions des Neiges prévoit un rassemblement lundi 31 mars, place Antonin Poncet, devant le mémorial arménien, à 18h. Tout le monde est le bienvenu, particulièrement les politiques, avec, si possible, un drapeau tibétain et une écharpe blanche.
Bataille de chiffres
Impossible de connaître le bilan exact de la répression au Tibet puisque les journalistes et les ONG y sont interdits de séjour. Officiellement la Chine faisait état, lundi 24 mars, de 19 morts, dont 18 civils "innocents" et un policier. Mais selon le gouvernement tibétain en exil, le chiffre est "d'environ 130 morts". Les manifestations et les émeutes ont commencé le 10 mars pour l'anniversaire du soulèvement de 1959 contre l'occupant chinois.
Dossier réalisé par Razik Brikh, Guillaume Lamy et Laurent Burlet
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