Une nouvelle manie pour éviter de payer sa place de stationnement dans les grandes villes circulent sur les réseaux sociaux. Est-elle répressible par la loi ou existe-t-il un vide juridique ? Qu'en disent les villes de Lyon et Villeurbanne ? Explications.
Alors que les "sulfateuses à PV" sont devenues une arme redoutable contre la fraude au stationnement payant, une nouvelle technique pour le contourner aurait-elle été trouvée ? Elle consisterait à camoufler sa plaque d'immatriculation, de sorte à ce que les systèmes de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi) ne puissent pas relever l'immatriculation du véhicule stationné. Des sacs plastiques, des masques, du papier... Certains usagers n'ont pas manqué d'imagination pour mettre en place le stratagème.
Le système Lapi, c'est quoi ?
Mis en place dans la quasi-totalité des grandes villes françaises désormais, le système Lapi est utilisé pour vérifier l’acquittement du stationnement sur la voirie publique. Munis de nombreuses caméras, les véhicules équipés circulent dans les rues et scannent en temps réel toutes les plaques d'immatriculation dans son périmètre. Elles sont ainsi comparées avec celles enregistrées dans les systèmes de stationnement pour contrôler le paiement de son conducteur. Si l'enregistrement n'a pas été réalisé ou si le temps imparti est dépassé, alors le système "condamne" le possesseur du véhicule.
En réalité qu'en est-il ? Il est vrai, d'abord, qu'une telle technique empêche le système Lapi, déployés dans de très nombreuses grandes villes et notamment à Lyon et Villeurbanne, de scanner la plaque d'immatriculation. Il est difficilement imaginable que le conducteur du véhicule équipé s'en aperçoive. Et auquel cas, que ce dernier, qui n'a pas l'autorisation pour intervenir sur la plaque d'immatriculation, fasse appel à un agent de surveillance de la voie publique (ASVP) pour le faire. La technique semble donc fonctionner pour éviter de recevoir une amende de stationnement par le système Lapi.
Action répréhensible par la loi
Mais in fine, éviter l'amende n'est pas gagné par avance. "Pour moi, c'est un fantasme. On est censé avoir toujours une plaque visible, maintient d'abord Me Laurent Franck, avocat au barreau de Lyon, spécialiste du droit routier. Il n'y a pas un article dans le code de la route qui dira que le fait de cacher volontairement ou non sa plaque d'immatriculation est répréhensible. Pour autant, il est obligatoire d'avoir une plaque et qu'elle soit visible. Un juge peut se servir de cela pour, à mon avis, condamner la personne. C'est la théorie."
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"Il n'y a pas de vide juridique"
Me Laurent Franck, avocat au barreau de Lyon
Restons dans la théorie. Il existe en effet l'article R317-8 III du code de la route, qui stipule que la "circulation d’un véhicule à moteur avec une plaque d’immatriculation illisible" est passible d’une contravention de 4e classe, soit de 135 euros d'amende. "Chaque plaque doit être maintenue dans un état d’entretien permettant la lecture des inscriptions qu’elle comporte", poursuit le texte. Les "ingénieurs" de cette technique pourront également avancer une autre excuse : et si le masque ou le sac plastique avait atterri sur la plaque d'immatriculation par la seule force du vent, quand plus personne ne se trouve dans le véhicule ?
Là encore, la loi stipule que la plaque d'immatriculation doit être visible. Bien que le conducteur ne soit pas présent à bord de la voiture, il s'expose à une amende. "Dans le cas contraire - où un fait extérieur à provoquer le camouflage de la plaque -, on peut toujours prouver que le stationnement a été payé et que ce n'était pas volontaire", reprend Me Laurent Franck. Et ajoute : "Donc, c'est un mythe de dire que vous ne risquez rien. Il n'y a pas de vide juridique. On peut vous condamner pour cela. Mais est-ce qu'on le fait ? Personnellement, je ne l'ai pas encore vu. Et puis, pour une amende de 4e classe sans perte de points, les avocats ne sont pas forcément appelés."
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"Pas constaté" à Lyon, verbalisé à Villeurbanne
Pour autant, cette pratique tend à se répandre dans les grandes villes. A Villeurbanne, par exemple, "une dizaine de signalements a été enregistrée depuis le début de l’année", indique la Ville. Et précise : "Ces verbalisations sont effectuées sur signalement du prestataire stationnement de la Ville ou à la suite de doléances d’habitants". Les contraventionnés ont alors reçu une amende de 4e classe - comme expliqué auparavant. Des verbalisations d'autant plus légitimes qu'il existe une jurisprudence de la Cour de cassation de 2015, à propos des plaques illisibles en raison de leur mauvais état, stipulant que "l’infraction concerne l’équipement du véhicule et non sa conduite et qu’elle peut être relevée même si le véhicule n’est pas en mouvement".
Quant à la Ville de Lyon, ses services indiquent à Lyon Capitale que "ce n'est pas un phénomène constaté", malgré un afflux de voitures bien plus important qu'à Villeurbanne. On peut donc imaginer que le prestataire n'est simplement pas parvenu à relever ces infractions à la loi ou que les signalements d'habitants, s'ils existent, n'ont pas abouti à des verbalisations. Quoi qu'il en soit, tout conducteur qui aurait l'intention d'essayer à son tour ce subterfuge s'expose à des risques.
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"ce n'est pas un phénomène constaté". Quel mensonge alors que régulièrement des véhicules particuliers ou d'artisans masquent leur plaque par exemple en appuyant une palette contre le véhicule. La police municipale aurait-elle consigne de fermer les yeux?