Une des mesures de la réforme de la Cour des Comptes prévoyait des sanctions pénales pour les fonctionnaires à la gestion hasardeuse. Mais il semblerait que les principaux intéressés n'y soient pas vraiment favorables...
Le 4 juillet dernier à l'Assemblée Nationale, Michel Mercier, le ministre de la Justice, a purement et simplement demandé la suppression de l'amendement sur la responsabilité juridictionnelle des ministres devant la Cour des Comptes. S'adressant aux députés, le Garde des Sceaux a souligné que la rédaction du projet de loi s'écartait trop de l'équilibre voulu à l'origine par le gouvernement. « Le gouvernement prendra donc ses responsabilités en vous demandant de retirer ces amendements » a-t-il asséné.
Un décalage entre les discours et les actes ?
Pourtant, en 2009, le gouvernement avait, lui-même, initié ce projet de loi. Nicolas Sarkozy, le Président de la République, dans son discours pour le bicentenaire de la Cour des comptes, avait déclaré le 5 novembre 2007 : « Trop longtemps, on a considéré que le propre de l’argent public était d’être dépensé sans compter, qu’il était dans la nature du service public que son efficacité ne soit pas mesurable et que si l’on devait demander des comptes au comptable, il n’était pas légitime d’en demander à l’ordonnateur. » Le Président de la République poursuivait : « Je profite de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer devant vous aujourd’hui pour dire que cette époque est révolue. Notre État a besoin d’une révolution intellectuelle et morale.(...) La révolution morale, c'est la plus grande sévérité pour ceux qui commette des fautes, c'est la fin du sentiment d'impunité. » Philippe Séguin, l'ancien président de la Cour des comptes, avait ainsi saisi la balle au bond et plaidé pour des sanctions dans les cas de mauvaises gestions imputables à des élus locaux ou à des ministres.
Une mauvaise gestion jamais sanctionnée
Un vide juridique persiste. Ainsi les juridictions financières peuvent saisir le parquet mais uniquement pour des infractions pénales, comme celles relatives aux marchés publics. Mais la mauvaise gestion en tant que telle n'est pas sanctionnée. « Aujourd'hui un ministre ou un élu qui commet des fautes graves sans qu'il y ait des malversations ou des infractions caractérisées aux marchés publics n'est pas sanctionné » explique Sylvain Huet, magistrat de la chambre régionale des comptes d'Arras et président du syndicat des juridictions financières (SJF).
Un processus législatif compliqué
Il faudra attendre le mois d'octobre, où le projet de loi passera devant le Sénat, pour être fixé. Au final, il y a peu de chance que l'amendement en question soit, en définitive, accepté. Outre le Gouvernement qui y est fortement défavorable, les parlementaires, dont un certains nombre sont des élus locaux, seront sans doute refroidis à l'idée de devoir, un jour, se retrouver devant cette juridiction pour rendre des comptes d'une gestion frauduleuse.
Un entrepreneur qui gère mal son entreprise est tout de suite sanctionné: soit il coule, soit le fisc s'en occupe. Alors pourquoi ces messieurs seraient au dessus des citoyens? A une époque où on demande aux français de se serrer la ceinture, certains ne sont pas concernés