Alors que les projecteurs sont tournés vers le trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, suspecté d'avoir fait perdre à sa banque près de 5 milliards d'euros, une enquête sur la genèse du marché des subprimes, publiée par Bloomberg peu avant Noël, est singulièrement restée inaperçue ...
Rencontre secrète
L'histoire commence comme dans un film hollywoodien : par une soirée glaciale de février 2005, une rencontre secrète de cinq traders de Wall Street dans l'arrière salle d'un restaurant chinois à New York. Ils se rencontrent pour déterminer dans quelle mesure l'énorme marché de l'emprunt immobilier aux Etats-Unis pourrait être transformé en une manne financière substantielle. Moins de trois ans après, les marchés financiers tremblent, paniquent et constatent, avec l'éclatement de la bulle du subprime, que l'économie mondiale entre en récession.
L'histoire aurait pu être piquante et distrayante si elle n'était pas " histoire vraie " révélée par l'agence de presse Bloomberg le 17 décembre dernier (Subprime Securities Market Began as "Group of 5" Over Chinese). Curieusement l'enquête, pourtant riche en sources crédibles, n'a été reprise par aucun autre journal ni aux Etats-Unis, ni en Europe.
Le club des cinq
Dans son article de décembre, Bloomberg révèle sa source : Greg Lippmann, trader de Deutsche Bank, 36 ans au moment de la rencontre, membre du " Groupe des Cinq ". Le mystérieux groupe inclut quatre autres traders des banques d'affaires Goldman Sachs, Bear Stearns, Citigroup et JP Morgan.
De réunion en réunion, incluant progressivement la plupart des banques de Wall Street, émergeait ainsi ce marché des subprimes qui affole aujourd'hui la planète finance.
Risques sous-évalués
Selon Rod Dubitsky, directeur de recherche chez Credit Suisse First Boston, les banques de Wall Street se sont empressées de créer une ceinture de sécurité permettant de conduire plus vite, invitant les investisseurs à prendre plus de risques, sans que le conducteur (l'investisseur final) soit conscient du risque auquel il était exposé. Les agences de surveillance de la circulation (agences de notation Moody's, Standard & Poors ou Fitch) ont elles-mêmes réalisé beaucoup trop tard (une fois les premiers accidents constatés) qu'une partie du risque avait été totalement sous-évaluée : en particulier le risque que les emprunteurs surendettés se retrouvent obligés de vendre tous au même moment leurs maisons acquises dans des conditions de crédit à des taux élevés et variables. Deux facteurs économiques ont pesé au même moment sur des millions de propriétaires fragiles : la remontée des taux d'intérêt en 2006 et 2007 et le renchérissement du coût de la vie.
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