Michel Mercier métropole
© Tim Douet

Métropole de Lyon : pour un moratoire !

La métropole en discussion définitive ce jeudi 19 décembre à l’Assemblée nationale nous inspire déception et interrogations. Territoire, compétences, finances… Les incertitudes sont grandes et il est urgent qu’un débat démocratique soit ouvert.

L’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture le 12 décembre le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Il est créé une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée “métropole de Lyon”, en lieu et place de la communauté urbaine de Lyon et, dans les limites territoriales précédemment reconnues à celle-ci, du département du Rhône…

Un territoire qui n’apporte rien

Première déception et manque de valeur ajoutée de cette métropole : celle-ci ne sera pas plus grande en termes de territoire que les actuelles limites territoriales du Grand Lyon. En termes d’attractivité du territoire et d’économie d’échelle, cette métropole n’apportera donc rien de plus que l’actuelle communauté urbaine du Grand Lyon.

Nouvelles compétences et incertitude financière

Deuxième interrogation majeure : cette nouvelle collectivité territoriale va absorber les compétences sociales du département du Rhône, ce qui va représenter un poids financier considérable sans aucune garantie d’évolution des recettes correspondantes, malgré les assurances données tant dans le projet de loi que par le vrai patron du conseil général, le sénateur Michel Mercier.

On sait très bien que, depuis des années, le phénomène dit des “ciseaux” montre une hausse des dépenses sociales que ne couvrent certainement ni les recettes ni les dotations transférées, ce qui a été évoqué lors du conseil communautaire du Grand Lyon lundi 16 décembre dernier, lors du débat d’orientation budgétaire pour le budget primitif 2014 de la communauté urbaine…

Si l’on ajoute à ce phénomène indiscutable la décision de l’État de baisser dès l’année prochaine les dotations aux collectivités locales, la création de cette métropole sera concomitante à un climat d’incertitude financière considérable qui pourrait aboutir à court et moyen terme à une augmentation généralisée de la fiscalité ménages au sein de cette métropole.

Le millefeuille administratif renforcé

Troisième constante : le millefeuille administratif se trouve non pas simplifié, mais renforcé. Le département du Rhône ne disparaît pas en dehors des limites de la métropole mais il se voit consolidé : on crée une collectivité territoriale de plein exercice sans en supprimer aucune !

De surcroît, deux phénomènes contradictoires vont se conjuguer. D’une part, la métropole va reprendre les emprunts toxiques du conseil général (alors que le vice-président aux finances du Grand Lyon se réjouissait lundi dernier que la communauté urbaine n’avait plus d’emprunts toxiques !) – notamment ceux qui ont trait au musée des Confluences, dont la dérive financière considérable a déjà attiré l’attention de la chambre régionale des comptes. À cet égard, il n’est pas possible de se satisfaire de la langue de bois selon laquelle les 400 millions d’emprunts en question seraient en quelque sorte isolés dans la masse budgétaire globale et serviraient une belle cause : celle de l’investissement ! Les contribuables sont en droit de savoir ce qu’il leur en coûtera, puisque le président du Grand Lyon n’a pas démenti le fait que les impôts augmenteraient, même – mais sans aucune assurance sur ce point – “modérément”… On sait ce qu’il en sera.

Une dépense obligatoire, dans un contexte de restriction budgétaire

D’autre part, le Grand Lyon va verser une dotation aux morceaux du département du Rhône encore existants, laquelle sera probablement pérenne pendant des années malgré un processus prévu de révision… Tout cela reste d’autant plus flou que la dotation de compensation métropolitaine constituera une dépense obligatoire que la métropole de Lyon devra financer sur ses recettes de fonctionnement, même si l’inverse (c’est-à-dire du département vers la métropole) est censé exister. Cette dotation devra faire l’objet d’un arrêté ministériel… Enfin, il existe une commission locale chargée de l’évaluation des charges et des ressources transférées du département du Rhône, qui devra faire un bilan dans un délai de 18 mois à l’issue de la création de la métropole, qui devrait intervenir le 1er janvier 215.

Donc le transfert des dettes toxiques et des dépenses sociales impactera le budget de la métropole d’une façon encore imprévisible laissant prévoir, dans un contexte de restriction budgétaire, une forte augmentation des impôts locaux. Cela n’est pas admissible dans le contexte actuel.

Aucun débat démocratique

Devant tant d’incertitudes, il est urgent de mettre en place une commission d’évaluation composée de personnalités indépendantes, afin de procéder de façon sérieuse et crédible à un audit financier. Entretemps, il faut surseoir à la création de cette métropole qui n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucun débat démocratique ! Il est en effet choquant que cette métropole ait été portée sur les fonts baptismaux par deux sénateurs en quasi catimini, quelles qu’en soient les raisons profondes.

Si on ajoute à cela – quatrième question – le fait que le personnel du Grand Lyon apprendra comme d’habitude par la presse le sort qu’on lui réserve à terme, avec d’éventuelles suppressions de postes qui devraient en toute logique être programmées s’il s’agit de mutualiser les personnes des deux collectivités, ce moratoire nous paraît d’autant plus urgent. L’impréparation et la précipitation risquent de conduire à une catastrophe économique, fiscale et sociale.

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* Patrick Martin-Genier est responsable associatif lyonnais et maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris.

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