Alors que la Lyonnaise Pauline Jaricot est béatifiée ce dimanche 22 mai à Eurexpo, Mgr Olivier de Germay, archevêque du diocèse de Lyon, se livre à Lyon Capitale sur la portée de cet événement. Interview.
C'est un événement rare pour l'Eglise de Lyon. Ce dimanche 22 mai, la Lyonnaise Pauline Jaricot est béatifiée au cours d'une messe célébrée à Eurexpo, en présence des autorités du Vatican et 13 000 personnes venues du monde entier. En tout, 30 évêques, dont dix-huit Français, célébreront dans une cathédrale éphémère de 140 000 m2. Pour rappel, Pauline Jaricot, née en 1799, est connue sur les cinq continents comme la fondatrice de l’Oeuvre de la Propagation de foi et du Rosaire Vivant. Œuvrant auprès des familles pauvres des ouvriers canuts, elle est une figure importante et populaire de l’Eglise de Lyon. La dernière béatification de Lyonnais remonte à 1997 avec Frédéric Ozanam, et encore avant, en 1986, le père Chevrier. "Bienheureux", selon l'Eglise catholique, est un titre mettant en avant la vie d'une personne exemplaire selon la foi chrétienne.
L'interview de Mgr de Germay :
Lyon Capitale : Que représente un tel événement pour le diocèse de Lyon ?
Mgr de Germay : C’est d’abord une grande joie ! Vous savez, l’événement est rare puisque le dernier Lyonnais à avoir été béatifié est Antoine Chevrier, et c’était en 1986 à Lyon dans le cadre de la venue du pape Jean-Paul II. Après les années douloureuses que le diocèse de Lyon a connu, les fidèles sont heureux de se réunir pour honorer cette figure lyonnaise.
Est-ce que cette béatification confirme la place singulière du diocèse de Lyon dans l’Eglise ? Comment ?
Chaque diocèse a son histoire, ses atouts et ses fragilités. Il ne s’agit pas d’établir un classement des diocèses par ordre de mérite… On peut dire cependant que le diocèse de Lyon est le plus ancien de France ; il existe depuis plus de 1900 ans. Il est né dans le sang des martyrs et garde la mémoire d’hommes et de femmes qui ont laissé un beau témoignage.
Cette histoire très riche a donné au diocèse de Lyon deux grandes caractéristiques : une ouverture universelle pour la mission et un engagement très concret en faveur des plus défavorisés.
On pense bien sûr à sainte Blandine, et à saint Irénée, récemment déclaré docteur de l’Eglise et docteur de l’unité. Mais aussi à tous les saints et les saintes, comme Pauline Jaricot, qui ont jalonné la vie du diocèse. Cette histoire très riche a donné au diocèse de Lyon deux grandes caractéristiques : une ouverture universelle pour la mission et un engagement très concret en faveur des plus défavorisés.
Allez-vous utiliser cette fête pour donner une impulsion particulière dans le diocèse ? Avec quelle orientation ?
Cette fête de la béatification de Pauline Jaricot a déjà mobilisé et fédéré de nombreuses personnes que je remercie. Je ne doute pas qu’elle participera à ce nouvel élan missionnaire que j’appelle de mes vœux et que j’ai eu l’occasion de préciser dans une lettre pastorale publiée en septembre dernier. Pauline Jaricot montre avec évidence que le fait d’être chrétien ne peut pas être une sorte de vernis extérieur mais qu’il s’agit d’un appel à se laisser transformer par le Christ, pour que notre vie en soit transformée et que nous participions – chacun à notre façon – à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel.
Dans la vie d’un archevêque, à titre personnel, comment recevoir cette béatification ?
Elle est évidemment un événement exceptionnel qui marque le ministère d’un évêque. Mais la vie m’a appris que la grandeur d’un événement ne se mesure pas simplement à ce qui se voit.
La grandeur d’un événement ne se mesure pas simplement à ce qui se voit.
Nous pouvons vivre de grandes choses dans le secret et l’invisible de nos cœurs, et toute rencontre – même celle qui semble banale – peut être un moment de grâce. C’est aussi cela dont témoignent les saints.
Qu’est-ce que la vie de Pauline Jaricot peut enseigner aux fidèles ?
Pauline offre un beau témoignage à tous ceux qui sont croyants. Alors qu’elle était jeune et jolie fille, elle prend conscience, en écoutant un prêtre lors d’une messe, de la vanité de sa vie. Elle quitte alors ses belles robes pour revêtir l’habit des ouvrières de la soie de son quartier. A partir de ce jour, elle se met au service des plus pauvres. On peut dire qu’elle a pris l’Evangile au sérieux et qu’elle a toujours cherché à vivre en cohérence avec sa foi. Elle a connu de grandes joies, des échecs et de lourdes épreuves aussi, mais en restant toujours dans la confiance.
Et à ceux qui ne croient pas, à l’heure où l’image de l’Eglise est entachée ?
Pauline Jaricot peut aussi interpeller ceux qui ne croient pas. Cette femme, laïque, a un côté très moderne. Elle a manifesté une grande liberté intérieure et a été en avance sur son temps dans bien des domaines. Elle a compris qu’en fédérant les énergies, on peut faire de grandes choses. Les œuvres qu’elle a fondées se sont répandues, de son vivant, dans le monde entier.
Elle quitte alors ses belles robes pour revêtir l’habit des ouvrières de la soie de son quartier.
Sa créativité et son esprit d’entreprise sont étonnants. Pauline est une femme qui voit grand mais qui reste humble et attentive à tous ceux qui l’entourent, spécialement les plus pauvres.
Quelle est la portée missionnaire de cette cérémonie ?
Des représentants de plus d’une centaine de pays seront présents. Ce côté international de la célébration manifeste la dimension universelle de la foi chrétienne qui peut rejoindre tout être humain et s’incarne dans toutes les cultures. Aujourd’hui comme il y a deux mille ans, l’Evangile a le pouvoir de toucher les cœurs, de révéler le sens profond de nos existences et de transformer nos vies.
Ce sont mes prédécesseurs, et en particulier le cardinal Barbarin, qui ont œuvré et travaillé pendant de nombreuses années pour que le message de la vie de Pauline Jaricot soit mis en lumière.
Je suis sûr que pour beaucoup de ceux qui seront présents, cette célébration sera l’occasion d’être renouvelés dans leur foi, et qu’ils repartiront avec le désir de témoigner de ce qu’ils auront vécu.
Pourquoi inviter le cardinal Barbarin ?
Pauline Jaricot est béatifiée aujourd’hui, en 2022. Ce sont mes prédécesseurs, et en particulier le cardinal Barbarin, qui ont œuvré et travaillé pendant de nombreuses années pour que le message de la vie de Pauline Jaricot soit mis en lumière. Il était tout à fait naturel qu’il puisse prendre part à cette fête.
Pour aller plus loin sur ce sujet, retrouvez le témoignage d'une descendante de la famille Jaricot en vidéo :
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