Compagnie des Guides de Saint-Gervais Mont-Blanc

Mont Blanc : des permis pour monter, le maire s'explique

Suite aux accidents mortels, aux incivilités et aux violences, l'État a pris des mesures drastiques et inédites sur le continent européen  : un quota précis d’ascensions sur le mont Blanc. Le détail en exclu.

"Il faut que le monde entier sache que le mont Blanc n’est désormais plus open bar !"  Jean-Marc Peillex ne boude pas son plaisir. Le maire de Saint-Gervais vient de réussir le coup de force de contrôler l'accès au plus haut sommet d'Europe occidentale (4 810 m), une première sur le continent (seules les ascensions sur le le Kilimandjaro en Afrique et les sommets de l'Himalaya sont régulés). Et une "grande victoire" dans une "bataille" qu'il mène depuis quinze ans. Depuis sa prise de fonction, en 2001, aux destinées saint-gervolaines, Jean-Marc Peillex n'a cessé d'alerter sur les dangers de la surfréquentation touristique du géant alpin. Insultes, bousculades, violences physiques... Mi-juillet, sous la pression très médiatisée de ce dernier, le préfet de Haute-Savoie avait même dû prendre un arrêté temporaire restreignant l'accès au sommet du mont Blanc par "la voie royale". Mais cet arrêté n'était que temporaire.

La restriction passée, la situation a repris de plus belle. Mi-août, l'abri Vallot (4 362 m) – situé sur cette même voie – a été privatisé par vingt-quatre personnes, alors qu'il n'a pas pour vocation l'accueil du public mais constitue un abri pour les alpinistes en détresse ; un guide a été frappé en croisant une cordée de huit personnes originaires de l'Europe de l'Est au motif qu'il ne s'était pas arrêté pour les laisser passer ; un autre s’est fait volontairement bousculé sur l'arête des Bosses par quatre Espagnols mal encordés et mécontents de s'être fait doubler.

Un quota de 214 ascensions quotidiennes

Le 30 août dernier, les guides, la Fédération française des clubs alpins et de montagne, les représentants de Saint-Gervais et de Chamonix, l'État, le gardien du refuge du Goûter, le conseiller montagne du préfet de Haute-Savoie se sont retrouvés autour d'une table. En dix minutes, tout le monde tombait d'accord. Le 3 septembre, tous se retrouvaient dans le cabinet du préfet et, à 20h30, la décision tombait : "la situation n'est plus acceptable. Il faudra à l'avenir un permis, en quelque sorte, pour gravir le sommet du mont Blanc. Ce permis ne sera pas payant, car nous ne sommes pas sur du mercantilisme, mais permettra de contrôler les allées et venues jusqu'au somme, détaille Jean-Marx Peillex. Nous allons définir un quota d'alpinistes autorisés à tenter l'ascension du mont Blanc chaque jour."

La règle sera simple : il y aura autant d'ascensions validées que de couchages disponibles au refuge du Goûter (120 places), au refuge de Tête Rousse (74 places) et au refuge du Nid d'Aigle (20 places). Soit 214 par jour. "Quand vous avez cent places dans un avion, vous ne mettez pas 103 passagers. Pareil pour les ascensions sur le mont Blanc." Et de préciser qu' "il  ne s'agit pas d' une réglementation de la montagne, mais d'une régulation ".

Camping de Tête Rousse supprimé

Jusqu'à maintenant, le gros problème venait du camping au camp de base de Tête Rousse (3 165 m), le seul lieu de camping autorisé par l'État dans tout le site classé du Mont-Blanc, avec accès gratuit et sans réservation, soit 50 tentes. Soit 100 personnes en comptant deux personnes par tente. "Les « alpinistes » arrivaient au sommet, redescendaient au Goûter où ils n'avaient pas réservé et dormaient dans l'entrée", réservée à la dépose du matériel et des crampons des alpinistes. Les dépassements pouvaient aller jusqu'à trente personnes. "Quand l'État nous a donné le droit de construire ce refuge, compte tenu qu'il s'agissait d'un établissement recevant du public, une condition a été exigée noir sur blanc  : la limitation du nombre de personnes à 120. Or, aujourd'hui, ce sont entre 140 et 150 personnes qui se retrouvent chaque jour là-haut, fulmine Jean-Marc Peillex. Le gardien du refuge, Antoine Rattin, un guide de haute-montagne très compétent, se trouve dans une situation à la fois très délicate et contradictoire, partagé entre l'obligation administrative de ne pas dépasser la capacité autorisée et celle de ne pas mettre en danger les alpinistes." Dès l'été prochain, le camping à proximité du refuge de Tête Rousse sera interdit.

Pour les alpinistes ayant opté pour un guide, ce dernier s'occupera de faire valider le justificatif de réservation dans l'un des trois refuges. Pour les alpinistes indépendants, il faudra "probablement" – les discussions sont en cours – le faire valider par l'une des deux offices du tourisme, à Saint-Gervais ou Chamonix.

Brigade verte

Quant au respect de ces nouvelles règles d'ascension du mont Blanc, elles seront contrôlées par une brigade verte (structure de veille environnementale), sortes de gardes champêtres d'antan. "Elles seront assermentées, avec un pouvoir de police environnementale, pour pouvoir pénaliser les contrevenants qui n'ont pas de réservation dans l'un des trois refuges." Les détails et les contours juridiques de cette nouvelle organisation sont actuellement discutées.

En 2017, 14 personnes sont mortes (9 en 2016) sur les voies d'accès au mont Blanc.

 

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